Tunisie : Nouvelle bourgeoisie….vieilles habitudes !

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Publié le Lundi 22 Décembre 2008 à 11:37

Les nouveaux riches forment la nouvelle bourgeoisie de Tunisie.Actuellement la mondialisation est sous les feux de l’actualité, il ne passe pas un jour sans qu’un colloque, article ou émission ne l’évoquent et commentent ses effets sur la société. Si les hommes jouissent aujourd’hui d’une richesse économique, c’est bien grâce à elle. Cependant, elle n’a pas prévu l’apparition d’une espèce de « pseudo-aristocratie », de « bourgeoisie moderne » pour certains et de « nouveaux riches » et « arrivistes » pour d’autres. Si on suit l’évolution de ce phénomène on remarque qu’elle est étonnante et rapide. On voit se former un nouvel esprit et de nouvelles valeurs avec un code de vie bien défini.

Avant on appartenait à un cercle fermé, on y naît, on y vit, et on y meurt, un cercle tout entier dans l’opinion et dans les mœurs. Aujourd’hui, rien n’est plus fréquent que le passage de la classe populaire à une classe supérieure. Ces classes sont toujours ouvertes aux « parvenus » qui s’y confondent ou du moins ils essayent de s’y confondre. Mais qui a su prendre les mœurs de la vraie bourgeoisie est un vrai bourgeois ? Peut-il oublier son origine ? (Mais personne ne la lui reproche). Les « parvenus » sont ceux qui sont entrés dans cette classe par leur récente fortune, par leur profession et n’y semblent pas à leur place. Ils ont discerné des caractères superficiels, mais ce qui est profond et subtil leur échappe.

Une fortune rapidement acquise inspire en premier lieu à l’homme de vivre bourgeoisement, mais son éducation d’origine s’y oppose, ses manières, ses vulgarités le trahissent, alors il fait des gaffes, des impairs et des pataquès. Et même, s’il arrive à s’adapter, sa femme n’arrivera pas à le faire. Car la difficulté primordiale de devenir vrai bourgeois est qu’on ne le devient pas tout seul, chacun de nous appartient à une famille avant d’appartenir à une classe. C’est par sa famille que le bourgeois –né est bourgeois et c’est avec elle qu’il s’agit de le devenir. Le « parvenu » doit « élever » avec soi sa femme, ses père et mère, ses frères et sœurs, il doit secouer son entourage et rompre avec certains amis ou les tenir à distance. Il doit surtout conserver ses privilèges car une fois perdus il deviendra vite ce qu’il était. Donc, il suffit de s’enrichir et d’avoir une profession pour y renter, de perdre sa fortune et sa profession pour en sortir. Le vrai bourgeois lui, même sans fortune il ne cesse d’être bourgeois. Pourquoi ?

PORTRAIT DU BORGEOIS AUTHENTIQUE
Parce que son patrimoine lui a été légué par sa famille d’origine. Parce qu’il a toujours appartenu à cette classe en vertu d’une éducation plus longue est plus soignée, d’un certain niveau de civilisation dans la vie intellectuelle et culturelle. Contrairement à ce certains croient, pour cette classe ce n’est pas la richesse matérielle qui la caractérise que l’usage qu’elle en fait. Un minimum de ressources est nécessaire pour faire vivre cette classe : il faut se vêtir, se loger, se meubler avec un certain (décorum), se nourrir convenablement et accepter de rendre certaines politesses. Le luxe de la table n’est pas sa préoccupation, elle est sobre et dépense en aliments moins que les autres (ce sont eux qui achètent les volailles chères, les raretés et les gourmandises). Mais chez ces bourgeois, le repas est mieux servi, l’hygiène de la nourriture est plus surveillée, la table dressée avec soin selon les principes de la symétrie, la nappe irréprochable, la vaisselle pas chère mais plaisante à voir. Si petit que leur appartement soit, chaque pièce y doit avoir une affectation spéciale : on ne mange pas dans la cuisine, on ne couche pas dans la salle à manger, il y a un salon tout à fait caractéristique uniquement destiné à recevoir les visiteurs et placé tout près de la porte d’entrée (comme pour éviter de les admettre dans l’intimité de la familles. Les meubles plus ou moins luxueux qui rassemblent tout ce que la famille possède de décoratifs et de plus cher : tableaux, bibliothèque, piano, candélabres etc….mais le tout a une histoire léguée de père en fils. Cette vie exige une certaine culture que ni les livres ni les maîtres ni les diplômes peuvent assurer. Et parfois derrière les portes closes du bourgeois sans fortune, on supporte patiemment la pauvreté tant qu’on la dissimule sans souffrances, sans frustrations ni humiliation. Parce qu’ils vivent de leur dignité et de leur patrimoine moral. Perdre sa dignité, c’est être prêt à toutes les bassesses, les trahisons pour sauver la face et protéger les intérêts. La dignité de l’homme n’est pas dans son importance matérielle, elle est plutôt dans la qualité avec laquelle il remplit sa fonction dans la société. Elle n’est pas dans le fait qu’il a tout pour être heureux mais plutôt dans sa façon d’assumer ce qui lui manque. C’est par la dignité qu’on impose naturellement le respect et non pas par l’argent et la peur du « qu’en-dira-t-on ». « Celui qui perd sa dignité, s’avilit »

PORTRAIT DU « NOUVEAU BOURGEOIS »
Nous entendons très souvent dire que celui là ou celle là est « bien placé », « haut placé ».Mais qu’est-ce qui fait vraiment le statut social auquel on aspire ? Selon le « parvenu » c’est la richesse matérielle qui passe en premier lieu d’où la confusion entre « les gens bien » et « les gens de biens ». Certaines personnes considérées comme « ambitieux » se trompent fréquemment de parcours. Les sauts à franchir ne relèvent pas de l’argent, du pouvoir des relations, de la profession, des titres etc.… la grande bêtise c’est d’idéaliser un mécanisme d’ascension qui comporte bien des stratégies privées de vertus ou de philanthropies. Plus bête encore la bêtise de vouloir arriver pour arriver, d’essayer de se faire reconnaître sur des bases de valeurs très contestables tel que l’argent. Si l’exercice de certaines professions, l’aisance matérielle et le bon réseau de relation demeurent un fameux tremplin pour accéder à un niveau plus haut, ces facteurs ne sont certainement pas durables. Croire que seul l’argent, le titre suffisent à l’ascension sociale serait aussi mentir à soi-même. La recherche à tout prix du statut social dit élevé ne mène en fait qu’à faire sourire ceux qui y sont depuis longtemps grâce à leur talent, leur origine, leur culture, leur équilibre et leur épanouissement personnel enraciné et transmis de père en fils.
« L’ambitieux » ou « l’arriviste » est un homme qui n’avait rien ou presque mais qui aimerait sortir de sa condition pour jouer avec un ensemble de facteurs illusoires afin de justifier l’injustifiable, mobilisant une intelligence tactique qu’il appelle « intelligence sociale », intelligence qui fait de lui souvent un esclave plutôt qu’un future maître. Celui qui est parvenu à joindre le haut de l’échelle par ces moyens là ne peut qu’en descendre, tandis que celui qui y est déjà, il y reste. « Arrivé » n’est pas arrivé matériellement, mais surtout arrivé en tant que personne humaine, en tant qu’être de cœur, le reste c’est sans importance.

L’autre jour je discutais avec un de mes ex-élèves devenu médecin et issu d’un milieu modeste, me demandant comment réussir son ascension sociale. Je lui ai répondu qu’il ne faut pas chercher artificiellement un réseau élitiste, qu’il faut être soi-même, bien réussir dans l’accomplissement de sa tache, fréquenter les lieux d’échanges ou on ne parle pas que de faits divers et de femmes, se forger un sens critique solide, vouloir concilier entre intérêt personnel et altruisme, rester simple et modeste sans pour autant être effacé, ne pas complexer de ses origines, avoir de l’ambition sans être « Ambitieux » et vouloir arriver sans être « Arriviste ». Et surtout, surtout éviter le ridicule et la FRIME…….


SIMPLE « FRIME » OU SIGNE DE DECADENCE
Aujourd’hui, on assiste à une inversion incroyable des valeurs. Il suffit de regarder un peu autour de soi. On aurait du mal à admettre que le nouveau critère social n’est ni savoir, ni valeurs, ni morale mais l’argent avec un grand « A » qui permet de « frimer ». D’accord l’homme a toujours une tendance nette vers le luxe, l’élégance et le raffinement, mais toute chose poussée à l’extrême tourne au RIDICULE. Et en croyant se distinguer des autres, le frimeur finit par être montré du doigt et désigné comme exemple de futilité caricaturale. Pour le nouveau riche, « frimer » est synonyme de distinction, pour les autres, il s’agit d’une attitude honteuse doublée d’un étalage de richesse choquant. Parfois, il a tendance à se priver de l’essentiel pour paraître. « Seul le superflu est nécessaire » Oscar Wilde. Qu’importe ! Alors ils insistent sur :

-Le « look » : vêtements signés, bijoux, montre et cravate de marque etc.… (Justement il se débrouille pour qu’on puisse voir la marque sans se soucier de la touche vulgaire que ceci engendre).

-Le « portable » qui n’est plus un symbole de frime, cependant pour faire la différence, il faut qu’il soit le dernier des dernières générations et faire en sorte que le numéro rappelle celui de la plaque d’immatriculation, avec l’option « clean » pour l’anonymat de l’appel . (Il ne sait pas encore que le COMBLE DE L’IMPOLITESSE c’est de confier son portable à sa secrétaire pour répondre à sa place !!!)

-La « voiture » ou plutôt la 4x4 devenue indispensable, et considérée comme l’élément de frime par excellence. On essaye là aussi de faire correspondre la plaque d’immatriculation avec le numéro de série….

-La « vie mondaine » : pour ce qui est de la vie culturelle, faire semblant d’être très intéressé par la lecture et les expositions (alors qu’au fond il pige rien !). Débarquer en retard aux divers dîners mondains « les gens chics se font attendre »…..Sans commentaires !!.....

Ce sont des messages que ces gens là lancent aux autres pour prouver une certaine ascension sociale, mais ils n’arrivent jamais à rattraper les autres. Cependant, et contrairement à ce que l’on croit, lorsqu’on est riche depuis des générations, on n’a pas besoin de frimer, on n’a pas besoin du « m’as-tu-vu », on devient de plus en plus discret pour justement laisser la place au frimeur qui essaye de transformer son complexe d’infériorité en complexe de supériorité. Il cache certainement une frustration quelque part, il opte pour les signes extérieurs de la richesse parce qu’il ne se sent pas toujours à la hauteur de la classe imitée. C’est à ce niveau que la frime est un signe de décadence sociale, et là, il faudrait lui jeter un regard moralisateur plutôt qu’amusé. L’absence de critique permet à cette nouvelle classe de naître et de durer. Sous la feinte supériorité et futile apparence, il y a du fragile. Le solide ne se réduit pas à la richesse ou à la puissance mais à l’éducation et aux VALEURS PERSONNELLES HERITEES. « Le vrai est plus puissant que le faux, le naturel est plus solide que le factice » E.G.

CONCLUSION
On a beau être juge, avocat, médecin, ingénieur etc ( ISSALEM EL 9RAYA…) avec l’obsession maladive de vouloir réussir à tout prix et gravir jusqu’à faire partie des sommités ; on pourra toujours s’y mêler mais jamais s’y confondre : y aura toujours quelque chose qui trahit ; un geste, un regard, un mot déplacé, un manque de « distinction » qui consiste en des nuances, des minuties, des riens DIFFICILE A IMITER et IMPOSSIBLE DE COPIER. . C’est une délicatesse et un affinement de tact qui permet à la personne d’être discernée sans hésitation et sans effort.

Plutôt qu’une crise économique, les sociétés modernes vivent une vraie pénurie de VALEURS. Aider ces gens à s’intégrer convenablement dans la société, c’est le meilleur moyen de permettre à tous et dans tous les pays du monde de bénéficier de la mondialisation.

Hager Daly

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Commentaires 

 
#21 RE: Tunisie : Nouvelle bourgeoisie….vieilles habitudes !
Ecrit par kais     28-05-2010 21:24
Madame,

Votre article est d'une grande qualité.Plein de subtilité,Il ne représente en rien une attaque personnelle d'une minorité qui avec la mondialisation découvre une richesse nouvelle.Mais plutôt un cri du coeur pour dire qu'a force de vouloir ressembler au autre on ne fait que ne plus savoir qui l'on est?

Et c'est la que commence ce que j'appelle la course a l'armement:Qui fera plus?Qui payera plus? Qui aura la plus belle voiture...

pour s'affirmer et être reconnu comme personne de qualité (ou comme vous le dites un homme bien) Il faut prendre le risque d'être soit, d'être honnête et d'éviter tout artifice et pour prendre de tels risques il faut avoir le coeur bien accroche.
Et j'ajouterais pour repondre a quelques critiques que "la naissance n'est rien ou la vertu n'est pas".En effet Le but de cet article n'est surement pas de diviser mais plutot de nous reunir autour des valeurs que nous voyons se perdre avec le temps,tel que la vertu,le travail, le patriotisme car nous avons tous perdu des membres de nos familles dans la lutte pour l'independance Bourgeois ou pas,et je ne pense pas Mr Kimo que vous vouliez dire que la vie d'un homme puisse valoir plus que la vie d'un autre,n'est ce pas?

Pour conclure je tiens a vous remercie pour cet article,je suis impatient de lire le suivant
 
 
#20 mauvaises valeurs=nouvelles habitudes?
Ecrit par aymen     25-05-2010 18:24
Dans ton articles vous vouliez prouvez que les nouveaux riches gardent leurs mauvaises habitudes comme si être issue d'une classe moyenne ou pauvre voudrait dire ne pas posséder de valeurs,mais c'est quoi Valeurs? est ce que les vrais bourgeois selon toi ont les vrais valeurs?
 
 
#19 REPONSE A KIMO
Ecrit par Hager     22-01-2009 00:44
Bonsoir Mr KIMO , je pense que ce qui est vraiment NAVRANT ( et là je reprends votre terme ) c'est votre lecture terre-terre ( ou vérticale )de cet article.
Je suis ravie que cet article (écrit y a un moi déjà) fait encore réagire des lecteurs comme vous, c'est le meilleur moyen de progresser . Bien à vous MONSIEUR .
 
 
#18
Ecrit par KIMO     21-01-2009 11:22
Que de tels propos soient tenus par un vieux nostalgique de l'ère coloniale à qui il doit fortune et "notoriété",je l'aurais volontiers compris,mais provenant d'une enseignante qui confond escrocs et gens honnetes qui ne doivent leur réussite qu'à leur seul mérite ,c'est navrant.Je rappelle à l'auteur de l'article qu'un petit tour du coté du mausolèe d'El Sejoumi lui fera beaucoup de bien.Elle y apprendra ,peut-etre, par la lecture de la liste des martyrs qui ont offert leurs vies pour qu'elle vive dans un pays libre ,que les noms des soit-disant "beldia" n'y figurent pas trop.Quant à la dénonciation des comportements vulgaires,c'est le devoir de tout un chacun,sans besoin de jeter l'anathème sur un pan quelconque de la société.Les malotrus se recrutent aussi bien dans les familles pauvres que riches.L'amalgame fait entre escrocs et honntes citoyens qui ont payé le prix fort pour mériter leur statut, est tout bonnement scandaleux.Morale de l'histoire,il est plus gratifiant de devoir sa position à son mérite qu'au hasard d'une naissance .A bon entendeur, salut!
 
 
#17 LA FRIME
Ecrit par FELTENA     25-12-2008 10:46
En parlant des arrivistes, une scène de ce matin, en me rendant à mon travail vers 7H30 au niveau de Salammbo, une voiture gris argent de marque VW qui me devançait , comme je souhaite que ce conducteur lise vos commentaires, balance par la vitre côté gauche une bouteille d'eau minérale à moitié pleine, un peu avant Le Kram il jète de son côté un paquet de cigarette (carton rouge), puis après le passage à niveau de l'Aéroport pour prendre l'autoroute de Tunis, il rebalance le papier cellophane de son nouveau paquet de cigarettes. Alors Lilou, moi aussi je dis "YA GOOR" TROIS FOIS;
 
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