Tunisie : Le code du statut personnel, 53ans après

Publié le Jeudi 13 Août 2009 à 02:20

Habib BourguibaEn 1956, Bourguiba a gratifié la femme tunisienne du code du statut personnel, celui qui allait la propulser sur une trajectoire moderniste. Un code révolutionnaire qui a battu en brèche les fondements d’une société, alors patriarcale et archaïque.

Décrié par les conservateurs et glorifié par les progressistes de cette Tunisie post coloniale, le CSP ne cesse de révéler au fil des années sa vocation libératrice pour la femme et la société. Même si le hiatus sépare encore le texte du contexte, la législation, de la pratique, le code du statut personnel demeure, s’enorgueillissent-elles en chœur, un acquis indéniable. Ce sont des femmes, d’horizons divers, qui ont daigné nous livrer leurs réflexions sur le CSP. Les lectures qu’elles en font sont diverses et ô combien enrichissantes. Chacune reconnait, ne serait-ce qu’implicitement, qu’elle doit son statut actuel de responsable politique, d’enseignante, de femme de médias et de communication, au CSP. Leurs propos dégagent une force tranquille, celles de battantes fières mais jamais satisfaites. Toutes se vantent de l’apport du CSP, sans manquer de signaler les insuffisances qui méritent plus d’efforts pour être comblées. Sans perdre de vue aussi, celles qui sont au fin fond de la société… les oubliées du code, a-t-on tendance de les qualifier. Habiba Mejri Cheikh, Emna Soula, Zakia Azek, Hamida El bour et Nadia Ayadi, des Tunisiennes qui brillent au pays ou ailleurs, analysent, exclusivement pour nos lecteurs, la condition de la femme tunisienne et au-delà.

Dossier réalisé par H.J.



Hamida El Bour, enseignante à l’IPSI
"L’abolition de la polygamie, un facteur de stabilité pour la femme"
Hamida El bour, deuxième à droite. Le code du statut personnel (CSP) est un acquis important non seulement pour la femme tunisienne, mais aussi pour la société tunisienne. Quand la femme parvient à jouir de ses droits comme une citoyenne à part entière, c’est toute la société qui en profite.
L’éducation des enfants et des générations futures prend une autre dimension quand la femme a un statut de partenaire dans la société, quand elle a accès à l’éducation.
Notre génération, celle du milieu des années 60, n’a pas vécu la période d’avant pour pouvoir faire des comparaisons. Mais, il y a des pays arabes et européens qui militent encore pour l’égalité des salaires ou pour d’autres revendications…et c’est en observant ces situations, qu’on mesure l’importance du code.

Il y a deux éléments fondamentaux qu’il faut évoquer :
Tout d’abord, l’accès à l’éducation. Un facteur libérateur. C’est à travers l’éducation qu’on avance, qu’on ouvre les yeux pour être utile pour soi-même, la famille et la société entière.
Nous sommes en train de voir les problèmes dans les sociétés où les femmes n’ont pas accès à l’éducation et les recommandations onusiennes pour l’éducation des filles, et nous nous rendons compte que la Tunisie a franchi des pas de géant.

Le deuxième facteur est l’abolition de la polygamie qui est un facteur de stabilité pour la femme. La femme a le droit de divorcer. Sur le plan légal, l’homme n’a pas le droit de la répudier, d’avoir un harem. Certes, il y a certaines pratiques qui ont cours, comme le problème des maîtresses et des amants qui a de tout temps existé. Mais cela, est une question de mentalité, d’éducation. Lorsque la femme accepte d’être deuxième dans un couple marié, c’est son propre problème.

Ce n’est pas sous ce prétexte qu’il faut légaliser la polygamie. On observe les autres sociétés et les problèmes dont elles souffrent avec le mariage "al-misyar ", "al-moutâa"…il s’agit, à mon avis, d’une prostitution déguisée. Le code du statut personnel est un acquis indéniable et les améliorations qui y ont été introduites apportent un élément à l’édifice.
Mais, il ne suffit pas d’édicter des lois pour changer les sociétés. Il faut qu’il y ait des relais, la société civile, les associations des droits de l’Homme, de la Femme qui ont pour rôle de sensibiliser et de former les femmes. Car, il y a une méconnaissance des droits par les femmes. Il y a des femmes qui ignorent que leur mari n’a pas le droit de les empêcher de travailler. Le législateur a édicté des lois, c’est à la société de procéder à la mise en place des mécanismes en vue de les traduire dans les faits.
Ce faisant, je m’inscris totalement en faux contre ceux qui disent que les femmes ont obtenu leurs acquis sur un plateau d’argent. Les femmes ont milité pour la libération de ce pays.
L’histoire des femmes du début du 20ème siècle montre qu’il y a eu des participations militantes des femmes tunisiennes. Mais ce militantisme souffre d’un manque de visibilité. Lorsque les réformes du CSP ont été conduites, la société tunisienne était réceptive, parce qu’il y a eu tout un mouvement en amont.

Zakia Azek, Rédactrice en chef à la Radio tunisienne
Pour une discrimination positive en faveur des femmes
Zakia AzekC’est un acquis, unique en son genre, pour la femme tunisienne par rapport aux femmes des sociétés arabes. Comme tout dispositif légal, il revêt des points faibles.
Même s’il y a eu des améliorations grâce auxquelles la femme est arrivée au stade où elle est aujourd’hui.

Je prends un exemple banal : une femme divorcée avec enfants. Il y a des années, la femme ne pouvait pas inscrire son enfant à l’école. Cette interdiction a été levée, et la femme divorcée a la charge de ses enfants.
Reste un hic. Pour obtenir un passeport pour son enfant mineur, la femme est obligée d’avoir l’autorisation du père. Dans le cas où le père est absent, …rien n’y fait. Le juge n’en tient pas compte, la loi, c’est la loi. Pourtant, un père qui est en situation d’abandon et ne paie pas de pension alimentaire, est normalement passible de prison. Beaucoup de femmes vivent cette situation et sont obligées d’attendre la majorité des enfants pour y pallier.

Autre problème, l’accès des femmes aux responsabilités. Bon nombre de femmes compétentes, diplômées ont du mal à accéder à la responsabilité. Ce sont toujours les hommes qui occupent les postes de responsabilité.
Je pense qu’il faut recourir à une certaine discrimination positive, comme on l’a fait dans les institutions politiques, en accordant un quota aux femmes, à la chambre des députés, aux conseils municipaux. Il faut imposer ces quotas dans les administrations pour donner leurs chances aux femmes. Les hommes pensent toujours que certains postes sont leur chasse gardée. On exclut les femmes de certains postes en mettant en doute leur compétence, mais est-ce que tous les hommes sont compétents ?
Il y a certes un décalage dans les mentalités, mais notre situation est de loin meilleure que celle des autres pays arabes…En Egypte, par exemple, la femme ne peut pas quitter le territoire sans l’autorisation du père ou du mari. On voit bien que la différence est grande. Même si la femme doit revendiquer plus, et se battre plus…pour s’imposer. Je pense que les femmes ne se battent pas assez pour préserver leurs acquis obtenus grâce à deux hommes : Bourguiba, et puis le Président Ben Ali qui a consolidé ces acquis, par de multiples réformes menées tout au long des 20 dernières années.

Nadia Ayadi, Rédactrice en Chef du magazine Femmes & Réalités
"
Entre string et foulard"

Emna Soula, membre de la Chambre des Conseillers
"Il faut qu’il y ait évolution, sinon c’est la décrépitude"

Habiba Mejri Cheikh Porte-parole, directrice de la communication et de l’information à la commission de l'UA
La reconnaissance de la femme en tant que citoyenne


 

Commentaires 

 
#30 Soyez réaliste!
Ecrit par Tunisoise.     20-08-2009 14:11
@a4
Votre propos caricatural est loin la réalité. On ne peut accepter les assertions qui émanent d'un(e) musulman(e) non pratiquant(e) car elles défigurent la réalité et ne font preuve que de l'ignorance de l'Islam.
Étant donné les conditions des citoyens rendant très difficile le mariage en Tunisie, il est quasi impossible de pratiquer la polygamie qui est, reste et demeure une exception.
Mais elle nécessaire et salvatrice dans pas mal de situations inextricables et insolubles autrement. Des exemples ont été caricaturisés en illustration de la haine de l'Islam. Mais il existe beaucoup de cas beaucoup plus réels et nobles.

Si vous répugniez la polygamie, de que droit vous mêlez-vous des autres qui l'approuvent mutuellement dans le cadre conjugal et familial ?

Sachez que pour une bonne citoyenneté, il est interdit d'imposer des conditions contre à la religion de chacun. Va-t-on légiférer une loi interdisant aux chrétiens d'accéder à leurs églises ! Les opposants de l'Islam ne doivent rien imposer contre l'Islam aux musulmans. C'est ainsi la pratique de la bonne citoyenneté.
 
 
#29 aux âmes charitables
Ecrit par A4     19-08-2009 16:26
reprise spécialement destinée à ceux qui veulent nous faire croire qu'ils font don de leur corps à la polygamie comme d'autres font don de leur argent aux oeuvres de charité.
jeu (les dates peuvent être actualisées
Ecrit par A4, le 13-12-2008 09:11
01/01/09. enfin la polygamie est de retour en tunisie. à l'occasion de cet heureux évènement, le grand jeu "hypocritement votre" est organisé pour la première fois. le jeu:
dans l'après midi du premier janvier 2009, vous invitez votre grand frère et votre voisin à vous accompagner pour demander la main de:
1) votre cousine du bled: hlima - vieille fille - 50 ans - 1m 50 - 90 kg - maman à charge.
2) votre voisine: souad - veuve - 40 ans - 1m 60 - 80 kg - 3 enfants à charge.
3) la camarade de classe de votre fille: hanène - jeune fille - 20 ans - 1m 70 - 55 kg - étudiante.
faites votre choix. le gagnant remportera un service composé de 17 casseroles de nouvelle mariée offert part les magasins ... (censuré, pas de publicité gratuite sur gnet!).
bonne chance.
 
 
#28 Précision.
Ecrit par Sociologue.     18-08-2009 13:45
Je précise que zawaj el maysar et zawaj el moutaa sont interdits par l'Islam sunnite de façon claire et irrévocable. Et s'ils se produisent, ils seraient nuls et sans effet. Néanmoins, les enfants s'il y en a seront reconnus.
 
 
#27 baldaquino soit constructif
Ecrit par faycal     18-08-2009 13:26
@ Sociologue

malheureusement, baldaquino ne sait que critiquer a tort et a travers, je pense qu'il est obséder pour critiquer l'islam et ses fondements. Bon, même si son point de vue , il est libre mais au moins qu'il nous donne des idées claires et constructives pour enrichir ce forum.
c'est pas bien de toujours démolir et d'imposer ses idées aux autres, je pense qu'il est un extrémiste acharné sur L'islam et ses fondement.

@ baldaquino

zawaj el maysar et zawaj el moutaa ne sont pas des choses nouveaux ils existait depuis très, très longtemps et les savons ont leurs jugements sur ces deux type de mariages.
 
 
#26 Le retour au meilleur
Ecrit par Sociologue.     18-08-2009 12:51
@baldaquino
C'est un retour en arrière uniquement dans vos pensées, c'est plutôt un retour à la raison, à la maturité, au meilleur ...
Votre langage ressemble à s'y méprendre à celui des obsédés sexuels.
L'Islam refuse et réprime les agissements de certains musulmans obsédés sexuels et pervers qui usent et abusent de la polygamie. Mais c'est exceptionnel et rare. L'Islam a traité les obsessions sexuelles et il a des solutions.
Mais, il faut savoir qu'il y a plusieurs aspects du mariage et ce n'est sûrement pas l'aspect sexuel qui prévaudra sinon ce sera les obsessions et les perversions. Tous les aspects des unions matrimoniales seront judicieusement équilibrés pour empêcher toutes les sortes d'abus. Ne pas oublier les aspects psychologiques, spirituels, sociaux, économiques, familiaux, tribaux (dans certains pays), urbains ... du mariage est beaucoup plus rationnel.
Si vous n'éprouvez nullement le besoin de la polygamie, pourquoi la refuseriez-vous à ceux qui l'acceptent ?
A l'inverse, refuseriez-vous des actes sexuels entre partenaires non mariés et consentants ?
 
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