Tests RT-PCR : Un parcours du combattant face à la forte affluence vers les laboratoires

09-11-2020

Après le passage de la Tunisie à la 4ème phase de la pandémie, qui est celle de la contamination communautaire dans laquelle il est difficile de retracer les cas et d’identifier la source de l’infection, le gouvernement a annoncé il y a quelques semaines des modifications concernant le protocole sanitaire de dépistage du Covid-19.

Désormais, la suspicion de contamination ou encore être en étroit contact avec un cas positif, ne sont plus des arguments valables pour se faire tester.  Tous les laboratoires d’analyse médicale spécialisés dans les tests PCR, acceptent en priorité les rendez-vous en fonction de l’urgence du cas. Un tri, qualifié très rigoureux par des personnes souhaitant effectuer un test, uniquement pour se rassurer sur leur état de santé.

Ce ne sont plus les personnes présentant des symptômes, leur entourage et les populations à risque qui sont ciblés par les tests. Actuellement, seules les cas symptomatiques (sous ordonnance) et les voyageurs ayant un justificatif de départ, ont désormais accès aux tests RT-PCR.

C’est ce que nous a été confirmé par le chargé de communication de l’Institut Pasteur (Tunis), Hichem Ben Hassine, qui a souligné que l’objectif de cette nouvelle méthode, c’est d’atténuer la pression sur les laboratoires d’analyse publics et privés, très débordés ces derniers mois.

 Il s’agit d’un protocole qui sert non seulement à éviter le gaspillage du réactif qui était au bord de la pénurie au mois de septembre. Mais aussi ces centres de dépistage n’ont plus les ressources humaines et financières pour effectuer tant de tests non ciblés, ajoute-t-il.

Hichem Ben Hassine a rappelé, également, que l’Institut Pasteur, ce laboratoire d’analyse public de référence, n’effectue désormais que des tests PCR pour les voyageurs. Ailleurs, les files d’attente sont interminables dans les labos privés et publics, et plusieurs patients disent que trouver un rendez-vous sur la plateforme électronique relève parfois du parcours du combattant… Quant aux patients qui souhaitent effectuer un test en étant asymptomatiques, ils doivent se contenter d’un confinement de 14 jours et attendre l’évolution de leur état de santé…

Ce constat a été confirmé par une mère de famille d’une cinquantaine d’années. Son mari a été testé positif au Covid-19 après une période d’incubation du virus qui a duré 8 jours. « Pendant ce temps, nous avons partagé le même lit. Nous déjeunions ensemble dans la même table à manger et je n’ai jamais eu aucun symptôme. Le médecin m’a déconseillé, ainsi qu’à toute la famille de faire un test. Il nous a juste recommandé un confinement de 14 jours », raconte-t-elle.

Une semaine après, cette dame nous a confié qu’elle est demeurée toujours asymptomatique. En revanche, sa mère de 90 ans qui vivait avec elle dans le même domicile, a développé des symptômes graves du Coronavirus, et sa fille âgée de 27 ans, a aussi contracté le virus.

« Je regrette le fait que je ne me suis pas fait tester. Malgré le port de bavette que j’ai imposé à l’intérieur de la maison, et la distanciation sociale entre les membres de la famille, j’étais porteur sain et j’ai contaminé mes proches ».

Cette dame reproche au médecin le fait qu’il ne lui a pas prescrit un test de dépistage Covid-19. Pour elle, ce nouveau protocole sanitaire ciblé est défaillant. L’entourage des cas positifs, doivent absolument être compris dans la liste des cas urgents, prioritaires.

 D’autres alternatives pour se faire tester 

L’impossibilité de faire un test mettra plusieurs employés dans une situation professionnelle critique.

C’est un autre constat révélé par une jeune commerciale d’une trentaine d’années, qui s’est retrouvée obligée de « tricher » sur son état sanitaire, pour avoir l’accord du SAMU, pour un éventuel prélèvement. « Sans cela, j’étais contrainte de rajouter deux semaines de congé, outre mes vacances passées à l’étranger. Une demande difficile à accepter par mon chef », nous explique-t-elle.

« J’ai prétendu avoir une forte fièvre (39°) pour que le SAMU accepte de venir me voir, pour un prélèvement nasopharyngé », dévoile-t-elle.

Les circonstances de son éventuelle contamination n’a pas convaincu les urgentistes, selon ses dires. De retour d’un voyage à l’étranger, elle a eu les symptômes du Covid-19, toux sèche, courbatures…Elle n’a réussi à obtenir un rendez-vous avec le SAMU pour un prélèvement nasal, qu’après 4 jours. « Il fallait mentir pour obtenir une réaction de leur part », déplore-t-elle.   

« Avant cela, ils ont refusé de me tester, car j’avais tous les symptômes, sauf ma température qui ne répondait pas aux conditions », nous dévoile-t-elle en expliquant que sans cela, le SAMU privilégiait les personnes présentant des symptômes plus graves.

Ce constat a été confirmé également par un jeune homme qui a requis l’anonymat.

Chef de projet dans une société privée, atteint d’une forte grippe, il a dû se confiner une dizaine de jours. Pour reprendre le travail au bureau, son chef lui a exigé de présenter un test PCR négatif.

 « Je n’ai pas pu obtenir une ordonnance pour effectuer un test. J’ai prétendu que j’allais voyager afin de convaincre le laboratoire privé de me tester. Sinon, je risquerais de perdre mon travail », nous confie-t-il. 

« Heureusement, que le labo situé à El Manar qui m’a accueilli, n’a pas insisté sur le justificatif de voyage. Le résultat que j’ai obtenu après 24h était négatif. Il m’a coûté 209 dinars comme prévu », confirme-t-il.

Les laboratoires de dépistage du Covid-19 toujours débordés

Concernant l’ambiance à l’intérieur des laboratoires de dépistage, Gnetnews s’est rendu dans celui du Dr. Mohamed Nejib Barouni. Un des centres les plus sollicités dans la région d’El Menzah.

A l’entrée du labo, nous avons rencontré cet homme d’une quarantaine d’année, qui est allé déposer le prélèvement nasopharyngé de sa femme, récemment hospitalisée.

« Vu qu’elle avait tous les symptômes du Coronavirus, elle a été hospitalisée avant qu’elle fasse le test. Son médecin m’a déconseillé de le faire à la clinique, car ça me coutera dans les 800 dinars. Je suis allé donc au laboratoire, le plus proche », raconte-t-il.

En sortant du labo, il nous a indiqué que « malgré les tentatives d’atténuer l’affluence des patients par le nouveau protocole de dépistage et le tri rigoureux des cas urgents, les files d’attente étaient longues dans la salle d’attente et à l’extérieur également (2 files d’attente Covid et une autre pour les patients non-covid), décrit-il.

« Il s’agit d’une ambiance de panique, qui régnait malgré la distanciation sociale, et le port du masque. En effet, même le personnel accueille les patients en portant les combinaisons de protection, avec double gants fermés sur les bouts par du scotch. Tous les guichets disposent de plexiglas qui protègent les employés et les séparent des patients, pour éviter une éventuelle contamination ».

« A ma surprise, les gens étaient nombreux pour se faire tester », ajoute-t-il.

Concernant les horaires de dépistage, il nous a dévoilé que ce laboratoire ne reçoit les prélèvements que la matinée jusqu’à 13h, pour s’occuper l’après-midi des résultats. Ces derniers sont prêts après 48h environ depuis la date du prélèvement. Quant au temps d’attente, il dépend notamment du nombre des tests. « Dans mon cas, c’était rapide car il s’agissait d’un seul test, qui m’a couté 210 dinars », a expliqué cet homme.

Emna Bhira