L’après pandémie : « Le sens du couple et de la famille seront remis en question »

01-04-2020

Comme toutes les catastrophes sanitaires que l’Humanité a su surmonter et s’y adapter, la pandémie du Coronavirus, par sa propagation si imprévisible et rapide, et sa provenance méconnue jusqu’à ce jour,  a chamboulé les habitudes des citoyens. Distance obligatoire, confinement total, rupture avec le monde extérieur et déconnexion de l’espace public, l’humanité fuit la menace et se replie sur elle-même.

En effet, les pandémies contrairement à ce qu’on croit, stimule la créativité. La tuberculose à titre d’exemple, cette bactérie qui a fait un million et demi de mort entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, a poussé les gens à se cacher dans leurs maisons, pour éviter la contagion. Ce mode de vie casanier a donné naissance à l’un des plus grands mouvements artistiques de la peinture, « Le romantisme ».

Autrefois, les citoyens confinés chez eux, se cachant dans leurs intérieurs, ils se sont mis à peindre ce qui les entourent, notamment « la nature morte », une espèce de composition de fruits, d’ustensiles de cuisine, ou encore bouquets de fleurs finement peints sur des toiles…

C’est ce qu’a révélé le neuropsychiatre Boris Cyrulnic, dans un entretien avec France-inter, le 16 mars dernier.

« La grippe espagnole » également, cette pandémie qui a provoqué le décès de 50 millions de personnes, à travers le monde, a inspiré le psychanalyste Freud à forger son concept sur « les pulsions de mort », suite à la mort de sa fille « Anna Freud » frappée par l’épidémie, selon la romancière Laura Spinney, dans son livre « La grande tueuse : la grippe espagnole » (2018).

Selon cette journaliste scientifique, la grippe espagnole a plongé le monde dans une sombre période de l’histoire, mais aussi, elle l’a changé. Cette pandémie a bouleversé la structure de la société, a-t-elle constaté. « En causant la mort des malades âgés de 20 et 40 ans, la grippe espagnole a fait beaucoup d’orphelins. Elle a stimulé également la recherche en virologie, l’épidémiologie, et la médecine socialisée ».

« La grippe espagnole a su convaincre les médecins que ce virus létal ne respecte pas les frontières ce qui a d’ailleurs donné naissance à l’Organisation Mondiale de la Santé (l’OMS) », a souligné Laura Spinney dans son livre «La grande tueuse : la grippe espagnole ». Cette épidémie a poussé la société des nations (SDN), l’actuelle ONU, à créer dans ce contexte épidémiologique « un comité d’hygiène », considéré comme étant l’ancêtre de l’OMS.

L’apparition d’un virus dangereux, le Covid-19, qui a fait jusqu’à ce jour plus de 25 000 décès à travers le monde, engendrera sans doute des mutations profondes dans l’avenir, notamment sur le plan social.

En l’interpellant sur les changements qui pourront toucher la société tunisienne dans « l’après pandémie », le professeur Riadh Ben Khelifa spécialisé en histoire des économies et des sociétés méditerranéennes, a parlé des sens du couple, et de la famille qui vont être remis en question.

« Avec cette pandémie qui a accentué paradoxalement l’individualisme et le retrait, ainsi que le retour à la famille, qui se présente en ce moment, comme l’unique havre de paix, il y aura certainement une remise en question des liens familiaux. Cette pandémie du Coronavirus marquera pour longtemps la société tunisienne. »

  « Le rapport des Tunisiens avec l’hygiène va changer également. Ils seront plus attentifs et méfiants quant aux mauvaises habitudes nutritionnelles. Dorénavant, le fait maison sera privilégié. La désinfection automatique des lieux et des objets s’est imposée dans nos mœurs. La distance de sécurité, se maintiendra également, à cause de la peur d’une probable récidive de l’épidémie l’hiver prochain…», ajoute-t-il.

« Par ailleurs, les relations intimes vont être l’objet de beaucoup de prudence, car chaque individu sera potentiellement porteur du virus. La situation des célibataires va devenir extrêmement compliquée. D’ailleurs, certains vont se résoudre à se marier… ».

« Ce genre de catastrophes humaines, va inciter à un retour plus fort vers la religion », assure-t-il, en soulignant que « c’est un réflexe naturel dans ce genre de situations, de se diriger vers la spiritualité pour se ressourcer ». 

Emna Bhira