Tarik Ramadan plaide pour le retour à la grandeur de l’Islam

Publié le Dimanche 08 Avril 2012 à 17:50
Tarik Ramadan à la rencontre de l'UOIF au Bourget.Tarik Ramadan a harangué la foule au Bourget. Devant des dizaines de milliers d’hommes et de femmes, rassemblés lors de la rencontre annuelle de l’UOIF, il a évoqué la grandeur de l’Islam, dans une conférence intitulée «Foi résistance, réforme et espérance». Passant de l’arabe au français avec une grande aisance, et égrenant des versets de Coran sans notes, l’islamologue suisse d’origine égyptienne, a fait vivre à son auditoire cinquante minutes de profondeur et d’évasion spirituelle et intellectuelle, comme on y assiste rarement.

La présence de cet illustre tribun à la rencontre des musulmans de France était à l’origine d’un coup de force entre les autorités françaises et l’Union des organisations islamiques de France. «C’est tout à l’honneur de la France d’accueillir cette rencontre,a-t-il dit, accusant le gouvernement français "de faire diversion sur des sujets de la burqa et de viande Halal pour esquiver les vrais problèmes de  justice sociale". L’intellectuel suisse a pointé l’instrumentalisation électoraliste de l’affaire Mohamed Merah. «Il faut condamner les meurtres de Toulouse et de Montauban sans l’ombre d’une hésitation, mais il ne faut pas faire  de la surenchère, la sécurité est un sujet sérieux pour ne pas être mise en scène».

«Le Coran est une responsabilité»

Tout au long de son discours, qu’il a étayé par l’attitude du prophète, Tariq Ramadan a appelé les musulmans à ne pas céder aux attaques, et à rester digne dans l’adversité, citant le verser du coran. "Eloigne-toi d'eux, dans un bel exil". "Comment est-on un citoyen, comment s’engager en tant que musulman et musulmane ?" S’est-il interrogé, déplorant "un éloignement des musulmans du centre et de l’essence de l’Islam, pour se placer à la périphérie".

"La foi est une conversion de notre façon d’être et de voir le monde. Tout le rituel islamique est fondé sur cinq piliers qui sont là pour nous rappeler le sens des choses. Or, les musulmans se sont éloignés de la compréhension du sens de la nature, et de la miséricorde de celui qui a crée les cieux et la terre. Une telle compréhension leur permettra de regarder différemment la nature ; de prendre de l’amplitude et de la grandeur", a-t-il fait valoir.

"C’est à partir de la foi, que vous comprenez le coran, la nature, et la société", a-t-il expliqué, évoquant l’action du prophète à la Mecque. «Le prophète avait la connaissance du texte pour la lumière, et la compréhension de la société pour l’efficacité. Il avait ce souci du savoir. Il n’y a pas un bon musulman sans quête du savoir».

La première obligation pour un musulman est donc l’acquisition du savoir. Un musulman doit aussi savoir résister,  histoire de montrer que son cœur est affermi dans sa religion, et de faire en sorte de ne pas dévier de la foi. "C’est pour ça que Dieu nous a recommandé le Dhiker (rappel), c’est une forme de  résistance à l’oubli et à l’égo". "L’arrogance est une caractéristique du diable", assène-t-il. "Un musulman doit donner l’image de la force, et de l’humilité. Il doit construire une personnalité forte, tout en résistant aux attractions intérieures et extérieures".  

Tarik Ramadan l’affirme : «Le coran est une responsabilité ; nous portons un message. Dieu nous dit, tu vas recevoir des paroles lourdes, portes cette responsabilité, ne te laisses pas te distraire par ceux qui t’attaquent».

«Soyez des citoyens libres, indépendants, et croyants avec l’esprit critique. Soyez du côté de la vérité, au-delà de l’histoire du mensonge», a exhorté cet islamologue charismatique. «L’Islam dans tous ses principes accepte toutes les cultures du monde. On n’arrive pas à être efficace, compétitif, si on ne comprend pas l’objectif, le sens, les principes et l’éthique de notre religion».

Tarik Ramadan a appelé les musulmans à  s’impliquer dans la réforme de l’esprit critique, à contribuer au changement de leurs sociétés dans le respect de la liberté et des droits, à être des hommes et des femmes de créativité intellectuelle et culturelle, et à s’engager pour le réveil de la conscience citoyenne. «Notre expérience en Occident peut permettre à l’ensemble du monde musulman de se réapproprier ses moyens». Il a prêché le respect de la diversité. «Le plus grand défi à relever pendant les années qui viennent, c’est la division entre chiites et sunnites sur des bases fausses. C’est très grave, il faut être dans une démarche de dialogue, gérer nos diversités, et refuser nos divisions».

Il s’est adressé  aux gouvernements d’occident en ces termes : "Respectez tous les mouvements de démocratisation (NDLR, dans le monde arabo-musulman), respectez les choix des peuples, même si les résultats ne vous plaisent pas". Tarik Ramdan a terminé son propos par un doâa  (invocation) dans les deux langues où il a notamment supplié Dieu de renforcer la foi des musulmans en Syrie, en Egypte, en Libye, au Yémen, en Tunisie…C'était le faîte de l'émotion.

«Nous devons être les constructeurs de cette terre et non ses parias»

Issam el Bachir a été l'invité du Bourget.Auparavant, c’était au tour du théologien Issam el Bachir, de donner une conférence intitulée «de la réforme individuelle au changement social». Le conférencier a tenté de battre en brèche les poncifs. «Notre décadence et notre chute (NDLR du monde arabo-musulman) provient de notre éloignement de la vie sur terre. Nous pensions qu’avec cette attitude, nous allions atteindre l’au-delà», faux, a-t-il rétorqué. «Nous devons être les constructeurs de cette terre et non ses parias», a exhorté le cheikh, appelant les musulmans à parfaire leur comportement, et à chercher la perfection. «Le lieu d’adoration de Dieu n’est pas la mosquée, c’est la vie quotidienne, notre comportement doit être en adéquation avec le message de Dieu».

Pour Issam al Bachir, il y a des priorités en Islam. «Les désaccords sur des sujets secondaires ne doit pas être source de dispute et de discorde.  Il faut être rassembleur et solidaire, et privilégier l’entente même si elle est faible sur les questions fondamentales. Le désaccord est une miséricorde pour chacun d’entre nous».

En Islam, "les obligations ne sont pas uniquement individuelles, mais collectives. Il faut mettre fin à l’injustice, combattre l’ignorance, promouvoir la bonne gouvernance, faire régner la paix », a-t-il indiqué, en se félicitant du printemps arabe qui a mis fin au despotisme, et qui constitue un réveil de la nation arabe. Issam el Bachir a récusé un autre préjugé : «Il y a ceux qui disent qu’il est interdit aux musulmans de voter. Le vote est un droit et un devoir de citoyenneté pour chaque musulman et musulmane. Il faut qu’ils aillent aux urnes et choisissent celui qui est le plus à même de servir leurs intérêts et garantir la sécurité et la stabilité, a-t-il recommandé, en allusion notamment à la participation de la communauté musulmane au tout prochain scrutin en France.
H.J.