La souffrance des dénonciateurs de dossiers de corruption dans l’administration

14-11-2019

Des lanceurs d’alerte qui ont dénoncé des dossiers de corruption au sein des structures publiques dans lesquels ils travaillent, ont subi des harcèlements moraux, ont été gelés de leurs fonctions, isolés, et ont même été exclus de leurs équipes de travail, par leurs collègues…

« J’ai été privé de mon droit aux promotions, de mes privilèges administratifs en tant que haut cadre au ministère. Après que j’ai signalé des informations sur la falsification des papiers concernant des marchés publics, à l’instance nationale de la lutte contre la corruption (INLUCC), même ma famille a été harcelée… »

C’est ce qu’a révélé une dénonciatrice d’une affaire de corruption, dans une administration publique, en marge d’un atelier de réflexion sur l’assistance et la veille psychologique et morale des dénonciateurs », organisé ce jeudi 14 novembre, par l’instance nationale de la lutte contre la corruption (INLUCC), en partenariat avec le centre national des courts des Etats (NCSC).

En effet, cet atelier a été élaboré dans le cadre de l’exécution de la stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNBGLCC) et la mise en œuvre de la loi organique n°2017 du 7mars 2017 relative à « la dénonciation des faits de corruption à la protection des dénonciateurs ».

Les motifs des représailles, peuvent être utilisés pour dissuader d’autres lanceurs d’alerte potentiels au sein de l’organisation, a expliqué Francesco Climentocci, expert en matière de transparence, au centre national des courts des Etats (NCSC).

Par ailleurs, Dr. Rim Rafrafi, chef de service de santé mentale à l’hôpital Mongi Slim, a souligné les conséquences de tels préjudices sur la stabilité psychologique et mentale des employés, qui ont eu le courage de signaler des actes, pouvant toucher à l’intérêt public…

Selon elle, les profils des dénonciateurs des conduites illégales ne représentent pas un modèle stéréotype.

 « Les lanceurs d’alerte sont généralement des personnes qui ont la notion de l’ordre, et qui éprouvent de forts tiraillements entre la complicité et le déni, une fois ils ont découvert des faits de corruption. Ils ressentent ensuite une culpabilité profonde qui les pousse à divulguer les informations qu’ils tiennent… »

Le plus dur, c’est le rejet qu’ils affrontent  au sein de leurs entourages, après la prise de décision. Les collègues se méfient désormais d’eux, et les écartent. Les dénonciateurs vivent dès lors une anxiété aiguë qui mène à la dépression, et ensuite à un stress post-traumatique, des idées de suicide, difficultés de sommeil, qui les empêchent d’accomplir leurs tâches…

Ces symptômes s’amplifient, surtout dans le cas où leurs déclarations sont mises en doute, a expliqué Rim Rafrafi, en soulignant que certaines personnes ont même été accusées de déficience mentale, et renvoyées à l’hôpital psychiatrique Errazzi de la Manouba.

C’est les médecins psychologues des structures publiques, qui sont complices avec les corrompus, et qui prescrivent ce genre de recommandations, afin d’inhiber les lanceurs d’alerte, a indiqué une fonctionnaire, qui a dénoncé un de ses collègues…

L’apparition de ces symptômes d’instabilité psychologique suite à un signalement de corruption, doivent être confirmés par un médecin de la cellule de veille psychologique auprès de l’INLUCC, afin de répondre aux critères d’octroi de la protection  psychique, a conclu Dr. Rafrafi.

Cette cellule a été créée également, selon la loi organique n°2017 du 7mars 2017 relative à « la dénonciation des faits de corruption à la protection des dénonciateurs ».

Emna Bhira