Tunisie : Pénalisées par l’actuelle réglementation, les Start ups attendent beaucoup de la réforme du code des changes

27-04-2023

Le projet de loi visant à réglementer les transactions financières avec l’étranger et à réformer le Code des changes avance, certes doucement, mais surement. Les objectifs de ce projet de loi incluent le rétablissement progressif des équilibres des finances publiques, l’amélioration des rendements et des procédures du régime de change, ainsi que l’amélioration du climat des investissements et des affaires.

Ainsi, à travers cette réforme, le gouvernement tunisien espère que l’assouplissement de la réglementation des changes aidera à augmenter les exportations, l’épargne nationale et les réserves de devises.

Elle permettra également de s’adapter à l’évolution technologique des transactions financières dans l’économie numérique mondiale et la numérisation des opérations financières avec l’étranger, ce qui sera bénéfique pour les investisseurs tunisiens et étrangers.

Non révisé depuis presque 50 ans, le code actuel ne répond plus aux besoins des entreprises et notamment des start-up, qui à cause de ses désuétudes, les pousse à partir à l’étranger pour plus de souplesse.

Qu’est ce que le code de change ?

Le code de change en Tunisie est régi par la loi n°72-5 du 4 janvier 1972 relative au régime des changes et du commerce extérieur, ainsi que par le décret n°94-1317 du 14 juin 1994 fixant les modalités d’application de la loi sur les changes.

Le code de change tunisien fixe les règles et les procédures applicables aux opérations de change, c’est-à-dire les transactions impliquant l’achat ou la vente de devises étrangères.

Il définit notamment les règles d’ouverture et de fonctionnement des comptes en devises, les conditions d’octroi des autorisations de change, les règles applicables aux opérations de transfert de fonds à l’étranger, etc.

Les Start-up, principales concernées par la révision du Code de change

Oussama Messaoud est le secrétaire général de l’association Tunisian Start-Ups. Contacté par Gnetnews, il explique que la réforme du code de change n’est plus un choix mais une nécessité.

Notre plus grande difficulté est celle de nous conformer à un code qui date de bientôt 50 ans et qui est complètement caduc par rapport à l’ère du temps.  Aujourd’hui on a tendance à être isolés par rapport au reste du monde et cela à un effet contraire. Aujourd’hui l’économie a changé et la manière de faire du business aussi », nous dit-il.

En effet, la rigidité de la réglementation de change, la lenteur administrative et la bureaucratie excessive rendent difficile le parcours du start-upper et peuvent vite le décourager. Le symptôme le plus flagrant est celui de la fuite des start-ups, non pas parce qu’elles ne marchent pas, mais parce que le code de change en vigueur ne leur permet pas de travailler dans des conditions optimales.

Oussama Messaoud /Co-fondateur Datavora et SG Tunisian Start-Ups

« Quand une start-up part à l’étranger, elle a accès aux devises comme bon lui semble, ainsi qu’à des moyens de paiement qui ne sont pas accessibles en Tunisie. A cause de ce code de change elles éprouvent des difficultés à trouver des investisseurs qui sont réticents à investir dans un pays où la sortie des devises est presque impossible », souligne Oussama Messaoud.

Même si les start-ups labellisées peuvent obtenir l’ouverture d’un compte en devises, son utilisation n’en reste pas moins limitée. Par ailleurs, le Secrétaire général de l’association Tunisian Start-ups, rappelle que quand une start-up labellisée perd son label pour de bonnes raisons, c’est à dire parce qu’elle s’est développée suffisamment ou qu’elle a atteint la limite de labellisation de 8 ans, ne pourra plus disposer de ce compte en toute liberté, les poussant à partir à l’étranger.

« Si nous avions un code de change à la hauteur, nous n’aurions même plus besoin de mécanismes comme la labellisation pour faire développer les start-ups », nous dit Messaoud.

Des start-uppers en prison pour des infractions de change de 100 euros!

Autre problème, celui des sanctions pénales qui sont trop lourdes, puisque pour la moindre infraction de change même sur des montants insignifiants, cela est puni par une peine de prison.

« Dans le texte qui est en projet actuellement, la partie sur les sanctions n’a pas vraiment changé. Certaines peines sont passées de 5 ans à 2 ans de prisons… », souligne Oussama Messaoud.

Cette dureté pénale est un réel frein à l’investissement étranger ou local. « Nous avons des start-upper qui sont aujourd’hui arrêtés parce qu’ils ont commis des infractions de change sur des montants de 100 euros »; déplore-t-il.

Par ailleurs, Messaoud  estime que le code de change donne toujours aux non-résidents plus d’avantages qu’aux résidents. « Quand on lit le code de change on a l’impression qu’on nous pousse à devenir des non-résidents dans notre propre pays. En somme on fait des exceptions pour les gens qui ramènent des devises mais pas pour ceux qui en créent. C’est absurde! », déplore Oussama.

Recommandations

Après la réunion de février dernier où la Banque Centrale de Tunisie a présenté les grands axes de la réforme du code de change, l’association Tunisian Start-up a soumis un certains nombre de recommandations au gouvernement.

Dans un premier temps, les start-upper prônent la dépénalisation du code de change, afin d’encourager les jeunes entrepreneurs à développer leur start-up, mais aussi pour attirer les investisseurs étrangers.

Autre proposition celle de la possibilité pour tout Tunisien d’ouvrir un compte en devises, la possibilité pour les freelanceurs de travailler avec des plateformes étrangères en toute légalité et également la possibilité pour les entreprises de payer un pourcentage du salaire de leurs employés en devises.

« Nous avons proposé beaucoup pour avoir le maximum. Quoiqu’il en soit, nous n’avons plus le choix. Le code de change actuel encourage nos compétences à partir et n’encourage pas les investisseurs à venir, laissant la Tunisie dans un statut-quo », conclut-il.

Wissal Ayadi