Tunisie : Déconcertés face à la crise politique, les ambassadeurs étrangers multiplient les concertations au sommet de l’Etat

24-02-2021

La Tunisie vit entre hier et aujourd’hui un intense ballet diplomatique, sur fond d’une crise politique persistante, qui semble être sans issue. Déconcertés, les ambassadeurs étrangers multiplient les rencontres et les concertations au plus haut sommet de l’Etat, pour tenter de prospecter le cheminement du pays dans ce contexte d’incertitude ambiante.

Alors que Kaïs Saïed se réunissait hier, mardi 23 février, avec les ambassadeurs des pays de l’Union européenne à Carthage, le président de l’Assemblée, Rached Ghannouchi, recevait l’ambassadeur des Etats-Unis à Tunis, Donald Blome, au Bardo.

Aujourd’hui, c’est au tour du chef du gouvernement, Hichem Mechichi, de s’entretenir, avec l’ambassadeur américain. Il avait reçu auparavant l’ambassadeur de Turquie à Tunis, à l’occasion de la fin de ses missions.

Ce dernier a appelé à la nécessité de développer « la coopération tripartite entre la Turquie, la Tunisie et la Libye en vue de contribuer à la reconstruction de ce pays, notamment après l’installation du nouveau conseil présidentiel et l’élection d’un nouveau chef du gouvernement ».

La Tunisie semble en effet, absence de la nouvelle Libye, qui a amorcé sa marche vers l’apaisement, la stabilité et l’installation d’institutions démocratiques.

Toutes ces rencontres ont souligné les relations bilatérales fortes et la volonté de les consolider et les diversifier dans différents domaines, d’intensifier les investissements…

Mais, il était aussi question de cette crise politique interminable qui secoue le pays, avec un gouvernement quasi-intérimaire qui est aux responsabilités, et des ministres, dont la nomination a été validée par l’Assemblée, mais qui ne sont pas entrés en fonction, faute d’avoir prêté serment.

« La Constitution et rien que la constitution »

Devant les ambassadeurs européens, Kaïs Saïed s’est engagé à ne respecter que la constitution et rien que la constitution, affirmant que « l’instabilité gouvernementale n’a rien à voir avec l’instabilité politique ».

Sans dévoiler ses intentions quant au dénouement de la crise actuelle, le chef de l’Etat a affirmé que « la Tunisie mérite un meilleur sort, et a les moyens pour être une démocratie réelle, loin des calculs étriqués ».

Dans sa rencontre avec le diplomate américain, le président de l’Assemblée, Rached Ghannouchi, a lui été plus bavard sur cette impasse politique, affirmant d’emblée que « la succession des gouvernements en Tunisie a eu lieu via l’Assemblée, à travers l’octroi ou le retrait de confiance, ce qui traduit la consécration du fait démocratique ».

Ghannouchi, cité par un communiqué de l’Assemblée, a indiqué que « le gouvernement en place tire sa légitimité de l’Assemblée qui lui a accordé la confiance, et est en train d’accomplir convenablement ses missions, et aspire à la mise en œuvre des réformes en vue de relancer le développement économique et social ».

Il a affirmé « la détermination de l’Assemblée à accélérer la mise en place de la Cour Constitutionnelle afin qu’elle soit la référence habilitée à la lecture de la constitution ».

Au sujet de la correspondance qu’il avait envoyée au président de la république, il a indiqué qu’elle s’inscrivait dans le cadre de « la recherche d’un compromis et d’une solution à cette crise politique, via le dialogue, et l’échange des points de vue entre les trois présidents ».

Le communiqué de la Kasbah paru à l’issue de la rencontre de ce mercredi entre le chef du gouvernement et l’ambassadeur américain était, lui, plus sobre ; il s’est fait l’écho notamment des propos de Donald Blome, quant à « la détermination de la nouvelle administration américaine à se tenir aux côtés de la Tunisie et à consolider son processus de transition démocratique ».

Les ambassadeurs étranges sont-ils sortis plus informés et mieux éclairés de ces rencontres, visiblement, pas tout à fait, étant donné qu’aucun plan de sortie de crise ne leur a été présenté, mais juste des intentions et des promesses.

Un manque de visibilité qui risque de nuire davantage aux relations de la Tunisie avec ses partenaires. D’autant que tout parait être en stand-by. A l’instar du fonds monétaire international (FMI) qui a conditionné la négociation d’un nouveau programme de financement avec la Tunisie à un consensus entre les différents acteurs politiques et les organisations nationales sur les politiques à mettre en œuvre, les réformes à entreprendre et les objectifs à atteindre, tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux, et les autres institutions financières réclament des politiques claires, et un gouvernement durable et investi de pleins pouvoirs pour faire avancer les programmes de coopération et de soutien financier. Ce n’est pas hélas le cas, et si on y ajoute la dégradation hier de la note souveraine de la Tunisie par l’agence de notation Moody’s à un palier inférieur, précédant de peu celui d’un pays en défaut de paiement, l’on se demande où le gouvernement va-t-il trouver l’argent pour clôturer son budget et rembourser ses 15 milliards de dette ? L’enlisement semble être une fatalité…

La Rédaction