Marché de l’informatique : Un marasme ambiant

Le marché de l’informatique grand public en Tunisie vit ces derniers temps une période creuse qui laisse les professionnels assez perplexes.

Du grand distributeur à la petite structure du coin, personne n’a été épargné. Tout le monde se plaint et on n’entend parler que de ceux qui ont mis la clef sous le paillasson.

Nous avons essayé de récolter quelques témoignages qui vont du grossiste au grand revendeur jusqu’au consommateur en passant par un petit magasin que certains ont qualifié de structure sauvage.

Tarek Sfaxi, gérant d’une société spécialisée dans la vente de matériel informatique, les réseaux et les solutions informatiques, nous a confié qu’il était dans le domaine depuis 22 ans et que le seul constat qu’il pourrait faire est que « le marché de l’informatique est mort ». Et d’ajouter : « La concurrence est devenue tellement rude, le marché n’est plus rentable. Je suis parfois obligé de vendre à perte pour pouvoir garder mes clients ». Il ne cache pas cependant qu’il est en train de chercher un autre domaine d’activité « on ne gagne plus notre vie avec l’informatique, on ne peut plus entretenir une famille, les solutions de rechange ne sont pas nombreuses mais j’y réfléchis sérieusement ».

S.C, Directeur Commercial chez un grand grossiste réputé de matériels de grandes marques reconnaît aussi que « la situation est très critique ». Il admet que ceux qui vont survivre sont ceux qui ont de l’argent et une capacité à alimenter le stock. Les craintes majeures sont dirigées vers les structures sauvages, il estime que c’est de plus en plus dur de commercialiser un produit qui ne soit pas déjà existant sur le marché parallèle. Un marché qui n’est alimenté par les circuits conventionnels, soit par une acquisition directe chez des distributeurs étrangers soit sur un circuit parallèle en Tunisie.
Il ne cache pas aussi ses craintes par rapport à la baisse du chiffre généré par ses revendeurs tout en insistant sur les limitations qui leur ont été imposées pour ce qui est de la vente aux clients à risques.

« En vue de combler ce trou engendré dans le chiffre d’affaires, les autres grossistes et distributeurs contournent le circuit de distribution en créant des structures pour faire parvenir leurs produits au client final », soutient-il.
Et de poursuivre : Le recours à la grande distribution est le seul moyen pour le grossiste de pouvoir respirer, car elle allie à la fois chiffre, solvabilité et sécurité sans oublier son assise financière qui lui permet de promouvoir le produit.

En essayant de pousser l’analyse, S.C pense que la conjoncture internationale est derrière tout cela : « les grandes marques n’ont pas de stratégies commerciales, elles essayent de vendre sans pour autant chercher à protéger les structures de distribution ».

Sami, gérant d’une société de services et de vente de matériel informatique, nous dit qu’il venait de déménager les locaux de sa société chez lui et ce pour des raisons financières. Il est impossible, selon lui, de survivre dans les conditions actuelles. Il dénonce le recours de certaines grandes boites à des structures de distribution. Smart détient Prologic, MIPS détient Scoop, Media Diffusion détient ‘Tout bureau’, BITS et MIS détiennent aussi des points de vente affiliés. Tous ces circuits font que le revendeur se retrouve incapable d’entretenir sa structure.

Meriem, cadre technico-commercial au sein de la même société, résume la situation en un mot « On subit ». Elle s’explique : « Le marché n’est plus le même, le matériel ne fait plus vivre et pour pouvoir survivre il faut trouver d’autres produits à vendre ». Leur société s’oriente de plus en plus vers le logiciel.

Warda, commerciale chez un intégrateur de systèmes tunisien, a constaté que les chiffres générés sont en nette baisse. Bien que le nombre de revendeurs ait grandi d’une manière considérable, le chiffre est en baisse, et les gens achètent plus des pièces mais plutôt que des ordinateurs. Elle estime que le budget du tunisien a été largement amputé à cause de la cherté de la vie et que le souci majeur reste celui de s’alimenter.

Pour ce qui est du consommateur, la situation devient plutôt un rapport de prix et de disponibilité, l’achat de grand matériel se fait généralement soit chez les circuits de grande distribution (Géant et Carrefour) soit chez les grands magasins dédiés (Scoop, Tout Bureau, Infolog, Prologic) qui fournissent les meilleurs prix et un service plus ou moins meilleur.

Imen Braham, étudiante, avoue acheter chez carrefour, les prix y sont moins chers, « les revendeurs spécialisés sont trop chers et n'arrivent pas à rivaliser avec les grandes surfaces surtout pour le petit matériel (cartes de mémoire, flash-discs, webcam, même scoop offrait des prix supérieurs »

Mourad, jeune cadre, et amateur de produits Apple, nous a dit qu’il achetait son matériel à l’étranger, au moins il était sûr de pouvoir trouver ce qu’il voulait. « Les prix des Mac sont faramineux en Tunisie » « pour ce qui est des petits périphériques, je vais dans les boutiques du centre ville, pas loin de mon boulot, question de proximité, car les prix sont plus ou moins les mêmes et ils restent plutôt raisonnables».

Les avis concordent en quelques sortes, le grand gagnant selon les témoignages de tout le circuit de distribution reste le consommateur, mais selon ce dernier, les priorités sont en train de changer. L’informatique n’est plus un souci majeur. Le pain ou la souris ? Quel avenir pour le commerce de l’informatique dans notre pays ?