Tunisie, il faut rompre avec les symboles de l’ancien régime |
Publié le Dimanche 23 Janvier 2011 à 17:10 |
Comment se porte l’économie tunisienne. Jusqu’à quelle mesure, a-t-elle été touchée par les derniers événements ? Si je réponds à votre question, il m’appartient d’affirmer que la situation économique du pays n’est pas alarmante. Ce ne sont pas les quelques dégâts matériels subis au niveau de certains locaux administratifs (postes de police, locaux du RCD, etc.), symboles de l’arme de guerre de l’ancien régime, contre les citoyens qui vont déstabiliser le pays. Les attaques menées par certaines parties ayant personnellement et profondément souffert des abus de l’ancienne dictature demeurent notoirement insignifiantes, et ce comparativement aux pillages orchestrés par la famille de Ben Ali avant le 17 décembre 2010 (date où Mohamed Bouazizi) s’est immolé par le feu) et par les milices du parti et de la garde présidentielle après la chute du régime. Il faut cesser de faire peur aux citoyens, aux investisseurs et au large public. Notre pays n’a pas vécu une guerre civile, les coups de feu contre la population provenaient d’une bande de policiers qui exerçaient sous l’autorité du régime. Le ministre de l’Intérieur a chiffré les dégâts à 3 milliards de dinars ? Je ne pense pas qu’il y ait des statistiques fiables vérifiables et auditables sur l’ampleur des dégâts. De part ma formation d’auditeur, je n’accepte aucune donnée chiffrée qu’après un inventaire exhaustif et certifié par des personnes indépendantes et compétentes. Certains voient dans les manifestations qui ont tendance à se multiplier ces derniers jours, un risque d’instabilité ? La Tunisie doit apprendre dorénavant à cohabiter avec les manifestations dans la rue « signe positif d’une démocratie naissante », et les grèves initialement annoncées et initiées par les syndicats. On peut valablement travailler toute la journée et librement manifester son désaccord avec le gouvernement, en dehors des horaires de travail. A mon avis, sans ces manifestations, on aurait volé tous les attributs d’une révolution populaire et spontanée. Une stabilité orchestrée par le parti au pouvoir et posant une démarche policière est certainement non génératrice de croissance et encore moins de visibilité pour l’avenir. La corruption observée dans l’économie tunisienne ces dernières années s’est traduite, selon les estimations des instances financières mondiales, par un manque à gagner en termes de croissance de 2 à 3 points. Alors que la démocratie est un véritable accélérateur de développement et la meilleure attractivité durable des Investissements directs étrangers (IDE). Quels sont les mécanismes à mettre en place pour préserver notre économie de la corruption qui l’a carrément gangrénée ? Oui absolument, la corruption est un fléau mondial dont la Tunisie ne saurait s’exonérer sans une vigilance et une fermeté de la part des contrôleurs de tous bords. Ces derniers gagnent à être à la fois indépendants, protégés et bien rémunérés. Leurs activités devraient faire l’objet d’actions d’audit indépendant, inopiné, et professionnel. Les sanctions doivent être exemplaires, tout en s’appuyant sur un concept d’universalité : pas de personnes protégées, pas d’organes exclus, et pas d’activités privilégiées. Cette approche de la question est de nature à donner à la Tunisie l’image d’un pays parfaitement transparent, eu égard aux usages communément admis de part le monde. Cette mesure et tant d’autres sont des conditions fondamentales pour tout développement économique dans un marché global. Sans l’instauration de règles d’éthique, il n’y aura ni bonne gouvernance, ni gestion des risques, ni rentabilité, ni création de valeurs durables pour le large public. La confiance des opérateurs tunisiens et étrangers dans le marché passe inévitablement par l’observation religieuse de ces préoccupations d’éthique. Qu’il y ait crise ou pas, chômage ou pas, le strict respect des règles d’éthique est le garant du développement économique, social, sociétal d’un peuple, d’un pays ou d’une région. Quelles sont les mesures urgentes à mettre en place pour amorcer la reprise de l’économie ? Il faut commencer par auditer les indicateurs du passé. Au cours de ces dernières années, la Tunisie a séduit les organismes de scoring, dont les agences de notation, en masquant la réalité. Exemple : on na toujours parlé d’un système bancaire performant. On a tout simplement pris des dispositions qui sont d’apparence cohérentes avec les conventions internationales telles que les normes de Bâle II et autres, on était considéré comme le bon élève des places financières, des bailleurs de fonds tels que le FMI et la Banque mondiale. On a adopté des textes contre le blanchiment, la corruption, un code de l’enfance…de manière à ce que l’on soit perçu d’une manière positive par rapport à la grille de scoring et de notation. Le bilan des banques ne reflète pas la réalité des créances douteuses. En manipulant les comptes avec la bénédiction de la BCT, on orchestrait une fausse note positive sur le système bancaire tunisien. C’est ce qu’a fait l’UIB. Lorsque la Société Générale est arrivée, elle a dégagé la première année des déficits, on lui a forcé la main pour ne pas les rendre publics. Les banques étrangères en Tunisie étaient obligées d’appliquer les normes locales, et non les normes internationales pour embellir l’image et pour que nous soyons bien perçus par les évaluateurs extérieurs. C’est valable pour tous les domaines, tout était masqué. Or, si on avait épousé les bonnes pratiques de gouvernance politiques et économiques, et les standards de transparence, on aurait implémenté une croissance performante. Nos partenaires européens avaient un problème politico-économique ; car ils voulaient un pays anti-islamiste et stable au détriment de la démocratie. On acceptait un gouvernement dictatorial et corrompu, rempart contre l’islamisme. Qu’en est-il des actions urgentes à mener pour remettre l’économie en marche ? S’il y a un problème, il faut comptabiliser à partir du 14 janvier, avec des vrais chiffres. On n’est pas dans une situation catastrophique. Il y a certains alliés du système Ben Ali qui veulent faire peur aux Tunisiens, et mettre en doute la légitimité de cette révolution. Reste qu’il y a des entités qui ont été agressées, et l’ont été généralement par les milices qui ont tout brûlé, et qu’il faudrait faire redémarrer. Ces entités appartiennent aux familles de façon ou d’une autre, et on ne va pas s'apitoyer sur leur sort. Je demande, néanmoins, à l’Etat de confisquer les anciens biens de la famille et de commencer à les administrer quitte à investir, via les banques, le 26/26, pour les remettre en marche. Tous les biens doivent être repris et gérés par l’Etat, qui doit assumer toutes ses responsabilités en payant les salaires..Pour les autres entités qui ont été brûlées et agressées, les entreprises doivent assumer leurs obligations et responsabilités, le groupe Mabrouk propriétaire de Géant a annoncé qu’il va payer les salaires. Pour les petites affaires, TPE (très petites entreprises) qui ont été malmenées, il faudrait que la banque de solidarité ou la banque PME/PMI fournissent des lignes de crédit pour faire redémarrer ces entreprises. S’agissant des ouvriers, travailleurs de chantiers, je propose à l’Etat, à travers le fonds 26/26, de leur offrir une indemnité exceptionnelle l’équivalent du salaire du mois de janvier. Je propose aussi de lancer des fonds de collecte à gérer localement en vue du redémarrage des activités utilitaires dans les régions comme la poste, et encourager les formes de solidarité locale. Cela suppose des pré-requis dont la formation d’un gouvernement de salut national composé d’un nombre réduit, de 10 personnalités indépendantes, présidé par exemple par Mustapha Kamel Nabli, connu pour son intégrité, sa compétence et son rayonnement international. Vous pensez que le politique et l’économique sont intimement liés ? On ne pourra jamais parler de bonne gouvernance économique, sans une bonne gouvernance politique et ce, par des actions à lancer immédiatement. Il y a un problème profond de méfiance entre le peuple et les gouvernants actuels du gouvernement d’union nationale pour l’appartenance à l’ère de Ben Ali. Mais une rupture totale avec le passé ne risque-t-elle pas de créer un vide dans les instances du pouvoir, dans la mesure où on va confier le pouvoir à des gens qui s’en sont écartés depuis des années ? Ma conviction est que les ministres les plus puissants au monde, ce ne sont pas eux qui gouvernent les rouages importants dans les départements : enseignement, commerce, tourisme, économie, transport, santé, etc. Un ministre ne gère aucunement les constantes opérationnelles, exécutives, etc., il pilote les grandes orientations stratégiques et il montre le cap. Je vais être plus précis, est-ce que le ministre de l’Intérieur maîtrise mieux les rouages de la police qu’un ministre indépendant accepté par la population. Indépendamment de son intégrité et de ses compétences intrinsèques, est-ce que Monsieur Ridha Chalghoum, ministre des Finances, peut être perçu par le peuple comme une personnalité totalement distancée par rapport au système de pillage à grande échelle et à ciel ouvert usité par la famille royale. Il ne s’agit pas d’une question d’intégrité, ou de compétence. Nous vivons un moment où l’émotionnel prime. Nous avons besoin d’une véritable approche de gestion du changement. Il faut rétablir l’ordre et la confiance au niveau du peuple, rompre définitivement avec les symboles de l’ancien régime, assurer une gestion de transition sans douleur, lancer des signaux quant à la maîtrise des pays à nos partenaires étrangers. Il faut se donner des moyens pour favoriser une instauration efficiente de toutes les commissions techniques annoncées par le Premier ministre. Il faut de nouvelles personnes : les avantages d’intégrer des personnes ô combien connues comme indépendantes permet de stabiliser la rue et de créer des conditions de sérénité dans le pays. Cela est de nature à favoriser une mainmise sur les dispositifs administratifs de l’Etat : archives, documents et toutes les traces, faire l’inventaire des actifs, cela est un pré-requis pour mener des actions-pompiers. Il faut mettre en place les conditions de construction de la nouvelle République, assurer la transition démocratique, asseoir un Etat de droit et des institutions, une justice libre, ce qui est de nature à rassurer les investisseurs étrangers et locaux. Il n’y aura pas une gouvernance économique performante, sans une gouvernance politique transparente et démocratique. Il faudrait de l’apaisement via le choix des dirigeants et les modes modernes de communication. Il faudrait se tourner vers la jeunesse, qui est parfaitement méconnue par nos décideurs à tous les niveaux. Par ailleurs, il faut procéder à un changement significatif dans le dispositif de gouvernance, dans le profil des gouvernants dans le but de favoriser une parfaite communication verticale et transversale indispensable. Il faut aussi donner à la presse publique : TV, journaux, un coup de jeune en réconciliant les citoyens avec les médias locaux. La politique et ses mécanismes doivent être au service du citoyen et du contribuable. Les politiques sont comptables du résultat de leurs activités économiques et sociales dans la transparence totale. Propos recueillis par H.J. |
Commentaires
Ecrit par Sallou7 26-01-2011 18:56
Ecrit par Sallou7 26-01-2011 18:56
Ecrit par Sallou7 26-01-2011 18:48
Ecrit par leilag 26-01-2011 18:20
Ecrit par mok 26-01-2011 13:27
Oubliez un peut votre egouisme et penser aux ouvriers qui ne trouvent pas à manger.
Laissez le gouvernement de transition travailler pourque la situation revienne à la normal, et puis chaqu'un dira son mot pendant les elections et choisir librement ses representants et le president de la republique.
si nous contunions à suivre ce chemin, les militaires prendront le pouvoir et tout le monde regrettera.
regardez par exemple le secteur de l'Hotellerie . tous les Hotels sont fermés.C'est la catastrophe totale. que deviennent les employés? encore des chomeurs! Il faut que Mr Jrad les paye!!!
La prochaine revolution sera contra l'UGTT.
Les experts doivent avoir des données reélles pour pouvoir commenter une situation economique par secteur et nous donner un resultat fiable.