Etude du profil des terroristes et de leurs proies en Tunisie, Maroc et Libye

19-11-2019

«Le seul point en commun qui existe entre les extrémistes de Daech ayant violenté les femmes, c’est la vision rétroactive et très primitive qu’ils portent sur la masculinité ».

C’est ce qu’a révélé le directeur régional de l’ONU femmes, Moez Douraid, en marge d’une conférence de presse, tenue ce lundi 18 novembre, en présence de la ministre de la femme Naziha Laabidi, sur le « Genre et Extrémisme Violent en Afrique du Nord : à la Racine du Problème ».

Son constat est basé sur les résultats officiels d’une analyse factuelle des liens entre le genre et l’extrémisme violent, menée au Maroc et en Tunisie, ainsi que dans quatre régions de la Libye, par l’organisation des nations unies (ONU Femmes) et le Centre Genre, Paix et Sécurité de l’Université Monash, avec le soutien du Gouvernement du Royaume Uni.

Le centre tunisien de recherches et d’études sur le terrorisme (CTRET) a procédé à la collecte de données compilées à partir des procès-verbaux de 384 cas enregistrés entre 2011 et 2015, impliquant près de 1000 personnes accusées de terrorisme, dont 35 femmes.

A ce sujet, Moez Doraid a expliqué que le fait que ces hommes appartiennent à un groupe d’extrémistes, leur fait gagner plus de respect et de pouvoir dans la société, ce qui leur facilite la pratique et la légitimation de la violence.

Concernant les caractéristiques des femmes recrutées par Daech en Lybie, Melissa Johanson de l’université Monash, a souligné que les profils les plus ciblés par les groupes extrémistes sont les femmes n’ayant pas un revenu, ou celles subordonnées à leur famille ou mari.

La vulnérabilité socioéconomique peut raviver, chez les femmes, le sentiment de désenchantement et agir comme facteur causal de leur appui aux groupes d’extrémisme et de leur engagement dans leurs rangs, a-t-elle ajouté.

« Par ailleurs, la marginalisation est également désignée comme facteur déterminant de l’appui des femmes aux missions de Daech », explique-t-elle.

« Les divorcées et les veuves, et celles n’ayant pas un niveau éducatif, sont les plus influençables, par les discours intimidants des extrémistes diffusés sur internet, autour de l’enfer et le paradis ».

« Quant aux aspects psychologiques, les proies de Daech sont généralement des jeunes femmes plutôt dociles avec leur conjoint, et qui se sont mariées dès un très jeune âge ».

Melissa Johanson a également souligné que ces victimes de violence verbale et physique sont, dans la plupart des cas, convaincues de la légitimité de la brutalité qu’elles ont subi que ce soit au sein de leur famille, dans le cadre marital, ou une fois recrutées par Daech…

« Pour elles, ce genre de violence intervient dans le cadre de leur éducation et pour leur intérêt. Cette conviction de leur infériorité, leur donne aussi un caractère permissif.

Quand ces femmes croient que l’homme est le maitre du foyer, la relation entre la violence et l’acceptation devient presque causale, et cette mentalité apparait comme le fondement même de la violence.»

D’autre part, l’étude a montré, que les femmes sont minoritaires parmi l’ensemble des individus recrutés dans des groupes d’extrémisme violent, comparativement aux hommes.

Concernant la méthodologie adoptée, elle se base sur un rapprochement entre les méthodes adoptées dans le recrutement des combattants de Daech, et l’incidence de l’extrémisme violent, en se référant à 7 indicateurs socioéconomiques : le genre, l’âge, la zone géographique, le statut marital, le niveau d’instruction, la filière d’étude et l’activité professionnelle.

Emna Bhira