Moscou lance un ultimatum à Téhéran

Publié le Jeudi 22 Mars 2007 à 11:15
courrierinternational.com- La Russie durcit sa position à l'égard de Téhéran sur le programme nucléaire iranien. Elle conditionne désormais sa coopération en la matière à l'arrêt de l'enrichissement de l'uranium par la République islamique. Les commentaires de la presse russe et iranienne.
« La Russie a informé l'Iran qu'elle refusera de fournir du combustible nucléaire pour la centrale iranienne de Bouchehr, pratiquement achevée, si l'Iran ne suspend pas l'enrichissement de l'uranium, comme l'exige le Conseil de sécurité de l'ONU", rapporte le New York Times. Selon les informations du quotidien américain, Igor Ivanov, secrétaire du Conseil de sécurité russe, aurait lancé la semaine dernière cet ultimatum à Ali Hosseini-Tash, numéro deux des négociateurs iraniens sur le nucléaire.

"Depuis des années, le président américain George W. Bush fait pression sur le président russe Vladimir Poutine pour qu'il cesse d'aider l'Iran à construire cette centrale. M. Poutine a toujours résisté. Mais ces temps-ci les deux pays se sont engagés dans une dispute publique", relate le journal. "Cet ultimatum russe pourrait montrer que la Russie désapprouve le fait que l'Iran refuse de suspendre l'enrichissement de l'uranium dans sa centrale de Natanz", conformément aux exigences des Nations unies.

Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni) se sont mis d'accord, jeudi 15 mars, pour examiner dès cette semaine un nouveau projet de résolution visant à durcir les sanctions contre l'Iran. Le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 1737 imposant des sanctions contre le programme nucléaire iranien, que la République islamique déclare de nature civile, mais que la communauté internationale soupçonne d'être militaire.

"La Russie, cet allié incertain", commente Etemad-e Melli. Le quotidien iranien estime qu'il n'est "plus possible de faire confiance à la Russie". "Face aux risques de nouvelles sanctions contre l'Iran, la Russie a décidé de ne pas perdre sa place au côté des grandes puissances internationales en soutenant l'Iran. La Russie n'a jamais été un partenaire fiable et elle le prouve encore."

Le journal de Téhéran rappelle que la Russie a voté la résolution 1737 et que, le 9 mars dernier, elle a annoncé des retards dans la construction de la centrale de Bouchehr – dont les travaux sont dirigés par une société russe – en prétextant des retards de paiement de l'Iran. Gholamreza Aghazadeh, responsable de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, a affirmé que Téhéran avait payé sa dette et que les retards étaient dus à des problèmes internes à l'entreprise russe chargée des travaux. "Nos dirigeants ferment les yeux sur les trahisons de la Russie, mais il n'est plus possible de se voiler la face. L'Iran ne doit plus s'appuyer sur la Russie, qui sert les intérêts de Washington."

Pour Vedomosti, la Russie a été victime d'un "chantage nucléaire" de la part de l'Iran. Le quotidien financier moscovite revient sur les retards dans la construction de la centrale de Bouchehr. "Les véritables raisons de la brouille ne sont pas liées à des différends financiers. Cela se confirme par le fait que Washington, qui avait toujours critiqué le contrat de Bouchehr, a soutenu les exigences de Moscou en matière de paiement de la construction de la centrale, qualifiées de 'totalement justifiées' par le premier adjoint au ministre de l'Energie des Etats-Unis, Clayton Sell.

De source proche des négociations, en contrepartie d'un règlement complet, Téhéran exige de Moscou un soutien politique à l'ONU dans les discussions concernant son programme nucléaire. Il est peu probable que la Russie cède à la pression par crainte de perdre des revenus – sur le milliard de dollars du montant total du contrat de Bouchehr, l'Iran doit encore 200 à 250 millions de dollars. Mais il est aujourd'hui clair que Téhéran a manipulé la Russie de façon bien plus importante que Moscou voudrait le reconnaître."

Le quotidien appelle "la Russie à se montrer extrêmement prudente dans ses relations avec des régimes comme celui de l'Iran et à ne pas se trouver liée par des accords économiques (même s'ils sont attractifs de prime abord). Les dirigeants de ces pays veulent instrumentaliser Moscou afin d'affaiblir la communauté internationale."