Anne Applebaun en Tunisie, "les Etats-Unis ont peur des partis islamistes"

Publié le Jeudi 16 Juin 2011 à 15:51
Anne Applebaun et Omar Mestiri,. Photo Kalima. Les révolutions dans le monde arabo-musulman intriguent encore l’Occident, qui pour les comprendre, procède à des comparaisons avec les révolutions survenues à travers l’histoire. Une analogie qui ne leur permet guère de percer le mystère de ce printemps arabe qui a pris Orient et Occident de court.

Anne Applebaun, journaliste et écrivaine américaine, a eu ce matin un débat à bâtons rompus, à l’initiative de Radio Kalima, avec des journalistes tunisiens sur les révolutions dans le monde arabe, notamment la révolution tunisienne. Spécialiste de l’Europe de l’Est, la lauréate du prix Pultizer en 2004 a essayé de faire un parallèle entre les révolutions survenues dans les pays de l’ex-bloc de l’Est, et les révolutions arabes. Tout en relevant des similitudes, elle en déduit des différences. Contrairement aux pays de l’Europe de l’Est qui savaient dans quelle direction ils voulaient aller, et qui cherchaient grosso modo à emboiter le pas à l’Europe de l’Ouest, en suivant son modèle politico-économique,  dans le monde arabe, les choses lui semblent floues. "Les pays arabes ignorent leur direction". Ceci parait d’autant plus sibyllin à ses yeux, que le monde arabo-musulman est pluriel, avec de profondes dissemblances politiques, cultuelles, confessionnelles…Il y a des différences énormes entre la Tunisie, l’Egypte, le Yémen, le Bahreïn, l’Iran, etc.

La Tunisie sait très bien dans quelle direction elle veut s’acheminer, fait constater Gnet. Même s’il y a des débats autour de nombreuses questions, tout le monde semble d’accord sur les fondamentaux. Une unanimité se dégage, en effet, quant à la nécessité de mettre en place un régime démocratique, respectueux des libertés, avec une alternance au pouvoir…etc.  Pas tant que ça, rétorque Lotfi Al-Haji d’al-Jazeera. "La Tunisie ne sait pas encore sa direction". Il invoque les débats en cours notamment au sein de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution sur la normalisation avec Israël,  les rapports entre l’Etat et la religion, les questions identitaires, etc.

Mais, en Tunisie, y-a-t-il eu une révolution réelle dans le sens d’une rupture totale avec l’ancien système, où est-ce une révolution au sein du même système qui cherche à se reproduire, s’interroge  en substance Ridha Kefi, Rédacteur en Chef de Kapitalis. Cette question est d’autant pertinente, renchérit un autre confrère, que l’on ne sait pas encore ce qui s’est passé réellement le 14 janvier.

Quoi qu’il en soit, la révolution tunisienne a apporté beaucoup aux Tunisiens en termes de liberté, nonobstant la présence encore agissante des forces contrerévolutionnaires dont la stratégie subit flux et reflux, fait-on constater. Et la position de l’Occident à l'égard de ces projets en gestation dans le monde arabo-musulman ? Les Etats-Unis sont-ils prêts à avoir de nouveaux rapports avec des pays arabes démocratiques, libres et souverains ? Et puis quid du revirement des Etats-Unis envers les partis islamistes ; Washington commence à dialoguer avec ces partis, après les avoir combattus en soutenant les régimes dictatoriaux qu’ils considéraient comme un rempart contre l’islamisme ?, se demande Gnet. Nourredine Boutar, directeur de Radio Mosaïque, rebondit sur la même question, évoquant la peur qu’avaient par le passé les Etats-Unis envers les partis islamistes.

Pour Anne Applebaum, "les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, souhaitent que les pays arabes réussissent à organiser des élections libres et démocratiques et n’ont aucunement l’intention de les manipuler". Quand à leur position envers les partis islamistes, elle semble encore basée sur la méfiance. Si  les Etats-Unis dialoguent avec les partis islamistes, et une délégation d’Ennahdha a séjourné récemment  aux Etats-Unis à l’invitation du département d’Etat, "cela ne signifie pas qu’ils les soutiennent, mais ils cherchent à mieux les connaître, car, leur peur vient du fait qu’ils ignorent tout sur eux", souligne-t-elle. 

Après avoir répondu aux questions des journalistes, c’est au tour d’Anne Applebaum de leur demander leurs attentes des Etats-Unis. Les intervenants ont, en majorité, appelé à la fin de l’ingérence américaine dans les affaires de ces pays, avec la promotion de relations économiques équitables, qui finiront par se transformer un jour en relations d’égal à égal. Ce ne sera pas demain la veille certes, mais le processus doit être enclenché dès maintenant ; c’est là une revendication primordiale de tout pays souverain.

Sihem Ben Sédrine, présidente du CNLT,  souhaite, elle, que "les Etats-Unis contribuent à la consolidation de la démocratie dans les pays arabes, en appuyant la société civile et qu’ils fassent preuve de neutralité". Le débat est clos sur une note d’espoir d’Omar Mestiri, directeur de Radio Kalima, "ce qui nous arrive est positif", se réjouit-il. Et comment il pouvait en être autrement, alors qu’un débat pareil ait lieu en toute liberté.
H.J.

PS : Anne Applebaun est l’épouse du ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw SIKORSKI qui a animé ce matin à Tunis une conférence autour du thème : "La nouvelle politique européenne de voisinage : la Pologne et la Tunisie dans la perspective de la présidence polonaise du Conseil de l’Union Européenne".


 

Commentaires 

 
#4 RE: Anne Applebaun en Tunisie,
Ecrit par asmar     17-06-2011 22:54
Parti Tunisien
du Travail
Communiqé
Le Parti Tunisien du Travail rappelle cette vérité :
La chute de Ben Ali n’a pas signifié la fin du pouvoir des forces politiques qui l’on porté à la présidence de la
république. Ces mêmes forces ne sont pas prêtes à abandonner leurs privilèges et continuent à multiplier les
manœuvres afin de reprendre la situation en main.
Le provisoire et la patience ont trop duré. La politique d’hier est appliquée aujourd’hui avec ses mêmes hommes.
Le peuple tunisien doit s’approprier le pouvoir politique et les centres de décision et passer immédiatement à la
réalisation des objectifs de la révolution. Ceux qui prêchent l’attentisme, la modération et la résignation et qui
veulent placer la révolution dans les limites qu’ils ont fixées sont ceux-là mêmes qui cherchent à mener le pays
dans la souffrance et les bains de sang.
En effet,
– sur le plan intérieur, le même pouvoir d’hier continue à accaparer l’État et toutes ses institutions et dispose
de la puissance des moyens matériels et humains du parti RCD : la dissolution de celui-ci n’a rien entamé de
son organisation et de sa mobilisation : les démonstrations de force fréquentes de ses milices et de ses hommes
de poigne, partout dans le territoire, sont significatives.
– sur le plan extérieur, il continue à bénéficier du soutien et de la complicité de l’Occident et de la réaction
arabe.
L’offensive militaire et diplomatique de l’impérialisme pour circonscrire les révolutions arabes ne peut pas
être occultée par son discours sur la démocratie ni par les promesses fallacieuses de son G8 de faire couler
les milliards sur la Tunisie. Cette générosité est destinée plutôt à réconforter sa mainmise sur notre pays et
permettre au pouvoir de créer des illusions sur ses réelles intentions de rasseoir son hégémonie.
– La confusion entretenue en Lybie et la guerre qu’y mène l’Occident soutenu par les monarchies du Golfe est
une menace sérieuse contre notre pays.
Cette guerre est aussi une menace très grave sur l’avenir et la stabilité de toute la région. La stratégie agressive
de l’impérialisme et du sionisme est destinée aussi contre l’Algérie qui n’a jamais abandonné ses positions anti-
impérialistes et progressistes et les efforts qu’elle déploie pour la cause arabe.
Quels sont les problèmes auxquels le pouvoir fait face réellement ?
– La révolution tunisienne a démontré la possibilité de la formation d’un front national très large, puissant et
capable de réussir et d’ouvrir l’horizon des espoirs.
Pour déjouer la consolidation de ce front, le pouvoir a multiplié la création de partis politiques.
C’est ainsi que le ministère de l’intérieur, tout en abandonnant la sécurité publique, s’est transformé en un
bureau de délivrance des visas pour des partis politiques sortis du néant. Par conséquent, cette manœuvre
vise essentiellement les possibilités ouvertes par la formation de ce front national né lors de la révolution et
pour l’affaiblir et changer les rapports de force au profit de la contre révolution.
– La révolution tunisienne a démontré encore une fois l’immense potentiel de l’UGTT et la profondeur de son
enracinement populaire. Pour briser cette force, le pouvoir a dû recourir comme d’habitude au dénigrement
de ses leaders historiques et au pluralisme syndical.
Si le gouvernement s’est chargé de discréditer les leaders de l’UGTT en justifiant en même temps les crimes,
les répressions et les persécutions qui ont frappé l’UGTT et son leader historique le défunt Habib Achour,
ceci dans le but d’entamer le prestige de la centrale syndicale fondée par Farhat Hachad et de faire douter
de la justesse de son combat, il a trouvé, sans peine, des hommes prêts à jouer le rôle de la division. Et
l’empressement de MM. Sahbani et Guiza, en ce moment précis, n’est pas fortuit.
Le pouvoir a toujours utilisé l’islam et ses détracteurs dans des calculs politiques en fonction de l’avancée du
mouvement progressiste et la conjoncture internationale. Si nous insistons sur le respect des fondamentaux
arabes et musulmans de notre pays, c’est pour dénoncer les amalgames réducteurs de notre identité nationale
qui veulent faire croire que l’islam est incompatible avec la modernité, la démocratie, la justice et les droits
humains.
Les débats inappropriés des défenseurs de la laïcité , soutenus par des maîtres penseurs parisiens et le pouvoir
ne peuvent que susciter le ressentiment de la communauté nationale qui garde encore en mémoire l’agression et
les humiliations du congrès eucharistique, couronnement de la besogne de Lavigerie et du laïc jules Ferry, les
pères de l’évangélisation et de l’expansion coloniale.
Les plans du pouvoir ont échoué lamentablement. En effet,
– la manœuvre du multipartisme est tellement grotesque que l’isolement qui frappe ces partis est si pesant qu’ils
commencent déjà à se regrouper par dizaines autour de leurs aînés ( créés aussi pour les mêmes raisons à
l’occasion de «l’ouverture démocratique») qui comptent beaucoup sur les orphelins du RCD pour renflouer
leurs maigres effectifs : pari perdu d’avance. Et comble de l’opportunisme, les hommes de ces partis ne se sont
jamais demandé sur l’origine ni sur la légalité des lois qui justifient la démarche «très démocratique » du
ministère de l’intérieur d’un gouvernement provisoire chargé de gérer les affaires courantes.
– La maœuvre de la division syndicale a essuyé le même échec que les tentatives précédentes de division et de
domestication de l’UGTT.
La précipitation de MM. Sahbani et Guiza à jouer ce rôle démontre bien leur méconnaissance de l’histoire de
notre pays et des forces politiques et sociales qui ont toujours fait partie prenante de la résistance nationale
pour la dignité, le progrès et le vrai changement. Ces hommes ont la mémoire courte : ils n’ont pas retenu la
leçon du fiasco de Abdelaziz Bouraoui et de celui de Tijani Abid.
– Le discours malintentionné de la laïcité opposé à l’islam n’a pas pu provoquer les dissensions escomptées.
– La révolution Tunisienne étant populaire et authentiquement nationale, n’est pas sensible au paternalisme et
au «conseils»de l’Occident qui a toujours voulu piloter les changement dans les pays arabes au mépris des
peuples. Ce qui est un handicap pour tous ceux qui ont lié leur avenir politique avec l’occident.
Dans ces conditions où les rapports de forces ne sont plus favorables au pouvoir de la contre révolution, le report
des élections de l’assemblée constituante est devenu inéluctable.
D’ailleurs, le report de celles-ci, quelques soient les raisons qui l’on justifié et dont l’objectif réél est de gagner
du temps pour contrer la révolution, est très instructif sur plusieurs plans :
– L’embarras du gouvernement et l’absence du président par intérim de toute prise de décision montre bien que
le pouvoir de l’ombre est le seul maître de la situation ;
– Dans le domaine purement politique, les partis officiels se sont révélés en fait préoccupés à perpétuer la même
politique du RCD et toutes ses orientations, et tout à fait unis autour de cet impératif.
– l’expression publique confisquée par les agences de propagande et les opportunistes de tous bords a contribué
à réduire à néant la réflexion et le débat sérieux qui orientent résolument l’action vers l’union de toutes les
forces progressistes qui luttent pour une alternative de progrès et d’avenir qui coupe court et structuralement
avec la politique dramatique suivie depuis les années soixante-dix et qui a hypothéqué notre pays et son avenir.
Le Parti Tunisien du Travail tient à souligner le rôle indispensable et irremplaçable , à cet égard, de la combativité
de la classe ouvrière et de l’ensemble des couches populaires, dans la mise en échec de toutes ces manœuvres.
Il rappelle que l’union de toutes les forces progressistes et populaires avec l’UGTT, est le meilleur rempart
pour préserver les conquêtes démocratiques, et le meilleur garant de leur mise en œuvre au profit des masses
populaires. Elle permettra d’engager le pays sur la voie d’un développement économique indépendant, au service
des masses populaires et de la consolidation de notre indépendance nationale, dans tous les domaines, politique,
économique et culturel.
Le Parti Tunisien du Travail rappelle, encore une fois, que les forces populaires, qui rejettent toute tutelle, d’où
qu’elle vienne, sont aptes à aller elles-mêmes au Pouvoir, pour construire la société libre, juste, démocratique et
fraternelle, à laquelle ont rêvé tous les les martyrs de la lutte nationale et sociale, et à laquelle continue à rêver
tout le peuple tunisien.
Tunis, le 11 juin 2011
 
 
#3 Quel titre !!!!
Ecrit par faycal ben hamza     17-06-2011 11:45
salam,

sincèrement, quand j'ai lu l'article, j'ai trouvé que le titre ne coïncide pas. c'est désolant.

dvoici ce qu'a dit la journaliste "Quand à leur position envers les partis islamistes, elle semble encore basée sur la méfiance"

méfiance est différent de peur a mon avis.

c'est pas honnête
 
 
#2 bon à savoir
Ecrit par dubitatif     16-06-2011 23:05
C'est bon à savoir; on nous avait dit que Jebali avait séjourné aux Etats-Unis à l'invitation d'une association ou quelque chose de ce genre. Et voilà que cette journaliste nous apprend qu'il a été invité par le département d'Etat
 
 
#1 Ce qu'on attend des USA
Ecrit par mannoula     16-06-2011 19:47
Qu'est-ce-qu'on peut attendre des USA ? Drôle de question !!! Comme si cet empire impérialiste a , une seule fois de son existence , répondu aux attentes des peuples et respecté leurs aspirations!!!!
Ce qui importe absolument , pour cet empire en agonie,c'est de préserver son leadership mondial et pour s'y faire il ne doit ,surtout pas ,mettre sa pendule à l'heure du "printemps arabe".. Au contraire il ne peut que s'activer à récupérer les fruits de cette saison pleine de promesses , quitte à les offrir à ceux qu'il a toujours combattu,je veux dire les islamistes les plus rétrogrades , comme c'est le cas en Irak ...
Quand il s'agit de cet empire malade économiquement, politiquement et surtout moralement , on ne peut que s'attendre au pire... Ne le voit-on pas à l'oeuvre ici et lá dans le monde ? Il ne fait que se fabriquer des "Grands Satan" afin de déclencher les guerres et faire oublier aux opinions internes la faillite imminente ... Il ne fait que soutenir les dictatures les plus abjectes mais les plus fantoches afin que les peuples demeurent sans volonté propre ... Il ne fait que pratiquer les 2 poids 2 mesures pour qu'Israel , l'enfant prodige , puisse poursuivre la colonisation et la répression sanglante ...
Je n'attends rien des USA , mais du printemps tunisien , j'attend tout le bien du monde ... Le printemps s'est toujours annoncé rempli de promesses... sans jamais nous mentir, sans jamais defaillir ...
 
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