La courbe des taux et le TUNIBOR sonneront la fin du TMM (Ayari)

Publié le Jeudi 21 Décembre 2017 à 13:49
Chedly Ayari. Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Chedly Ayari,   a procédé ce jeudi 21 décembre au lancement officiel de la courbe de taux des émissions souveraines domestiques, « réalisation tant attendue par l’ensemble des acteurs de la place, vu l’importance d’une telle référence pour les banquiers, les assureurs, les caisses de retraites et autres gestionnaires de fonds pour la valorisation de leurs portefeuilles d’actifs, de passif, d’investissements et autres instruments financiers », a-t-il déclaré dans un discours à l’ouverture d’une rencontre organisée à l’occasion, à l’auditorium de la BCT.

Ce projet a été financé par la Banque Européenne de reconstruction et de développement (BERD), dans le cadre d’une assistance technique  conclue avec le Ministère des Finances.

Aujourd’hui nous vivons ensemble un moment historique, avec le lancement de la courbe des taux. Il s’agit en fait d’un vœu tant espéré par plusieurs générations de banquiers, de financiers et d’économistes pour disposer d’un outil associant à chaque échéance de placement ou d’emprunt un taux d’intérêt approprié, allant du jour le jour à des maturités de plus de quinze ans.

En effet, une courbe des taux ou la structure par terme des taux d’intérêt sert pour les financiers à « pricer » ou  à valoriser une large palette d’actifs financiers : obligations, actions, titres de créances négociables, produits dérivés et aussi à tirer profit des opportunités d’arbitrage entre différentes échéances et divers marchés. Elle sert aussi à accroitre les transactions sur les marchés secondaires des titres de l’Etat, des titres négociables et aussi des instruments de couverture contre le risque de change, de taux d’intérêt voire même le risque de crédit, a souligné Chedly Ayari.

Pour les économistes, la courbe de taux servira à mieux lire les anticipations des marchés sur la trajectoire future des taux d’intérêt, sur les perspectives de croissance, d’inflation, etc., a-t-il ajouté.

Cette réalisation ne manquerait pas, selon ses dires, de renforcer le processus de modernisation du cadre de conduite de la politique monétaire dans lequel s’est engagée la Banque Centrale de Tunisie au cours des cinq dernières années, dans la mesure ou l’un des canaux de transmission des impulsions de  politique monétaire est le marché financier.

Parallèlement, la Banque Centrale de Tunisie s’est aussi engagée dans un ambitieux programme de modernisation du secteur bancaire, après la promulgation de la loi n°2016-48, visant à accroître sa solidité, sa compétitivité  et sa capacité de résilience face aux multiples  chocs auxquels il peut faire face à l’avenir, a noté Ayari.

«Notre conviction est qu’il ne peut y avoir un marché financier développé permettant l’allocation optimale des ressources sans l’existence d’un secteur bancaire solide, créatif  et réactif. Notre système bancaire a intérêt à sortir des sentiers battus, en privilégiant les solutions de facilité dans la facturation du risque, dans l’octroi du crédit ou dans la rémunération des dépôts. Aujourd’hui, avec l’existence de nouvelles références de taux  d’intérêt, le TUNIBOR pour les taux courts et la courbe des taux pour les échéance longues, les banques de la place doivent proposer à leur clientèle de nouveaux modes de facturation des crédits et de rémunération des dépôts en mettant fin à l’utilisation du TMM ».

Le «TUNIBOR » qui n’est pour le moment qu’une synthèse des cotations indicatives fournies quotidiennement par les banques, traduira  dans la période à venir la moyenne des taux d’intérêt  des  transactions réelles d’échange de liquidités entre les banques actives sur le marché interbancaire en dinar, sur différentes maturités allant de l’overnight jusqu’à l’échéance de 12 mois, a-t-il expliqué.

Malgré le contenu informatif dont il bénéficie, le TMM a montré certaines insuffisances. Il a jusqu’ici traduit l’évolution des taux interbancaires quotidiens tels qu’ils ressortent de la position de liquidité des banques, sans se soucier du risque de contrepartie, étant donné que la Banque centrale est tout le temps présente sur le marché pour apporter l’appoint nécessaire et réguler le marché.

Ce métier de régulateur n’empêche pas que la finance moderne, est aussi au cœur du central banking et repose pleinement sur une appréhension du risque. De ce fait,  toutes les composantes des marchés des capitaux doivent traduire une perception du risque qu’on peut aisément extraire du pricing ; d’où l’idée de mettre en place cette courbe de taux, étape indispensable dans le processus de modernisation du marché financier.

Grâce à cette courbe de taux, les investisseurs en quête de rentabilité, pourraient former à leur tour d’autres références, ce qui ne ferait que le rôle de celle-ci dans le benchmarking.
Dans le même sillage, la réforme du marché des titres de créances négociables, a été engagée et  est en cours de finalisation, pour mettre fin au dysfonctionnement  de ce marché, en l’occurrence la pratique de la surenchère sur les taux offerts aux  gros déposants.

Ayari a plaidé pour la modernisation de ce marché et l’amélioration des mécanismes d‘échange de liquidités qui le régissent pour éviter les pratiques contraires aux règles de transparence et de concurrence saines.. 

 Il s’est dit persuadé que «l’implémentation d’une courbe des taux de place constitue le pilier du développement futur des marchés de capitaux et de leur modernisation afin de s’aligner sur les meilleures pratiques internationales ».

La courbe des taux jouera un rôle important dans l’analyse de la structure par terme des taux servant ainsi d’appui important pour la Banque Centrale pour mener sa politique monétaire avec une meilleure efficacité. En effet, on ne peut pas réussir une transmission fluide des impulsions de la politique monétaire sans un système bancaire pouvant anticiper les orientations futures des marchés financiers, pour les intégrer dans les conditions d’échange de liquidités sur le marché monétaire.

Il n’en demeure pas moins vrai qu’une telle  courbe  constitue un outil fondamental pour les institutions financières dans leur gestion actif-passif en vue d’estimer les risques financiers et de fixer les marges d’intérêts. Ce n’est qu’à ces conditions qu’on pourrait espérer  l’émergence d’un marché des produits dérivés et le renforcement de notre système financier tout entier, ouvrant la voie à une plus grande libéralisation financière, a-t-il conclu.
Source : BCT