Les accros du net, « dis, tu as MSN ? »

Et contrairement à ce que s’imaginent certains, « le tchat » n’est plus une affaire de jeunes adolescents en manque de communication, c’est aussi devenu une affaire de « grands ». De plus en plus d’adultes s’y mettent assidument. Même les parents qui étaient à une époque, excédés par le comportement d’une progéniture collée constamment au moniteur de l’ordinateur, se sont fais prendre dans les filets des messages clignotants et des webcams. Il faut, toutefois, rendre à César ce qui lui revient de droit. Il est évident que la messagerie instantanée peut porter préjudice aux études des jeunes mal encadrés, mais elle permet aussi de rapprocher les distances et d’alléger les factures de téléphone. M, est mère de famille de 58 ans, son fils travaille en France et tous les soirs en rentrant du travail a pris l’habitude depuis quelques mois de se connecter sur la messagerie instantanée pour lui parler. « Au début, cela me paraissait très compliqué d’apprendre à manier le logiciel, mais maintenant, c’est devenu un jeu d’enfants. D’ailleurs, je suis la seule à la maison à être devenue aussi accro à Internet, ma fille ne se connecte presque jamais, puisque je monopolise l’ordinateur » confie-t-elle, enjouée. Evidemment ce qui s’arrêtait à un ou deux coups de fils furtifs par semaine, pour avoir des nouvelles du fils, est devenu des conversations qui s’étalaient sur des heures où l’on passe au crible toutes les activités de la journée, le menu du diner et autres petits détails impensables à l’époque du seul téléphone.

C’est aussi le cas pour Nadia, une quadragénaire vivant en France et maman de trois grands enfants. Le seul moyen pour elle de communiquer avec sa famille est le « Saint MSN » comme elle se plait à l’appeler. Tous les soirs, elle s’installe avec ses filles devant l’écran et prend des nouvelles de ses neveux, de ses sœurs et de sa mère qui sont en Tunisie. « C’est fabuleux, je trouve ça extraordinaire de pouvoir se voir et de se parler. Je m’en lasse pas et c’est devenu indispensable pour avoir des nouvelles », explique-t-elle. Et son budget communication s’en trouve allégé, ce qui ne gâche rien. Les mères de famille arrivant en masse sur Internet au point de faire râler leurs adolescents dont les ordinateurs se trouvent monopolisés, ne sont pas les seules. On retrouve également les jeunes trentenaires célibataires qui en font un moyen de communication intensif.

Sami a trente ans, célibataire et poursuit des études en médecine. A la question pourquoi tchtches-tu, il répond : « Honnêtement, c’est pour connaître des filles. Généralement, je fais leur connaissance sur les réseaux sociaux et je termine la conversation sur Msn ou Skype. Ça me permet d’accélérer les choses et de savoir au plus vite si la fille me convient ou pas. C’est plus rapide que faire connaissance dans la rue, ce qui nécessiterait beaucoup plus de temps et beaucoup plus de moyens ». Il a au moins le mérite d’être clair. Fini le temps où il fallait sortir, inviter, surprendre et attendre un temps interminable jusqu’à ce que la demoiselle veuille bien accepter le garçon dans sa vie. Tout se fait à la vitesse Grand V. En deux clics trois mouvements, les amitiés se nouent et se dénouent, les amours se forment et se défont et chacun y trouve son compte. Houssem, un cadre de 32 ans passe le plus clair de son temps connecté à sa messagerie instantanée. « C’est pour tromper la solitude », dit-il. En effet, vivant seul et travaillant beaucoup, il ne trouve plus le temps de faire de nouvelles rencontres, sauf sur Internet. Il avoue aussi qu’il est plus facile de connaitre des choses sur la personne, par écran interposé qu’entre quatre yeux.

Effectivement, il semblerait qu’Internet désinhibe et permet aux uns et aux autres de lâcher les détails qu’on n’oserait dévoiler en vrai par pudeur ou par peur de décevoir. Les célibataires à l’affut d’une conversation en aparté sont légion, même si les intentions ne sont pas toujours innocentes, il reste que le contact est plus facile et que l’information circule plus vite sur Internet. Houssem avoue avoir de plus en plus de mal à aborder une jeune femme dans un endroit public, alors qu’il est plus aisé d’en rencontrer des dizaines par jour sur Internet et de pouvoir briser la glace rapidement. Samia qui est fraichement mariée le confirme : « j’ai rencontré mon mari sur un forum de tchatche et nous avons passé 2 mois à discuter sur Skype. C’est alors qu’on s’est découvert beaucoup de points en commun, et qu’on a décidé de se voir en vrai. Décision que je ne regrette pas ». Mais conseillerais-tu aux jeunes d’en faire autant pour connaitre quelqu’un ? « Oui et non. Oui, parce que tu peux à tout moment de la journée rentrer en contact avec la personne et donc la connaitre davantage, même si tu es loin. Et non, parce qu’il arrive que les gens soient complètement différents de ce qu’ils laissent apparaitre sur une fenêtre MSN. Et il y a eu pas mal de déceptions dans mon entourage. Je conseille toutefois aux plus jeunes d’être très vigilants ». Maintenant que c’est dit, il faut en tirer le meilleur parti.