Sortie de crise en Tunisie : Le maintien de Fakhfakh ou des élections anticipées ?

16-07-2020

Les événements politiques qui se sont accélérés hier, mercredi 15 juillet, étaient quelque peu imprévisibles, d’autant qu’ils traduisaient un revirement à 190° des deux têtes de l’exécutif. Après la fin de non-recevoir opposée par Saïed à Ennahdha autour des concertations en vue d’une nouvelle formation gouvernementale, le lundi 13 juillet, et après la volée de bois vert lancée, le même jour, par Fakhfakh contre le mouvement, où il l’a accusé « de bloquer l’action du gouvernement et d’attenter à la stabilité des institutions », les choses ont pris un autre tournant.

Tout d’abord des informations médiatiques persistantes faisaient état d’une demande faite par président de la république au chef du gouvernement de démissionner.

Lesquelles n’ont été ni confirmées, ni infirmées ; un communiqué officiel de la présidence est tombé en fin de journée où le chef de l’Etat annonce avoir reçu la démission de Fakhfakh, lors d’une rencontre qui les a réunies au palais de Carthage, en présence du président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et du Secrétaire Général de l’UGTT.

Le communiqué de la présidence est vague et ouvert sur toutes les éventualités. C’est qu’il ne précise pas si le chef de l’Etat a accepté ou non la démission du chef du gouvernement, qu’il a lui-même désigné à la tête de la Kasbah, après l’échec du gouvernement Jemli.

Kaïs Saïed ne charge pas non plus Elyes Fakhfakh de gérer les affaires courantes, comme il est d’usage, étant donné que sa démission qui induit celle de l’ensemble du gouvernement, comme le prévoit l’article 98 de la constitution, en fait un cabinet de cette nature.

Un remaniement opéré par un démissionnaire : un précédent

Et comme c’était le cas lundi dernier, signe de la totale harmonie entre Carthage et la Kasbah, appuyés tous les deux par Noureddine Taboubi et son influente organisation syndicale, Fakhfakh publie un communiqué où il fait part de sa démission pour dit-il « éviter les conflits entre les institutions et moraliser la vie politique », tout en affichant une position de force, qui ne cadre pas bien avec un démissionnaire. Le chef du gouvernement annonce qu’il va continuer à assumer sa « pleine responsabilité », tout en se montrant menaçant envers ceux qui cherchent « à porter atteinte à la sûreté du pays », sans en dévoiler les noms…en allusion manifeste à «ceux qui cherchent à faire imploser l’Etat de l’intérieur», évoqués récemment par Kaïs Saïed, lors de la réunion du Conseil supérieur des armées.

Et ce n’est pas tout, Elyes Fakhfakh rejoint l’acte à la parole et démet de leurs fonctions les 7 ministres d’Ennahdha, en les remplaçant par des intérimaires, choisis parmi les ministres de son gouvernement. Là aussi, l’annonce est quelque peu surprenante à plus égards : Un remaniement opéré par un chef de gouvernement démissionnaire est un précédent et n’est pas dans les usages politiques. Par ailleurs, le fait que le gouvernement soit amputé de plus d’un quart de ses membres en cette période cruciale, où la Tunisie a de grands défis à relever notamment face à cette crise sanitaire qui persiste, montre que ce geste relèverait beaucoup plus de la logique de représailles politiques, que d’une décision réfléchie qui tient compte de l’intérêt du pays. Celui-ci veut que ce gouvernement qui se prévaut de sa réussite contre l’épisode 1 du Coronavirus, continue son action jusqu’au bout.

Des interrogations légitimes demeurent ; mais il est clair que l’annonce de la démission et tout ce qui s’en est suivi visait à court-circuiter la demande en vue d’une motion de censure, que le bloc d’Ennahdha a déposée hier au bureau de l’Assemblée avec 105 signatures ; à quatre députés près de la majorité requise de 50 + 1, 109 députés nécessaires pour le vote de défiance contre le gouvernement. Le but de la manœuvre serait aussi que le président de la république ait l’ascendant en matière de règlement de la crise, plutôt que le parlement.

Quid de la suite ?

Le président de la république devra, selon le même article 98, charger la personnalité la plus apte pour former un gouvernement conformément aux exigences de l’article 89. Le candidat désigné disposera d’un délai d’un mois reconductible deux fois pour former son cabinet.

Et là, il n’est pas exclu que Kaïs Saïed Charge de nouveau Elyes Fakhfakh, a fortiori si le rapport qui sera rendu demain, vendredi, par les instances d’inspection, le disculpe des soupçons de conflits d’intérêts le visant. Le chef de l’Etat pourrait aussi, après des concertations qu’il aura menées, désigner un autre candidat.

Quoiqu’il en soit, si les délais constitutionnels sont dépassés sans qu’un nouveau candidat n’est désigné, la dissolution de l’Assemblée et le recours à des élections anticipées restent envisageables ; un scénario posé par l’UGTT dont le SG est très engagé dans cette énième crise politique à laquelle la Tunisie est confrontée.

« Si, dans les quatre mois suivant la première désignation, les membres de l’Assemblée des représentants du peuple n’ont pas accordé la confiance au gouvernement, le Président de la République peut décider la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et l’organisation de nouvelles élections législatives dans un délai d’au moins quarante-cinq jours et ne dépassant pas quatre-vingt-dix jours », stipule le paragraphe 04 de l’article 89 de la constitution, sur lequel devra s’appuyer le président pour désigner le successeur d’Elyes Fakhfakh.

H.J.

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Sherlock Homss

Les tunisiens en ont assez d’être gouvernés par des individus qui ne pensent qu’à eux, à leur propre confort et surtout à l’image qu’ils voudraient véhiculer… Alors que leur situation financière empire de jour en jour, que leur avenir et surtout celui de leurs enfants s’assombrit. Il est temps de prendre une décision salutaire pour la nation. Un gouvernement apolitique de compétences doublé d’un véritable parlement législatif au vrai sens du terme, qu’il faut réélire au plus tôt avec comme garantie prioritaire l’engagement solennel de tout élu d’œuvrer sans relâche pour le redressement du pays, de travailler avec abnégation pour… Lire la suite »