Le protocole de prise en charge des malades Covid+ expliqué par Dr. Lamia Kallel

23-10-2020

Au printemps dernier, au moment de l’apparition du virus, la Tunisie  semblait avoir gagné la bataille grâce à des mesures préventives comme le confinement général de deux mois et la fermeture des frontières. Le dé-confinement s’est, lui aussi, déroulé dans de bonnes conditions. Le pays avait alors reçu les éloges de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et avait été cité comme modèle dans la gestion  de la pandémie.

Mais depuis le 27 juin dernier, la situation épidémiologique prend une toute autre tournure.

Avec la détection de milliers de cas par jour, la Tunisie est bel et bien entrée dans une vague sans égale de la pandémie.

D’après le ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, la Tunisie compte aujourd’hui 181 lits de réanimation  dont 145 sont déjà occupés. De quoi attiser encore plus la crainte d’une saturation dans les services de réanimation.

Mais fort heureusement pour la majorité des personnes contaminées, une médication à domicile et un auto-confinement de 15 jours sont suffisants pour guérir. Pour autant, ils sont encore nombreux à se rendre directement à l’hôpital et appeler le 190.

Une situation qui génère beaucoup de problèmes de gestion de patients dans les services d’urgences.

Nous avons rencontré Lamia Kallel. Elle est chef de service à l’hôpital Mahmoud El Matri à l’Ariana et également Présidente du Conseil régional de l’Ordre des médecins de Tunis. « La question principale ce n’est pas de savoir comment nous en sommes arrivés là et et qui a fait quoi et pourquoi ? Le vrai sujet, aujourd’hui, c’est de savoir comment allons- nous gérer cette situation ?», dit-elle.

L’orientation des patients…voici une des stratégies qu’a mis en place le ministère de la santé. A cet égard, Lamia Kallel explique que l’écrasante majorité des cas est gérée par le privé. Elle entend par là, les médecins généralistes, les médecins de famille, les ORL, les pneumologues et les pédiatres. « C’est eux qui nécessitent en premier lieu d’être orientés ».

En effet, afin de faire baisser la pression sur les services d’urgence des hôpitaux, le ministère en collaboration avec l’Instance nationale de l’évaluation et de l’accréditation en santé a publié il y a quelques jours le protocole que doivent suivre les médecins lorsqu’un patient soupçonné Covid+ vient consulter en cabinet. 

Ce guide permettra aux médecins dits de première ligne d’établir le parcours du patient en fonction du degré de gravité de la maladie. Il s’agit de la prévention dite secondaire. Il sera question, d’abord, de détecter les différentes formes en fonction des symptômes ressentis, puis d’établir un score de tri qui dira si le patient a besoin d’un parcours hospitalier ou d’un traitement pharmaceutique qu’il pourra suivre à domicile.

Afin de faciliter l’orientation des patients, des « points focaux » ont été désignés dans chaque direction régionale. Ainsi, le médecin de ville pourra, en cas de besoin, les contacter pour savoir vers quelle structure orienter son patient.

D’après Lamia Kallel, l’autre solution serait la mise à disposition des fameux tests rapides dans les cabinets médicaux privés.

Mais le ministre a précisé que ces derniers ne seront utilisés que dans les urgences et les hôpitaux.

En cas de forme sévère de la maladie du Covid-19 chez un patient, il faudrait que le médecin sache où trouver un lit de réanimation de disponible. « Pour cela, le ministère serait en train d’élaborer un logiciel informatique qui permettrait de connaître en temps réel la disponibilité de ces lits », explique Kallel.

Si à l’étranger la courbe des décès semble se stabiliser, en Tunisie elle prend une courbe ascendante.

Pour Lamia Kallel, ce phénomène est dû à une prise en charge trop tardive des cas les plus sévères. Elle ajoute « qu’encore trop de personnes malades ne consultent pas ».

La Chef de service note également un relâchement des citoyens. « Je pense qu’ils ne sont pas assez conscients de la situation. Il faut pour cela que l’Etat communique mieux sur les dangers de la contamination et sur l’importance des gestes barrières. Il faut faire appliquer la loi », dit-elle.

Wissal Ayadi