Vers une OPEP du Gaz ?

Publié le Samedi 07 Avril 2007 à 15:00

Un nouveau défi géopolitique pour l'Occident
courrierinternational.com- A l'occasion de la réunion du Forum des pays exportateurs de gaz, le Wall Street Journal tente d'évaluer les chances de réussite d'un cartel international comprenant 14 pays, dont la Russie, l'Iran et l'Algérie.
Les dirigeants occidentaux ont longtemps affronté les pays de l'OPEP, qui contrôlent une large partie de la production pétrolière mondiale et en jouent comme d'une arme géopolitique. Désormais, l'Occident pourrait avoir affaire à un autre front de l'énergie : un cartel du gaz naturel. Le Forum des pays exportateurs de gaz, qui rassemble 14 des principaux producteurs mondiaux, se réunira les 9 et 10 avril à Doha, capitale du Qatar. Certains membres importants comme l'Iran ne cachent pas leur intention de créer un jour une OPEP du gaz.

L'émergence d'un groupe aussi puissant que l'OPEP est cependant fort peu probable à court terme. Mais, à l'heure où le marché du gaz est en pleine croissance et où il devient de plus en plus important pour couvrir les besoins énergétiques mondiaux, la mise en place de collaborations élargies entre producteurs résonne comme un signal d'alarme dans les capitales occidentales. En effet, si les objectifs à long terme de ce groupe sont ambitieux – un meilleur contrôle des marchés du gaz et une influence politique accrue sur ses clients aux Etats-Unis, en Europe et en Asie –, ils n'en sont pas moins réalisables.

L'un des principaux objectifs du forum est de mieux contrôler le marché en forte croissance du gaz naturel liquéfié (GNL), affirme le représentant d'un des plus gros producteurs du forum. Le marché mondial du gaz se résume à un patchwork de marchés régionaux en raison du mode de distribution, par réseaux de gazoducs cantonnés à la fourniture d'un seul grand marché, par exemple les Etats-Unis. Mais le gaz naturel liquéfié peut changer cette donne : chargé sur des tankers et donc transportable dans le monde entier, il peut devenir une véritable ressource mondiale, à l'instar du pétrole. Mais cette commerciabilité dans le monde entier rend également le GNL plus sujet à des variations de prix, poussant ainsi les producteurs à réfléchir à l'idée d'un cartel.
Une source proche du forum indique que la réunion de Doha sera un lieu de réflexion sur la création d'une institution centrale – sorte de secrétariat dans le style de l'OPEP – et de groupes techniques. Suivant la croissance du marché du GNL, ces institutions, pour le moment situées à Doha, pourraient servir de base pour des accords élargis et approfondis entre pays exportateurs.

Le GNL connaissant actuellement une forte croissance, il devient urgent de ne pas laisser l'anarchie s'installer. La consommation mondiale de gaz a atteint 2 750 milliards de mètres cubes en 2005, dont seulement 6 % ont été livrés sous forme de GNL et 19 % par des réseaux de gazoducs internationaux, selon la revue statistique BP, véritable bible du secteur. Mais l'Agence internationale de l'énergie indique que la capacité de production mondiale de GNL devrait atteindre 476 milliards de mètres cubes d'ici à 2010, contre 246 milliards en 2005.

En présentant un front plus uni, les exportateurs de gaz pourraient atteindre un autre objectif : pouvoir résister aux pays consommateurs. Les 14 membres du Forum des pays exportateurs de gaz – comprenant des poids lourds comme la Russie, l'Iran, le Qatar et l'Algérie – contrôlent 42 % de la production gazière. A titre de comparaison, les 12 membres de l'OPEP se partagent 43 % du pétrole mondial.

Fin mars, le commissaire à l'Energie européen, Andris Piebalgs, a prévenu que, si les pays exportateurs voulaient créer un cartel du gaz, il soutiendrait le développement d'énergies alternatives comme le nucléaire et le charbon propre. Ileana Ros-Lehtinen, représentante républicaine du comité des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, a exhorté dans une lettre la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, à "s'opposer fermement à l'organisation de ce racket à l'échelle mondiale".