Erdogan inaugure un tunnel sous le Bosphore entre deux continents

Publié le Mardi 29 Octobre 2013 à 11:36
Tunnel sous le Bosphore. AFP - La Turquie inaugure ce mardi un tunnel sous le Bosphore, censé faciliter la circulation entre les deux rives. Les détracteurs du projet y voient le symbole de l'autoritarisme du gouvernement.

Les dirigeants turcs vont inaugurer mardi en grande pompe, au jour du 90e anniversaire de la République, le premier tunnel ferroviaire sous le Bosphore, reliant les rives asiatique et européenne d’Istanbul, un projet géant baptisé le «chantier du siècle» par les autorités.

Après neuf ans d’attente, le Marmaray, un tunnel de 14 km dont une portion immergée de 1 400 m, reliera les deux continents du Bosphore, joyau de la première métropole turque. Il transportera ses premiers passagers d’Asie en Europe avec pour objectif de fluidifier le trafic intercontinental, sur un trajet effectué quotidiennement par plusieurs millions de stambouliotes.

"C’est le rêve de plusieurs siècles qui se concrétise», avait déclaré en août le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, aux commandes du train qui effectuait les premiers tests dans le tunnel sous la mer de Marmara. A ses yeux, c’est l’aboutissement d’un «rêve de 150 ans", depuis que les sultans ottomans en ont rêvé.

C’est Recep Tayyip Erdogan, ancien maire d’Istanbul qui va inaugurer le tunnel lors d’une grande cérémonie prévue sur le quai asiatique d’Üsküdar à 14 heures (heure française). Marmaray figure parmi ses méga-projets urbains souvent contestés qui ont nourri la fronde antigouvernementale de juin. Il sera accompagné, jour anniversaire de la fondation de la république turque en 1923, par Shinzo Abe, le chef du gouvernement japonais, principal pourvoyeur de fonds du projet.

L’idée de percer un tunnel sous le Bosphore a été évoquée pour la première fois en 1860 par un sultan ottoman, Abdulmedjid. Mais faute de technique et de fonds suffisants, elle ne s’était jamais concrétisée. Le projet a été relancé dans les années 1990 avec l’explosion démographique d’Istanbul, dont la population a doublé depuis 1998 pour dépasser les 15 millions d’habitants.

Grâce à l’appui financier de la Banque du Japon pour la coopération internationale (735 millions d’euros) puis de la Banque européenne d’investissement (BEI), le premier coup de pioche a été donné en mai 2004 par un consortium d’entreprises turques et japonaises. Le coût total du projet est évalué aujourd’hui à trois milliards d’euros.

Les travaux devaient initialement être achevés en quatre ans mais ont été longtemps suspendus par la découverte d’une série de trésors archéologiques. Le tunnel, un double tube immergé à plus de 50 m sous le lit du Bosphore, est aujourd’hui enfin achevé.

Avec cet ouvrage, à terme relié à 75 km de voies nouvelles, les autorités veulent mettre un terme aux souffrances des deux millions de Stambouliotes qui, chaque jour, traversent le Bosphore sur ses deux ponts, toujours saturés. Mais certains spécialistes sont dubitatifs de la portée du projet même si le tunnel a suscité moins de critiques que le futur troisième aéroport de la ville, le canal de 45 km parallèle au Bosphore ou le troisième pont sur le détroit, ces projets «pharaoniques» dénoncés comme autant de preuves de la dérive autoritaire et de l’affairisme du gouvernement islamo-conservateur pendant la fronde de juin.

Le projet ne sera pas opérationnel à 100% immédiatement. Il faudra encore plusieurs années pour que le chantier soit effectivement terminé. «La portion mise en service est très limitée. Tout ça a été reporté à bien plus tard», a regretté Tayfun Kahraman, le président de la chambre des urbanistes d’Istanbul. Depuis des jours, des annonces publicitaires diffusées en boucle sur les chaînes de télévisions vantent les mérites le projet gouvernemental. «C’était un rêve, il est devenu réalité», proclament les spots avec pour acteur principal, Erdogan.

Les détracteurs d’Erdogan l’accusent toutefois d’avoir précipité l’inauguration de ce mardi afin de le présenter comme un enjeu avant les élections municipales prévues en mars 2014. La chambre des ingénieurs et des architectes (TMMOB) a même conseillé aux Turcs de ne pas emprunter cette nouvelle route «pour des raisons de sécurité», un appel rejeté par le maire d’Istanbul, Kadir Topbas, qui jure que Marmaray est sûr.