Kaïs Saïd à l’Obs : « Si je cite Voltaire et Hugo, puis-je être Salafiste ? »

21-09-2019

Dans un long entretien avec le Nouvel Observateur, le finaliste du deuxième tour de la présidentielle, Kaïs Saïd, estime que son accession au second tour « se fait dans le cadre de la légalité constitutionnelle. Je ne vois pas pourquoi les gens seraient inquiets », a-t-il répondu à une question sur les inquiétudes éveillées par son arrivée en tête, à l’issue du premier tour. « Il y a la constitution, toute la constitution, rien que la constitution », « si je peux employer les mots de François Mitterrand lors de la première cohabitation avec Jacques Chirac.

« Le chef de l’Etat est le garant de la suprématie de la Constitution. Il y a la continuité de l’Etat tunisien, quel que soit le chef de l’Etat, continuité de l’Etat de droit. Les engagements internationaux doivent être respectés, les lois aussi. D’où viendrait cette inquiétude ? »

Sur « les qualificatifs qui le décrivent Robocop, Robespierre, ovni »… Il répond : « Je ne suis ni Robocop, ni Robespierre. J’essaye simplement de discuter, d’appréhender les choses d’une autre manière. Je ne comprends pas pourquoi on me qualifie d’énigmatique. Je suis clair dans mes propos, dans les solutions que je propose, dans mes discours ».

Au sujet de son conservatisme qui inquiète, il estime : « Conservatisme et modernisme sont là encore, me semble-t-il, des concepts qui appellent à être révisés. Je crois que ce qui doit primer est la compréhension des peuples et des nations entre eux. Il faut dépasser cette dichotomie ».

A la question de savoir s’il était salafiste, il répond : « Non. Ai-je l’air d’un salafiste ? Si je cite Voltaire et Victor Hugo, puis-je être salafiste ? Discuter avec quelqu’un vous fait-il appartenir à son mouvement politique ? Je n’appartiens à aucun parti. Je suis indépendant et je le resterai ».

Concernant sa francophilie et sa francophonie, et sa conception des liens de la Tunisie avec la France et l’Europe, il a dit apprécier la littérature française. « Je lis et relis la doctrine française, surtout en droit. Je n’ai pas de complexe particulier, loin de là. Nos rapports avec la France, avec l’Europe d’une manière générale, sont dictés par la géographie et on ne changera pas la géographie. Bien avant le Protectorat, nous avons eu des relations, des « moments tumultueux » comme dit le président Macron. Mais nous sommes des partenaires traditionnels. L’essentiel, c’est la compréhension entre les peuples. La dimension humaine doit être placée au centre. Chaque Etat a ses intérêts mais la compréhension humaine doit primer. Nous avons un destin commun en tant que voisins. Dépassons les moments tumultueux pour écrire une nouvelle histoire ensemble, en collaboration ».

Au sujet de l’ouverture de la Tunisie à d’autres Etats, notamment à la Chine, il a affirmé que « les intérêts du peuple tunisien priment, comme dans n’importe quelle politique étrangère. S’ouvrir sur son environnement proche d’abord. Sur d’autres Etats certainement. Mais nous avons des relations particulières avec nos partenaires traditionnels dans le monde arabe, en Afrique et au nord de la Méditerranée. Cherchons ensemble des solutions… »