Commerces du Lac, la mauvaise passe

Publié le Vendredi 07 Mars 2008 à 12:34

Le lac, un quartier de toutes les tentations.Les berges du Lac, ce quartier de toutes les tentations qui s’étale d’un bout à l’autre du Lac de Tunis, fascine et intrigue par autant de luxe et de chic. Depuis qu’il a vu le jour, ce fleuron du parc urbain, n’a cessé de ramper et de s’agrandir. Des immeubles de très haut standing, des centres de loisirs, des cafés et des centres commerciaux se sont multipliés au fil des ans. Les centres commerciaux ont commencé à voir le jour au début des années 1990. Aujourd’hui, il existe un grand nombre de commerces de tous genres.

Du prêt-à-porter jusqu’au mobilier de maison, en passant par les magasins de jouets, tous les secteurs y trouvent représentants. Mais parfois vous passez dans une boutique, vous faites vos emplettes et quelques temps plus tard vous y revenez, et là vous êtes surpris que la boutique n’existe plus. Avec une pancarte dessus désignant que les locaux sont à louer ou encore à vendre. C’est à se demander, qu’est-ce qui ne marche pas à un endroit à fort pouvoir d’achat comme celui-ci. Dans les faits, la réalité est différente de ce que le quartier laisse penser, de prime abord.

La plus grande concentration de magasins est autour des centres commerciaux le « Carré du lac » et « La Pyramide du Lac ». Pour le premier, plus le visiteur grimpera les étages, plus il découvrira de magasins vides. « Il n’y a pas de mystère, ici les locaux sont chers, il faut bien étudier le marché si l’on veut tenir le coup. Il n’est pas toujours évident de vendre des chaussures ou des vêtements si l’on trouve une dizaine d’autres boutiques qui vendent la même chose et au même endroit. Il y a des enseignes qui tiennent le coup et il y en a d’autres qui mettent la clé sous la porte parce qu’elles n’arrivent plus à joindre les deux bouts », témoigne Lamia qui tient une boutique de vêtements. Pour acheter un local à vocation commerciale, il faut compter au minimum 2500 dinars par mètre carré. En dehors des centres commerciaux, les boutiques les mieux placées, sont beaucoup plus chères. «J’ai entendu parler une fois d’une enseigne qui voulait céder son magasin à un million de dinars », confie la vendeuse. A des prix pareils, il devrait y avoir une clientèle conséquente, ce qui n’est pas toujours le cas.

Il y a quelques années, à la pyramide du lac, les magasins qui fermaient leur porte ne se comptaient plus. Il y a eu comme un vent de désertion. « En effet c’est un cercle vicieux : le quartier étant luxueux, les magasins se vendaient au prix fort, les enseignes qui s’installaient ramenaient de la marchandise importée donc très chère, qu’elles proposent au prix fort. Sauf que les gens qui peuvent se permettre un pull à 200 dinars et une veste à 700 dinars ne courent pas les rues. Sans oublier que notre cible est une clientèle très aisée qui voyage beaucoup et qui s’approvisionne à l’étranger à moins cher. Tous ces facteurs font que la marchandise met du temps à partir et au final ceux qui paient un loyer, l’électricité, et le salaire d’au moins une vendeuse, se retrouvent dans une impasse et les moins solides, financièrement, finissent par laisser tomber l’affaire » raconte Asma, vendeuse dans un magasin de linge de maison.

En passant dans les couloirs du centre, un local vide affiche « à vendre ». Contactée par téléphone, la propriétaire demande 50.000 dinars pour les 18 m². Elle évoque aussi la possibilité de le louer à 500 dinars par mois. Sauf que le commerce en question ne possède pas de vitrine d’exposition.

De lourdes charges et une clièntèle qui n'est pas toujours au rendez-vous.La gérante du magasin voisin trouve que c’est cher et qu’il est possible de négocier. « On peut trouver de meilleures occasions par ici. D’autant plus que certains loyers n’ont pas changé depuis plusieurs années, alors que d’autres ont baissé. Et même que la valeur des fonds de commerce a elle aussi reçu un coup ces dernières années », affirme-t-elle. A titre d’exemple, une chaîne de magasins de prêt-à-porter féminin a fermé son point de vente du lac, il y a deux ans. La propriétaire d’un magasin adjacent parle de mauvaise gérance : « les propriétaires n’arrivaient plus à maîtriser certaines pratiques perpétuées par les vendeuses, qui prenaient la liberté de vendre des articles sous le manteau. Vous savez que tenir une boutique n’est pas chose aisée. Il faut être là du matin au soir et surtout pendant des jours de fête, et c’est aussi pour ça que certains mettent fin à leur activité. Mais si je devais donner un conseil à ceux qui veulent se lancer dans le commerce, c’est qu’ils doivent se démarquer. Ramenez de la marchandise qui sorte du lot et les gens viendront vous voir même dans un coin perdu », confie la dame.

Comme certains partent, il y a souvent d’autres qui viennent s’installer, dans l’espoir de voir fleurir leur investissement. Mais malheureusement, ce n’est qu’après coup qu’ils réalisent que les meilleures affaires se font du côté du centre-ville de Tunis ou dans les hypermarchés.

Chiraz Kefi