Foire de l’artisanat : La créativité au rendez-vous, l’affluence en moins (Reportage)

05-10-2021

Après avoir été reporté à plusieurs reprises à cause de la pandémie, le Salon de la création artisanale fait son grand retour à la Foire des expositions du Kram à Tunis. Evénement incontournable de l’artisanat tunisien, il se poursuivra jusqu’au 10 octobre prochain.

Décoration, mode, ameublement, art de la table ou encore gastronomie, de nombreux artisans issus des quatre coins de la Tunisie ont fait le déplacement afin de présenter leurs dernières créations aux amoureux du traditionnel. Pourtant, cette année il semble que ce salon n’a pas généré le même engouement que les années précédentes…. Pandémie, calendrier, pouvoir d’achat en berne…autant de facteurs qui font que le lèche-vitrine domine les achats… Reportage.

L’artisanat, un secteur en crise

Ce salon de l’artisanat qui accueille chaque année près de 140 000 visiteurs, connait une importante baisse d’affluence cette année. C’est ce que nous ont confirmé les exposants qui reprochent aussi au ministère du Commerce et de l’Artisanat, le mauvais choix de la date du salon.

 « D’habitude, ce salon se tient au mois de mars, au printemps, la saison durant laquelle la clientèle tunisienne serait capable de dépenser. A cause de la crise du Covid-19, ce rendez-vous a été reporté, pour le mois d’octobre. Une période où les Tunisiens se serrent la ceinture, après les vacances d’été, le coût de la rentrée scolaire, les inscriptions dans les écoles… », a analysé une artisane de Feriana (Kasserine).

Cette propriétaire d’une marque (Société El Amal), de tissage tapis et en design de toile de jute, nous a confié qu’elle a loué son stand à 2000 dinars, mais avec la baisse de la demande à cause de la crise économique, elle n’arrive pas à couvrir ses charges.

« Avant, je vendais aux magasins touristiques de Djerba, Hammamat, Sousse, Nabeul, Tunis…Et les ventes étaient à leur apogée avant la crise sanitaire. Maintenant, je compte sur les foires pour exposer. Mes collaboratrices, les artisanes des régions, sont au chômage. Certaines ont même changé de métier, pour travailler en tant qu’aides ménagères ou dans les champs », nous dévoile-t-elle.

Pour elle, le département doit venir à l’aide des artisans, frappés par un marasme sans précédent depuis l’apparition de la pandémie.

Nous avons aussi rencontré le propriétaire de la verrerie de Carthage (AKAM), Khaled Azaiez, qui propose des articles de décoration, d’art de la table et des pièces uniques en verre. D’après le manager de la marque, cette année la foire est un réel fiasco. « Le choix de la date est mal étudié, pour un salon sur lequel compte les centaines d’artisans venus de tout le pays. Pour ma part, les clients continuent à acheter de mon store, et non pas de mon stand au salon de la création artisanale, de peur du covid-19 ».

En effet, ses articles de haut de gamme en verre craquelé, soufflé… attirent plus une clientèle aisée, à la quête des dernières tendances en matière de décoration. Quant aux clientes qui se faisaient plaisir autrefois en achetant ses produits durant les préparatifs du mariage, elles semblent  hésitantes devant la marchandise. «  Malgré  une remise de 35%, elles trouvent que les prix sont encore élevés. », révèle-t-il, soulignant que le pouvoir d’achat des Tunisiens s’est détérioré avec la crise sanitaire.

Cet avis est aussi partagé par un autre artisan spécialisé dans le bois d’olive sculpté. Venu de Sfax pour exposer, ses produits BIO, il a nous indiqué que les visiteurs sont cette année dans la retenue. « Ce sont les étrangers qui donnent plus d’importance à l’intérieur, et qui achètent en étant convaincus par la qualité de nos produits. Les Tunisiens optent, quant à eux, pour les ustensiles industriels et ne misent pas beaucoup sur la rénovation de la décoration de leurs cuisines », nous confie-t-il.

De plus en plus de jeunes créateurs…

Si le secteur de l’artisanat rime souvent avec traditions ancestrales, de jeunes designeurs à la pointe des nouvelles tendances ont fait le choix de monter leur propre entreprise. C’est le cas de Melek Galloubi. Architecte de formation, elle s’est finalement spécialisée dans le traitement du verre plat. Ainsi, elle propose notamment des sous-tasses, des verres ou encore des boucles d’oreille aux motifs traditionnels entièrement faits à la main et hauts en couleurs. Elle a également créé une gamme de tamis qu’elle a transformé en miroirs tendances et branchés et revêtus du tissus style « mergoum ». « Beaucoup d’architectes d’intérieur sont à la recherche d’objets insolites pour leurs clients. C’est un subtil mélange entre le traditionnel et le moderne, ce qui est très à la mode en ce moment dans les intérieurs », nous dit-elle. 

Autres tendance, celle des couffins en osier utilisés autrefois pour aller faire les courses. aujourd’hui de nombreux jeunes stylistes ont décidé de les ressortir des placards de leurs grands-parents pour en faire un accessoire de tous les jours, comme la marque « Création Sana ».

Jeune entrepreneuse originaire de la région de Gafsa, elle a revisité le fameux couffin en un sac chic et sport à la fois. « A la base le couffin traditionnel vient de ma région, alors je trouvais cela naturel d’en faire mon métier. Je fais travailler des femmes de Gafsa au service de mes envies les plus délirantes! », indique-t-elle. 

Malgré un secteur en crise, l’artisanat tunisien pourra compter sur cette nouvelle graine d’entrepreneurs et entrepreneuses pour continuer de faire vivre un savoir-faire ancestral, vieux de plusieurs millénaires. 

Retrouvez ci-dessus un reportage vidéo consacré au Salon de la création artisanale 2021.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi