Libye : HRW accuse le gouvernement de Tobrouk de torture |
Publié le Mercredi 17 Juin 2015 à 15:52 |
![]() En janvier et avril 2015, suite à une autorisation rarement accordée, Human Rights Watch a pu visiter des centres de détention à al-Bayda et à Benghazi contrôlés par l'armée libyenne et par les ministères de la Justice et de l'Intérieur, et y a mené des entretiens individuels avec 73 détenus en dehors de la présence de gardiens. De nombreux détenus ont déclaré que les personnes chargées des interrogatoires les avaient forcés à « avouer » des crimes graves sous la torture. Ils ont fait état d'autres abus, notamment l'absence d'une procédure régulière, le manque de soins médicaux, le refus des visites familiales, le manque de notification des familles au sujet de leur détention ainsi que de mauvaises conditions de détention. Parmi les détenus figuraient des mineurs âgés de moins de 18 ans. «Les ministres du gouvernement libyen, les commandants militaires et les directeurs de prison devraient immédiatement annoncer une politique de tolérance zéro à l’égard de la torture, et exiger que quiconque abuse des détenus rende des comptes », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Ils devraient comprendre qu'ils sont exposés à un risque d'enquête et de poursuites internationales s’ils ne mettent pas un terme aux actes de torture commis par les forces sous leur commandement. » Dans les trois centres visités, l'Unité de lutte contre le terrorisme du ministère de l'Intérieur et l’armée libyenne détiennent environ 450 personnes « détenues pour des raisons de sécurité » dans le cadre du conflit en cours. Parmi les détenus que Human Rights Watch a pu rencontrer, 35 ont déclaré qu'ils avaient été torturés lors de leur arrestation, pendant l'interrogatoire, ou pendant leur détention. Trente et un d’entre eux ont affirmé que les interrogateurs les ont forcés à « avouer » des crimes ; quatre ont déclaré que les autorités ont ensuite diffusé leurs « aveux » à la télévision, conduisant à des attaques de représailles contre leurs familles. Tous les détenus que Human Rights Watch a interrogés ont déclaré ne pas avoir eu accès à des avocats, ni comparu devant un juge, ni avoir été accusés formellement en dépit de nombreux mois de détention. La méthode de torture la plus couramment signalée consistait à des coups infligés avec un tuyau en plastique sur le corps ou sur la plante des pieds, mais certains détenus ont indiqué avoir été battus avec un câble électrique, des chaînes ou des bâtons. Les détenus ont également fait état de décharges électriques, de suspension prolongée, d’insertion d'objets dans les cavités du corps, d'isolement ainsi que de privation de nourriture et d’installations sanitaires. Les détenus ont également affirmé qu'il y avait eu au moins deux morts en détention à la suite de la torture. Parmi les détenus interrogés dans les prisons gérées par l’armée libyenne et par le ministère de l'Intérieur figuraient des personnes soupçonnées par les autorités de terrorisme ou d'appartenance à des groupes extrémistes comme l’État islamique (EI, également connu sous le nom de Daech) et Ansar Al-Charia. Elles comprenaient également des membres de Bouclier de Libye, composé de forces qui se battent contre le gouvernement internationalement reconnu, ainsi que des membres présumés des Frères musulmans ou d'autres mouvements islamistes. Certaines personnes détenues tant dans les prisons militaires que dans celles du ministère de la Justice comptaient des ressortissants d'autres pays arabes et africains (…). Tous les détenus devraient être traduits devant des juges indépendants, selon Human Rights Watch. Les autorités devraient libérer les personnes contre lesquelles il n'y a pas de preuves crédibles de crimes et porter des accusations formelles contre les autres, mais ne pas tenir compte des aveux faits sous la torture ou la contrainte. Les autorités devraient protéger tous les détenus contre la torture ou autres mauvais traitements et faire en sorte que les personnes qui commettent des actes de torture rendent des comptes. Les autorités devraient accorder aux observateurs indépendants tels que la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) un accès sans entrave aux lieux de détention sous leur contrôle. Toutes les parties au conflit en Libye sont tenues de respecter le droit international humanitaire, soit les « lois de la guerre ». Certaines violations graves de ces lois, telles que la torture, lorsqu'elles sont commises avec une intention criminelle, sont des crimes de guerre. Certains crimes, lorsqu'ils sont commis de manière généralisée ou systématique dans le cadre d'une politique de l'État ou organisationnelle pour commettre le crime peuvent constituer des crimes contre l'humanité au cours de conflits ou en temps de paix. Ces crimes comprennent la torture et la détention arbitraire. Les personnes qui commettent, ordonnent, aident, ou qui ont la responsabilité de commandement pour des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité sont passibles de poursuites par les tribunaux nationaux ou la Cour pénale internationale (CPI) (…). Human Rights Watch a également exhorté le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies à accélérer le déploiement d'une mission d'enquête créée par le Conseil des droits de l’homme de l'ONU en mars 2015, chargée d'enquêter sur les crimes graves commis en Libye depuis 2014, ainsi qu’à veiller à ce qu'elle se penche sur les modes de détentions arbitraires, de torture ainsi que d'autres mauvais traitements dans les lieux de détention en Libye. « Les membres du Conseil de sécurité n’ont pas agi pour mettre fin aux crimes graves qui sévissent en Libye, donnant ainsi carte blanche à davantage d’exactions », a conclu Sarah Leah Whitson. « Ils devraient envoyer un message clair à toutes les parties que les personnes qui commettent des actes de torture ou d'autres crimes graves n’échapperont pas à la justice, et devront rendre des comptes devant une juridiction internationale»; D'après communiqué
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