Tunisie : La CGTT rompt avec le syndicalisme unitaire et centralisé

Publié le Dimanche 13 Février 2011 à 21:09
Habib Guiza.A peine créée, la Confédération Générale Tunisienne du Travail (CGTT) connait déjà des milliers d’adhérents de différents secteurs et de différentes régions. La CGTT propose  un nouveau contrat social, souligne dans un entretien avec Gnet, Habib Guiza, son coordinateur, affirmant que "l’époque d’une organisation syndicale unitaire excessivement centralisée est révolue". Le coordinateur de la nouvelle confédération syndicale dénonce "les surenchères de la direction générale de l’UGTT" qui s’autoproclame comme "guide de la révolution".  

Parlez-nous de la genèse de la CGTT ?

La CGTT s’inscrit dans l’expérience historique du mouvement syndical tunisien. Elle est née et s’est développée selon une approche de pluralisme syndical qui s’est poursuivie  de 1924 à 1956. Depuis 1956, c’était le régime autoritaire, le parti unique, et le syndicat unique. La CGTT est la première organisation syndicale nationale, créée par Mohamed Ali Hammi, le 3 décembre 1924, et reconstituée en 1937 avec Belgacem Gnaoui. Aujourd’hui, il s’agit de faire revivre, d’actualiser et de moderniser la première organisation syndicale de  Hammi. Dans le droit fil de cette portée historique significative, la CGTT aura son premier congrès le 3 décembre 2011.

Notre première motivation , et il s’agit là d’un principe fondamental, consiste dans le droit des travailleurs d’adhérer au syndicat de leur choix, conformément à l’article 8 de la constitution, aux articles 242, 250 et 250 du code du travail tunisien,  et des conventions internationales  N°87 et 98 du bureau international du travail (BIT).  Le droit syndical fait partie des libertés publiques, à l’instar de la liberté d’expression, d’association, d’organisation,  etc. Ce droit syndical doit être l’émanation de la volonté des travailleurs et s’inscrire dans leur dynamique autonome, sans ingérence ni des partis politiques, ni du gouvernement.

Lors du congrès de Sousse de 1989, l’UGTT a été récupérée par Ben Ali. Des syndicalistes tunisiens s’en sont démarqués. Ils ont fait des tentatives pour un autre projet syndical à même de rectifier les déviations. En 2000, il y a eu la plateforme syndicale de la réhabilitation de l’UGTT.  Le 3 décembre 2006, 500 syndicalistes se sont réunis autour d’une plateforme en vue de la constitution d’une nouvelle organisation syndicale tunisienne, en l’occurrence la CGTT. Mais, la direction de l’UGTT et le gouvernement se sont ligués contre le courant syndical libre et progressiste ; nous avons déposé une plainte auprès du BIT en octobre 2008, contre  la violation des droits syndicaux en Tunisie.

Comment se positionne la CGTT par rapport à l’UGTT. Est-ce dans une approche de concurrence, ou de complémentarité ?

La CGTT est l’émergence des 20 années glorieuses de l’UGTT, celles du mouvement militant, dont le 26 Janvier. Elle comprend deux composantes. La composante des syndicalistes qui ont une expérience au sein de l’UGTT, et celles des Jeunes qui n’adhèrent pas au modèle syndical de l’UGTT des années 1990. La CGTT est une confédération syndicale moderne, démocratique et efficace. On ne veut pas une organisation parallèle à l’UGTT, mais une organisation autre avec des objectifs autres. L’époque d’une organisation syndicale unitaire excessivement centralisée est révolue. Actuellement, c’est l’ère de la démocratie, de la diversité et du pluralisme syndical avec une plateforme commune, qui offre une force et un plus aux travailleurs. La révolution a rompu avec le système autoritaire dans ses deux phases, la phase autoritaire civile et éclairée de Bourguiba, 56-87 et la phase autoritaire policière et mafieuse de Ben Ali.

En quoi consiste ce projet syndical autre, et quels sont vos principaux objectifs ?

Notre premier objectif, est que nous avons une stratégie revendicative basée sur les études réalisées par l’association Mohamed Ali pour la culture ouvrière, qui seront actualisées. Nous demandons des réformes du système de rémunération, du système de dialogue social, de la protection sociale, du marché du travail, pour la fin de la précarité, en vue d’un emploi décent. Notre stratégie revendicative sera basée sur des études qui prennent en considération les mutations qui ont affecté le monde du travail en Tunisie, et ailleurs. Nous défendons les acquis de la Tunisie, les acquis de la femme, l’Etat de droit, la séparation des pouvoirs, les libertés, une économie prospère, l’égalité hommes/femmes, l’emploi décent et de qualité pour les jeunes, etc.

Parlez-nous de vos futurs rapports avec  l’entreprise et le patronat ?

La confédération générale  tunisienne du travail (CGTT)  sera un partenaire dans la transformation sociale. Elle ne marginalise pas l’entreprise, comme l’a fait l’UGTT. L’entreprise est au cœur de ses préoccupations. Nous proposons un nouveau contrat social, qui fixe les droits et les devoirs des travailleurs. Nous voulons une entreprise compétitive, car une entreprise précaire ne peut produire que de l’emploi précaire. La compétitivité et la mise à niveau du système productif constituent  pour nous un enjeu majeur. Actuellement, il n’existe pas de vrai dialogue social. Les entreprises doivent arrêter  d’user de la langue de bois, et amorcer une dynamique interne. Nous prônons des relations responsables avec l’entreprise en vue de parvenir à un compromis social. C’est vrai que nous n’avons pas les mêmes intérêts avec l’entreprise, c’est vrai que nous avons des divergences et des conflits d’intérêts, mais nous préconisons une approche civilisée en matière de règlement de ces conflits. Nous souhaitons des entreprises modernes qui rompent avec l’esprit rentier et familial. Nous voulons une mise à niveau de l’intérieur des entreprises, car la mise à niveau menée jusque-là est bureaucratique et artificielle.

En quoi vous serez différents de l’UGTT en matière d’organisation, et d’approche ?

La CGTT est une organisation démocratique, une confédération basée sur le principe de fédérations,  et où celles-ci auront de larges prérogatives, contrairement à l’UGTT qui est basée sur un centralisme excessif. A la CGTT, les organes de direction seront sous contrôle, c’est le congrès qui élit une commission administrative, qui elle-même élit un bureau exécutif. Or, dans le cas de l’actuelle centrale syndicale, c’est l’UGTT qui élit le bureau exécutif.

Habib Guiza, coordinateur de la CGTT.Comment a été accueillie l’idée de  création de la CGTT, tant par les travailleurs, que par l’UGTT ?

La CGTT a été très bien accueillie. Nous en sommes actuellement à des milliers d’adhérents. Nous sommes, nous-mêmes, surpris.  Les travailleurs en ont assez de l’UGTT et cherchent des choses nouvelles. Nous avons des demandes de différents secteurs : Tunisie Télécom, transport (Tunisair, SNTRI…)  groupe chimique,  médecins, ingénieurs, et de différentes régions : Sousse, Jendouba, Sfax, Gafsa, Béjà, le Kef, etc.
La CGTT sera constituée en majorité de femmes, jeunes et cadres, les jeunes de moins de 40 ans y constitueront les 2/3 des adhérents. Notre rôle ne se limitera pas à la fonction publique, mais aux secteurs publics prometteurs, et aux secteurs privés novateurs, comme le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de l’informatique, etc.

Et maintenant l’UGTT, pensez-vous qu’elle va vous accepter facilement ?

Ils n’ont pas le choix. L’UGTT ne représente que 10% des travailleurs, il y a 90 % des travailleurs qui ne sont pas syndiqués, donc il y a de la place pour deux ou même trois organisations syndicales. Nous à la CGTT, nous n’allons pas adopter le modèle français, où les syndicats sont liés aux partis politiques, mais le système espagnol, belge, scandinave,  c'est-à-dire que nous prônons l’unité d’action d’organisations différentes, étant nous-mêmes des anciens militants de l’UGTT, nous sommes  fiers de notre expérience.

Comment jugez-vous le rôle joué par l’UGTT lors de la révolution, et de cette période transitoire ?

La direction de l’UGTT fait de la surenchère, elle qui a travaillé avec le pouvoir et Ben Ali s’autoproclame aujourd’hui comme guide de la révolution. Autant nous saluons le rôle des syndicalistes de l’UGTT dans leur rôle joué pendant la révolution, autant nous dénonçons la surenchère de l’UGTT, notamment de sa direction générale, celle qui donne son avis sur la nomination des ministres et des gouverneurs. Le syndicat est un contre-pouvoir. Il a  un rôle politique à jouer, mais ne doit pas faire de  la politique politicienne.

La CGTT a-t-elle été légalisée ?

Notre démarrage effectif a eu lieu le 1er février 2011, lorsque nous avons tenu une conférence de presse annonçant la création de la CGTT. Nous n’avons pas besoin de légalisation, à l’instar des partis politiques.

Qui préside aux destinées de la CGTT, et quelle sera la prochaine étape de votre action ?

Nous avons un comité constitutif composé de six membres : Habib Guiza, Sonia Jaouadi, Mohamed Chakroun, Naceur Rdissi, Jamel Mkadmi et Lamia Ben Naceur. La CGTT tiendra son premier congrès le  3  décembre 2011. Entretemps, nous sommes en train de constituer les fédérations, de préparer notre programme d’action. Nous organiserons une rencontre syndicale dans deux semaines à Tunis pour une présentation de la CGTT, de sa stratégie et de ses missions.

Le rôle de la CGTT, outre l’aspect revendicatif, consiste dans  l’engagement pour la réussite de la révolution tunisienne, notamment la transition démocratique, et l’insertion professionnelle des jeunes, la lutte contre le chômage… Nous sommes en train de définir la conception de la transition démocratique, ses mécanismes, les actions à entreprendre. Nous nous positionnons dans le rang des forces démocratiques, progressistes et civiles, et notre slogan est solidarité, justice et modernité.

Propos recueillis par H.J.

 

Commentaires 

 
#21 pour etre membre
Ecrit par anissina     06-05-2011 01:30
slt à tous;
tout personne veut adherer à la CGTT peut contacter :
- Mr ANIS HOUIMLI:tél 98621710
- Mr NASREDDINE BOUZERAA:tél 20858834
ou par mail:

cordialement
 
 
#20 C.G.T.T.
Ecrit par Ayman     19-03-2011 09:56
Comment peut-on adhérer à la C.G.T.T.?
 
 
#19 UGTT colorée
Ecrit par chana     17-03-2011 23:47
il est temps de rompre avec un syndicat UGTT qui n'a jamais défendu les interets il s'est placé au premier rang aprés la révolution du 14 janv,pour camoufler ses anciennes methodes de dérapage et agissement contre l'interet des salariés;ce sont des arrivistes et profiteurs
 
 
#18 RE: Tunisie : La CGTT rompt avec le syndicalisme unitaire et centralisé
Ecrit par mounirguellaty     16-02-2011 22:00
Comment peut-on adhérer à la C.G.T.T.?
 
 
#17 @ no-pseodo
Ecrit par Tounsi2     15-02-2011 20:03
C la première fois depuis le 14 janvier que je vois un Soit "masochiste" Soit "un ancien profiteur" réclamer le retour du dictateur traître et voleur de la nation!
Tu préconises le retour de Ben Aii "casser toute cette merde et remettre le pays au travail".Pour qui on travaillait avant? Pour notre drapeau Tunisien? Non!On travaillait tous comme des esclaves, sous la menace, pour les clans Ben Ali et Trabelsi. Tu m'étonne Mr no-pseodo!!!Et je prie la GNET de censurer définitivement ce genre de commentaires, faute de quoi je quitte définitivement ce forum! Lê 3ain tra lê 9alb youja3!
 
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