Stratégie anti-corruption : La Tunisie cherche à s’inspirer de la loi Sapin

12-09-2019

C’est dans le cadre de l’activation de la stratégie nationale de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption et du renforcement du rôle du secteur privé, que l’Instance nationale de la lutte contre la corruption, a organisé le jeudi 12 septembre, en conjointement avec la CONECT, une conférence-débat en présence, l’ancien ministre français de l’économie de des finances Michel Sapin.

La conférence a porté sur l’expérience française en matière de renforcement du cadre juridique de la transparence, la lutte contre la corruption et de modernisation de la vie économique à travers la loi dite Sapin 2.

La loi Sapin 2 avait pour ambition de porter la législation française aux meilleurs standards internationaux et européens en matière de lutte contre la corruption. Sa promulgation a été considérée à l’époque comme une étape décisive en matière d’éthique et de probité, notamment dans la vie économique.

Michel Sapin a salué les efforts de la Tunisie, notamment à travers l’adoption et la signature de la SNBGLCC 2017-2020, par les principales parties prenantes et internationales.

Selon lui, cette stratégie dote la Tunisie d’un cadre stratégique opérationnel définissant des réformes juridiques et institutionnelles en vue de traduire les dispositions de la constitution en actions concrètes et efficaces.

Revenant sur le contexte de la parution de la loi portant son nom, Sapin a rappelé que la France a eu à confronter en 1993 des problèmes lourds de corruption dans les domaines de la construction et d’autres liés aux financements des partis.

L’ex-ministre français a souligné que la première loi Sapin anticorruption concernant les marchés publics et les entreprises, a pris du temps pour être mise en œuvre. « Il a fallu 22 ans pour qu’il y ait une deuxième loi Sapin. Ceci prouve que ça met du temps pour rendre le dispositif législatif plus efficace ».

« Lutter contre la corruption, pose une double-défiance, vis-à-vis des institutions et des représentants du peuple, et les autorités publiques » ajoute-t-il en rappelant que la confiance économique est le second pilier pour la lutte contre la corruption.

« Cette confiance se construit essentiellement à travers la probité économique ».

Au sujet des difficultés rencontrées lors de l’application de cette loi, Michel Sapin a évoqué une résistance de la part des lobbyistes et des sociétés de construction, et des publicitaires.

L’ancien ministre français a ajouté que la loi oblige les entreprises à mettre en place un plan préventif de conformité. L’Agence française anti-corruption suit l’application de ses dispositions, et a recours, en cas de dépassement, à des mesures de coercition et de sanction.

Par ailleurs, le président de la confédération des entreprises citoyennes en Tunisie, Tarak Cherif, a souligné que la création des richesses et d’emploi dépendent essentiellement des entreprises, « c’est pour cela qu’il faut instaurer la confiance, et des « règles claires ».

Selon le président de la CONECT, « ce serait illusoire de prétendre qu’il n’y a pas de corruption dans le pays. Elle existait bien avant 2011 et elle persiste encore aujourd’hui. « Malheureusement, la corruption représente un des freins les plus lourds qui se posent pour l’investissement local et étranger en Tunisie ».

Le représentant du programme des Nations-Unies pour le développement, Steve Utterwulghe, a évoqué l’agenda 2030 que la Tunisie a adopté en 2015, en rappelant que la corruption, touche tous les pays riches ou pauvres nord ou sud.

Concernant la Tunisie, il a souligné qu’elle a amélioré son classement à l’indice de perception de la corruption de « Transparancy International », de deux rangs entre 2017 et 2018, en passant du 75ème rang mondiale ou 73ème.

« La perception de la corruption par le secteur privé a été mesurée par l’enquête 2015-2019 menée par la Conect et le PNUD, via un échantillon de 500 PME en Tunisie. Cette enquête a révélé une augmentation de la perception de la corruption par ces entreprises ».

« Plus 62% des PME estiment que le niveau de corruption en 2018 a augmenté par rapport à l’année précédente ».

Le président de l’INCLUCC Chawki Tabib, a concédé qu’il reste beaucoup de chemin à faire en matière de mise en œuvre du programme anti-corruption.

Tabib a déploré les difficultés de mettre en application les lois déjà adoptées, faute de parution des textes d’application.

Le président de l’instance anti-corruption a, par ailleurs, annoncé que la stratégie nationale 2017-2020, va bientôt entrer dans sa deuxième phase.

Emna Bhira