Mariages en temps de Covid : Rêves gâchés, préparatifs freinés et fêtes à huis-clos ! (Enquête)

18-06-2021

Le Covid-19 demeure cette année aussi, parmi les premières contraintes pour les mariés, souhaitant fêter leurs noces en pleine pandémie. Avec la peur de transformer leur fête en un  cluster, l’incertitude sur l’avenir avec l’aggravation de la situation épidémique, et les restrictions pouvant être décrétées par les autorités, dont un changement des horaires du couvre-feu, la célébration des mariages est, désormais, un pari risqué.

Entre reports des fêtes, limitation du nombre des invités et report ou encore annulations des voyages de noces, les candidas au mariage sont particulièrement touchés par les impacts de la pandémie jusqu’aux plus petits détails de leurs préparatifs.

C’est ce que nous a confirmé Fatma Akacha Jegham, la fondatrice du groupe Facebook « J’ai porté pour vous le jour de mon mariage », dans lequel les femmes, partagent leurs robes portées le jour J, ainsi que leurs idées de décoration, les bons plans des salles des fêtes, salons de coiffure, et discutent de leurs soucis de futures « mariées » et « fiancées » dans des forums entre filles.

 Dans un entretien accordé à Gnetnews, la fondatrice de ce groupe qui compte les milliers d’adhérentes, a souligné que depuis l’année dernière plusieurs ont reporté leur date de mariage à cause du coronavirus, pour des questions de sécurité.

« D’ailleurs, j’ai un membre du groupe qui m’a confié qu’elle a  dû reporter son mariage 3 fois en une seule année à cause des confinements successifs », nous révèle-t-elle.

D’autre part, cela n’a pas empêché d’autres personnes de célébrer leurs noces malgré les contraintes, et cela tout en se conformant aux restrictions sanitaires.

« Pour leurs mariages, ces dernières optent pour des espaces extérieurs en plein air, dans de grands jardins de maisons d’hôte ou d’espaces de fête. La priorité est aussi pour les salles aérées, pour éviter l’enfermement, et dans lesquelles le nombre d’invités est limité ;  30% de la capacité d’accueil, soit l’équivalent de 120 personnes maximum au lieu de 350 en moyenne (selon les consignes du ministère de la santé).

En revanche, avec toutes ces restrictions souvent difficiles à appliquer, les mariées se trouvent dans l’obligation de n’inviter que les proches, 60 personnes de la part de l’époux et 60 autres invités de l’épouse. Une condition qui ne laisse pas le choix aux futurs mariés, que de choisir les plus proches pour participer à la fête. Ceci provoque, sans doute, des problèmes pour les familles respectives, mais coronavirus oblige ! Précise Fatma Akacha Jegham.

Pour les fiançailles, la plupart les fêtent chez elles, avec un nombre restreint. Ces choix sont parfois incompréhensibles par la famille la plus large, en ces temps de pandémie.

La fondatrice du groupe JPPV a évoqué également l’impact de la crise économique, comme étant un autre enjeu à prendre en considération lors des préparatifs.

« Vu l’inflation, et la cherté de la vie avec des prix qui ne cessent de s’accroitre, plusieurs optent pour de jeunes stylistes qui proposent des robes et des tenues personnalisées avec des designs modernes, notamment moins chers que celles proposées par les célèbres enseignes de haute couture, autrefois très sollicitées.

« Les mariées privilégient désormais les packs de mariages, dont les tarifs sont beaucoup plus attrayants. Il existe aussi des salons de beauté qui incluent dans leurs offres, la coiffure, la robe du mariage et de « l’Outeya», les accessoires, avec une Jebba gratuite pour le Hammam. Ces offres des salons de beauté coutent généralement le prix d’une seule robe louée de chez un styliste de renommé, à ne porter qu’une seule fois. Tous ces évènements ont fait que ces maisons de haute couture ont vu leur clientèle fuir vers ces centres à l’affut des bonnes affaires en ces temps de crise », remarque-t-elle.

Des mariages retardés à cause de la crise économique

Sachant que la pandémie du coronavirus a eu des conséquences économiques désastreuses, sur quasiment tous les secteurs professionnels, les jeunes ayant des projets pour l’avenir, de mariage ou encore de fiançailles, ont vu leurs rêves s’estomper avec les vagues de faillite et de chômage, dû aux séquelles de la pandémie.

 Leur autonomie financière est mise en péril à cause de l’avenir incertain des affaires, des investissements, et des entreprises dans lesquelles ils travaillent. Sans parler de ceux ayant des petites économies, confrontés au cout élevé des noces, désormais dans la difficulté de maintenir leurs promesses de mariage et de fiançailles.  

C’est le cas de Marwane, un jeune entrepreneur propriétaire d’une agence immobilière, qui n’a pas vendu une seule maison ou terrain depuis la pandémie.

« En 2019, j’ai planifié mon mariage que j’allais célébrer l’été 2020. Mais, la pandémie a chamboulé tout mon programme. Mes dépenses se sont multipliées avec l’absence des revenus provenant de mon agence. Par conséquent, j’ai tout reporté avec ma fiancée pour une date ultérieure. Autrefois, j’avais le confort d’offrir à ma fiancée la bague et le voyage de noce de ses rêves, grâce à mes revenus supplémentaires de la location d’une maison héritée. Mais maintenant, il s’agit de mon seul revenu avec lequel je vis à peine correctement… », déplore-t-il.

« Pourvu que la prochaine vague du Covid-19 soit la dernière notamment avec la campagne de vaccination, pour que je puisse relancer mes affaires. Sinon, mon projet de mariage resterait en latence, jusqu’à nouvel ordre. Je ne pourrais pas tout de même faire les choses à moitié, surtout qu’on parle du plus beau jour de notre vie ! », Nous confie-t-il tristement.

Un autre trentenaire,  que nous avons contacté, se trouve aussi dans la même situation.

  « Même avec un salaire qui dépasse les 3000 dinars, je n’arrive pas à laisser de l’argent de côté. Après le décès de mon père, je gère les charges de ma famille, mon frère est au chômage, ma mère est à la retraite, je paye les études de mon petit frère dans une école privée, donc il me reste rien à la fin du mois. Comment pourrais-je dans ce cas, offrir une bague et une parure à ma fiancée, et répondre à ces caprices et à celles de sa famille, et célébrer notre mariage dans une salle de fête, qui coute au moins 2000dt la soirée ? », s’est-il interrogé.

En effet, pour savoir combien couterait un mariage ou une « Outiya » en Tunisie, nous avons fait le tour de quelques salles de fêtes, boutiques de location d’objets de décoration pour l’évènementiel. A notre surprise, les prix étaient plutôt inaccessibles.

Une salle de fête à la zone d’Ennasr, est à 2600 dt, podium, décoration et deux variétés de jus, 4 serveurs y compris. Ce pack concerne seulement trois heures de fête, de 18h jusqu’à 21h à cause du couvre-feu, nous a dévoilé le propriétaire. 

En feuilletant son agenda,  à moitié rempli, il nous a indiqué que les clients sont en train de réserver mais pas avec le même rythme d’antan. « La plupart des clients demeurent réticents à cause des éventuels changements d’horaire, et d’annonces de confinement ».

Ceci n’est pas le cas des boutiques de location de matériel pour l’évènementiel, dont les ventes n’ont pas connu une baisse. « Les filles viennent généralement pour l’organisation de leurs fiançailles ou « Outeya » chez elles ou dans le jardin d’un proche. ça leur revient moins cher de louer les chaises, les centres de tables, les verres, carafes, et éclairages, canapés de « Tasdira », et en plus selon leurs propres gouts. Cette tendance s’est ancrée depuis l’apparition du virus, les gens se sentent plus en sécurité chez eux, entourés de leurs cercles intimes d’amis et familles, pour célébrer ces occasions, tant attendues par les futurs mariés… ». 

Emna Bhira