Langue arabe : grandeur et décadence |
Publié le Lundi 01 Mars 2010 à 22:05 |
![]() La langue est un attribut essentiel de l’identité, de l’appartenance et de la culture. Quoique décliné en un foisonnement de dialectes, l’arabe perd de sa superbe. Malmenée par les uns, négligée par les autres, cette langue qui a fait jadis la gloire de la science et de la littérature se trouve réduite à un usage trivial, détrôné qu’elle est, par l’Anglais, l’Espagnol et le Français. La question de la compatibilité de la langue arabe avec le langage de la médecine, la science, la recherche, bref du savoir, est de plus en plus posée. Qu’est-ce qui a fait que la langue arabe, qui a contribué naguère à l’essor de l’humanité, soit confinée dans une aussi piètre posture ? De nombreuses raisons l’expliquent. Tout d’abord, la colonisation. La plupart des pays arabes ont été colonisés pendant de longues décennies. N’en déplaise à ceux qui défendent l’apport de l’occupation, celle-ci a procédé à un travail de sape visant à altérer toutes les valeurs identitaires, linguistiques, culturelles des populations autochtones. La langue de l’occupant s’est greffée sur la langue maternelle, dans une tentative d’en précipiter l’effacement. Du Maghreb au Machreq, l’arabe a perdu du terrain à la faveur du Français et de l’Anglais pour ne citer que celles-ci, proclamées par le colon, langues officielles, de l’enseignement, de l’administration, etc. L’acharnement du colonisateur d’imposer sa langue, sa culture et sa manière d’être n’avait d’égal que la ténacité et l’obstination des hérauts des mouvements de libération nationale de lui tenir tête, et de lui couper l’herbe sous les pieds. La vague des décolonisations n’aurait pas été possible, n’eût été cette résistance qui s’est développée par les mots et par les actes. Les discours de la résistance resteront gravés à jamais dans la conscience collective arabe, avec les grands symboles du nationalisme et du patriotisme arabes, qui, même s’ils ont été, au fil du temps, vidés de leur substance, gardent une résonnance indicible chez toutes ces générations de l’ère coloniale et postcoloniale. Puis est intervenue l’époque des indépendances en cascade ; les jeunes nations alors minées par la pauvreté, l’analphabétisme, et les anachronismes socio-culturels, ont vu leur destin confié aux chantres de l'émancipation nationale. La priorité était d’amorcer un retour aux sources, et de gommer les séquelles de la colonisation. Ce fut une tâche ardue à laquelle se sont attelés des jeunes leaders, alors grisés par la joie d’une fierté retrouvée. Dans de nombreux pays, dont la Tunisie, l’éducation était le fer de lance qui allait engager ces jeunes républiques sur une trajectoire de développement et de modernisation. On a tenu à garder la langue du colonisateur, alors deuxième langue, tout en donnant toute sa place à la langue maternelle, en l’occurrence, l’arabe. C’est ce qui fait que les générations des années 60 étaient de parfaits bilingues, affichant une grande aisance à parler l’Arabe et le Français. Le système d’enseignement n’a, néanmoins pas cessé, ici et là d’être revu et corrigé. A l’instar d’autres pays, la Tunisie s’est engagée dans l’arabisation de l’enseignement. Un processus qui a touché les matières scientifiques enseignées en arabe à l’école et au collège, et en français au lycée. Ce qui a fait perdre leurs repères aux élèves et aux enseignants. Il en va de même pour l’administration dont la langue officielle est l’arabe (correspondances, circulaires, etc.), mais dont les rapports au quotidien se font plutôt en français. La société elle, n’est qu’un prolongement de cette dualité, avec le règne du franco-arabe fondu dans un mélange souvent incongru. Cette ambivalence est source de tiraillements dans la plupart des sociétés arabes. Enfantant une multitude de dialectes, l’arabe littéraire connait paradoxalement une stagnation manifeste, à l’image du marasme de ses sociétés d’adoption. Alors que les productions littéraires, scientifiques et culturelles anglo-saxonnes et francophones déferlent, l’arabe n’a de liens avec les différentes sphères du savoir que par le truchement des livres jaunis qui ornent les bibliothèques et les archives nationales. Que ce 1er mars soit proclamé, pour la première fois, par l'Organisation arabe pour l'éducation, la culture et les sciences (ALECSO) journée de langue arabe, est une bonne initiative. Encore faut-il qu’elle parvienne à secouer les consciences et à réconcilier les Arabes avec l’Arabe. Réconciliation ne signifie pas chauvinisme ni enfermement, et n’exclut pas l’ouverture impérative, dans un contexte de transnationalisme triomphant, sur les autres langues. Elle signifie attachement, valorisation et promotion d’une langue dont la richesse et la beauté sont intarissables, et dont la capacité d’épouser les sciences et les techniques est incontestable, pour peu que les siens veuillent la sauver d’une déliquescence programmée. H.J.
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Commentaires
Ecrit par Dédé 09-03-2010 21:38
Excellente continuation !
Ecrit par obServateur-TN 05-03-2010 09:34
Ecrit par Dédé 04-03-2010 23:18
Ecrit par Ben Whirlpool 04-03-2010 21:42
Ecrit par Dédé 04-03-2010 08:17
C'est vraiment super et "sans plomb".
Nous avançons, j'en suis convaincu.
Nous allons mettre un moteur turbo tout neuf là où il est nécessaire pour que nous décollions pour de bon.
Notre pays mérite bien ça et plus.
Rassemlons-nous pour la Tunisie.