Tunisie, les révélations d’un ex-colonel sur le 7 Novembre 1987

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Publié le Dimanche 10 Avril 2011 à 16:20
Ben Ali a destitué Bourguiba le 7 novembre 1987."Nul ne peut prétendre à la magistrature suprême s’il n’est pas d’une culture exceptionnelle, avisé aux affaires de la nation, roué à la politique !!!!". Célèbre homme de lettre français
Comment a été préparé le 7 novembre 1987 ?

Depuis le 14 janvier 2011, nous assistons à un déferlement de révélations, descriptions et anecdotes sur lesquelles certains ont imaginé le scenario du coup de force du 7 novembre 1987.
Car, il s’agit bien d’un coup de force, bien qu’à certains égards, il a tous les traits plutôt d’une révolution du palais !

Ben Ali faisait bien partie du gotha du pouvoir quand il a décidé de passer à l’action dans la nuit du 6 au 7 novembre 1987. En fait, il a pris de court des rivaux qui convoitaient le pouvoir en même temps que lui.
Mais son succès il le doit à un bien long et minutieuse préparation qui remontait a plusieurs mois avant la date fatidique.
A cette époque, je cumulais mes fonctions de direction de l’institut de la défense nationale, avec ma nomination au sein du cabinet du ministère de la défense nationale Slahddine Bali qui a décidé un jour de scinder son cabinet en quarte sections autonomes les unes par rapport aux autres.

L’une des quatre revenait à feu le colonel Amar Abdelkader, qui perdait son titre de chef de cabinet qu’il détenait depuis une douzaines d’années. Il devait désormais gérer le courrier de l’armée de terre et des services communs.

La seconde revenait à moi-même, désigné pour gérer les affaires de la marine et de l’aviation en même temps qu’a m’occuper d’une large gamme d’affaires confidentielles (courriers interministériels, relation avec la chambre des députes, etc.)

La troisième revenait au colonel Mokhtar Gmati qui exercera sa compétence indiscutable dans les domaines de la logistique et des services de soutien.

La quatrième enfin est confiée a Monsieur Chokri Ayachi , un jeune énarque désigné au ministère de la Défense pour exercer initialement une fonction d’appoint aux services juridiques et qui se voyait bombardé au cabinet du ministère .Il s’occupera des contentieux et des affaires d’inspiration et de finalité juridique.
L’année 1987 voyait se dérouler une succession d’événements insolites : la perte ou plutôt le vol de matériel de guerre chez certains régiments de l’armée de terre, ou dans certaines bases de l’armée de l’air. Fusil, fusils mitrailleuse ou pistolets sont couramment déclarés volés au grand dam du ministre de la Défense !
Monsieur Bali vociférait et tempêtait sans arrêt .Il convoquait les chefs de corps pour des réunions aux cours desquelles il dictait des consignes drastiques de verrouillage des portes, de construction de murs et d’élévation de tours de guet !
Pour ma part, je ne comprenais guère ce courroux ministériel intempestif et irrationnel. Il suffisait à mes yeux que le ministre fasse usage de son autorité pour contraindre les chefs de corps à faire montrer de plus de vigilance et a faire cesser ce laxisme impardonnable au sein des casernes.
Assistant a ces réunions des chefs de corps, je prenais le courage d’exprimer vaillamment mon opinion, soutenant notamment l’inadmissibilité d’une situation qui nous acculait à surveiller nos propres casernes quand notre vocation et notre mission nous attachaient à surveiller nos frontières.

Mais à mon étonnement, j’observais sur le visage du ministre des signes de non-satisfaction. Manifestement, Monsieur Bali voyait mal son attaché de cabinet soutenir une ligne différente de la sienne et coupait court a mes plaidoyers pourtant bien accueils par l’assistance.
Je ne tardais pas à comprendre la raison de sa colère. Monsieur Bali trempait dans le complot ourdi par Ben Ali pour s’emparer du pouvoir. Il était d’ailleurs le seul ministre parmi tous les ministres qui avait la capacité d’empêcher ce dernier de réaliser son complot.

Le ministre de la Défense se targuait pourtant de faire partie de la famille de Bourguiba. Sa défunte épouse (Fattouma) n’est elle pas la fille de la nièce (Mongia) du président Bourguiba ?
Pour l’instant, il importe de dissimuler son implication dans les desseins de Ben Ali , en multipliant les gestes de fidélités a Bourguiba : ses enfants sont vivement encouragés à assister aux festivités célébrées à l’occasion des anniversaires du président, gestes apprécié par la nièce (Saida) qui se faisait forte de « ramener » Bourguiba vers « les siens » après avoir erré longtemps vers d’autres cieux sur instigation de « Wassila ».
Au fil des jours je parvenais a élucider les contours du plan ourdi par les conspirateurs : les armes soi-disant volés, sont vite « récupérés» par les barrages de policés disséminés dans les zones voisines des lieux de vols.
Du coup, le prestige de Ben Ali grandit dans les yeux du vieux président .Il est désormais le "lion" qui veille sur la sécurité du pays !

Il est l’homme indiqué pour éradiquer la contestation sous toutes ses formes. En particulier les intégristes qui défiaient l’autorité bourguibienne par des démonstrations de rue dans la capitale.
En octobre, le président Bouguiba couronne son admiration pour Ben Ali en le hissant au niveau de Premier ministre. De ce fait, le vieux président commettait l’erreur de sa vie.

Déjà en 1986, il a limogé Mohamed Mzali , remplacé par Rachid Sfar assisté par Smail Khelil . Les deux hommes sont chargés de prendre contact avec les institutions de Bretton woods » (fond monétaire, et banque mondiale) pour renflouer les finances de la république mise a mal sous l’ère Mzali.

Rassuré un tant soit au niveau des ses finances, Bourguiba se tourne vers ses problèmes de sécurité et s’en remet totalement à Ben Ali pour obtenir les mêmes résultats. Il était loin de penser que cette promotion de Ben Ali anticipait son éviction du pouvoir.
En effet, le complot conçu par les conspirateurs misait sur cette nomination pour proclamer la déchéance du vieux « Zaim », reconnu « sénile» par un groupe de médecins, parmi lesquels deux militaires (un neurologue et un cardiologue) qui ont pourtant prêté serment un jour de fidélité a Bourguiba !!

Ainsi, la boucle est bouclée, le premier ministre est constitutionnellement reconnu président de la République. Ce n’est donc ni un pronunciamiento ni un coup de force, mais bien le recours au processus légal prévu par la constitution de la république tunisienne.
L’opinion déboussolé par les fresques de fin de règne, applaudit et cautionne ce changement commis « sans effusion de sang » en Tunisie. Ben Ali occupe le terrain déblayé et s’installe dans la durée.

Béchir Ben Aissa : Colonel (retraité)
Ancien Directeur fondateur de l’Institut de la Défense nationale


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Commentaires 

 
#18 Un autre dossier
Ecrit par Kbir El Houma     01-08-2012 15:00
Ayant été absent de gnet depuis quelques temps et je suis moi même officier supérieur à la retraite, je viens de découvrir cet article, ce qui me donne l'occasion de donner quelques détails croustillants concernant ce Chokri Ayachi. Bombardé par S.Baly chef de cabinet au ministère de la défense malgré son inexpérience, il y est resté une bonne quinzaine d'année, un record! Aussi incompétent que malhonnête, Chokri Ayachi était devenu l'homme fort du département grace à sa carte RCD et son lien de parenté avec Mohamed Ghannouchi Premier Ministre de ZABA. Cet individu a pillé le ministère: pots de vin sur les marchés, terrains militaires acquis frauduleusement ( terrains destinés à la construction de logements pour les militaires, il y construisait des boutiques et les louait!)et bien d'autres avantages; il est vrai qu'il n'était pas le seul! A régime corrompu fonctionnaires corrompus! Viré de ce poste par feu Daly Jazy (il était en larmes ce jour là), il a atterri à l'Office des Céréales où il a continué à se sucrer! Dégagé à la révolution, il a été "protégé" par Ghannouchi qui l'a pris son aile au Premier Ministère! Vous avez dit révolution et justice?
 
 
#17 Reponse à Mr Jrad
Ecrit par Ben aissa     18-05-2012 10:19
Que j’aurais moi Bechir Bena Aissa colporté à son égard, des mensonges et des calomnies au point de provoquer sa disgrâce, je dirais tout simplement que feu l’ambassadeur Ali Jrad a qui je nourris respects et amitié a du se retourner dans sa tombe.
Que l’auteur du pamphlet cesse ses divagation , car en matière de droiture et d’intégrité il n’y a guère de point commun entre un officier supérieur attaché et dévoué a l’honneur de sa charge et un affabulateur soutenant une version futile et partiale qui le discrédite et le déshonore.
Quant a mon manque de reconnaissance envers Ben Ali , il y la à l’évidence une élucubration d’un esprit égaré en même temps qu’une ignorance intégrale des raisons de mon éviction des rangs de l’armée.
 
 
+2 #16 quelle loyauté??
Ecrit par Jrad     15-04-2012 04:11
Incroyable, ce colonel qui a été propulsé par Ben Ali consul, puis consul général puis Ambassadeur se retourne contre son bienfaiteur. Il lui a léché les bottes comme personne d'autre ne l'a fait. Pour arriver, il a utilisé des méthodes honteuses. Il n'a pas hésité à utiliser le mensonge contre l'Ambassadeur à Alger (allah yerhamou) lui collant des accusations qui ont entrainé sa déchéance.
qu'il se taise, sinon les dossiers sont là au Ministère de l'intérieur pour le confondre. L'histoire ne pardonne pas.
 
 
+2 #15 RE: Tunisie, les révélations d’un ex-colonel sur le 7 Novembre 1987
Ecrit par Anonyme     20-04-2011 15:33
C'est étrange mais ce récit rappelle étrangement ce qui s'est passé un peu avant le mois de janvier : disparition d'armes avant la fuite de Ben Ali et une promotion éclair aussi pour un "sauveur"....
 
 
+1 #14 RE: Tunisie, les révélations d’un ex-colonel sur le 7 Novembre 1987
Ecrit par el manchou     18-04-2011 07:42
@wass : oui c'est rigolo en effet, après le bac il a eu un diplôme US ( en 6 mois ?? )
 
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