Tunisie, Mustapha Kamel Nabli mérite-t-il d’être limogé ?

Publié le Jeudi 19 Juillet 2012 à 14:10
Débat houleux à l'ANC lors de la discussion de la révocation de MKN.Le long feuilleton de la révocation de Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la banque centrale, a connu son épilogue hier, par le vote de l’assemblée nationale constituante, entérinant la décision de destitution. Cette affaire a fait couler beaucoup d’encre, et a fait des vagues au sein de l’hémicycle, dont l’atmosphère est souvent fiévreuse, et les nerfs sont à fleur de peau, à se demander parfois si l’apprentissage de la démocratie, ne s’apparente au début de la socialisation d’un enfant qui fait ses premiers pas dans les établissements préscolaires. Les agissements des uns et les caprices des autres, sont parfois tellement puérils, qu’ils nous laissent perplexes quant à la maturité politique de nos élus.

Pour l’histoire, hasard du calendrier, la Tunisie était hier à l’honneur à l’assemblée nationale française, à la faveur du discours prononcé par le président de la république, Moncef Marzouki. Et là, entre le palais Bourbon et le palais du Bardo, il n’y a pas photo, quant à l’énorme différence en matière de sérieux, et de discipline. Cela s’illustre tout d’abord à travers la perception de la notion du temps. La séance dédiée au discours de Moncef Marzouki à l’assemblée nationale française a démarré à 14heurs tapantes (15H, heure française), comme cela a été annoncé précédemment. Au Bardo, les choses traînent en longueur, la plénière annoncée pour 15 heures, commence après trois quarts d’heures. La parole est donnée au gouverneur de la BCT pour s’expliquer, il prononce un discours bien argumenté, et en vient à bout, non sans les coutumiers chahuts, vers la fin, d’une partie de l’hémicycle, et les sempiternels appels au calme quasiment vains du président de l’assemblée.

Mustapha Ben Jaâfar annonce la levée de la séance pour 5 minutes pour permettre le départ du gouverneur, mais la récréation se prolonge et la séance  reprend après presque une heure, par les excuses du président de l’assemblée pour les débordements survenus la veille. Et rebelote, les députés s’en prennent de nouveau les uns aux autres, certains se sentent offusqués suite aux propos désobligeants les ayant visés, d’autres finissent par les leur concéder pour attaquer enfin le vif du sujet, le débat houleux et tendu se terminera par un vote en faveur de la révocation du gouverneur.

Mustapha Kamel Nabli a beau prouver arguments à l’appui le caractère infondé et fallacieux des raisons ayant justifié son limogeage, il n’a pas réussi à convaincre les constituants et obtenir leurs grâces. Indépendamment de la politique monétaire ou bancaire qu’il a menée, et des erreurs qu’il a pu commettre, le désormais ex-gouverneur de la BCT est un homme valeureux et qui a du mérite. Enarque doublé d’un docteur en économie des universités américaines, il a occupé de hauts postes à l’échelle mondiale. Il est par ailleurs connu pour être un homme intègre qui a claqué la porte à l’époque de Ben Ali en tant que ministre du Plan et du Développement. Nul ne peut juger pour ainsi dire si son limogeage est justifié ou non, mais cela ne fait aucun doute que son départ a été précipité par des raisons politiques, sur fond du conflit ayant opposé le président de la République et le chef du gouvernement suite à l’extradition d’al-Baghdadi al-Mahmoudi.

Maintenant, c’est chose faite, la cruauté n’est guère étrangère à la politique, Mustapha Kamel Nabli, dont l’amertume était perceptible hier, l’aurait compris à ses dépens.

Quid de son successeur ? Quid de la nouvelle approche de gestion de la banque centrale ? De la politique monétaire ? De la réforme du système bancaire ?

Les détracteurs de MKN lui reprochent entre autres son libéralisme et son alignement sur les institutions financières mondiales à l’instar de la banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). La question est de savoir si le prochain gouverneur a la possibilité d’aller à contre-courant de cette politique, à court et à moyen terme. Certes, MKN a privilégié la continuité, et la première chose qu’il avait faite dès son arrivée à la tête de la banque des banques est de rassurer les bailleurs de fonds sur la solvabilité de la Tunisie et son intention d’honorer ses engagements et de rembourser sa dette. Chose qui lui a attiré des contestations, notamment dans les milieux associatifs, ceux qui ont plaidé pour un moratoire sur le remboursement de la dette et ont appelé à un audit sur les créances douteuses contractées par la dictature.  Tout cela est  bien beau, mais cette politique est-elle réalisable, en l’état actuel, alors qu’on est obligé d’avancer sous l’épée de Damoclès des agences de notation, a fortiori que l’on on ne s’est pas encore remis de la dégradation de notre note souveraine par Standard & Poor’s. Il va sans dire que la politique monétaire et bancaire suivie par la Tunisie depuis l’aube de l’indépendance est sujette aux reproches et critiques à plus d’un égard et mérite d’être réajustée et rectifiée. Ce processus requiert néanmoins des réformes structurelles et de longue haleine, qui ne doivent pas éreinter nos secteurs économique et financier à court terme, sinon ce sera la débandade programmée.

De toutes les manières, la tâche du nouveau gouverneur sera difficile, il doit à la fois rompre avec la politique de son prédécesseur et préserver les équilibres généraux du pays, de plus en plus vulnérables. De sa politique, l’on saura peut-être si le limogeage tapageur de MKN était justifié ou non.

H.J.


 

Commentaires 

 
-3 #9 RE: Tunisie, Mustapha Kamel Nabli mérite-t-il d’être limogé ?
Ecrit par Citoyen 1     23-07-2012 09:07
Qu'un responsable soit remplacé, même pour imcopatibilité d'humeur, n'a rien d'etonnant sauf que pour les cas de MKN, l'opération est scandaleuse pour les raisons suivantes :
1)Les raisons invoquées sont fausses et malhonnetes.

2)le moment est trés mal choisi et il envoi un message trés négatif surtout a l'international.

3)Remplacer un MKN qui a accépté de venir a un moment trés délicat et en faisant des sacrifices financiers enormes par un Chedly AYARI dont le passé prête a des interrogations!!!

Tout ça ne peut que nous alarmer sur l'avenir .
 
 
-4 #8 @Baron
Ecrit par lecteur     22-07-2012 10:53
MKN n'a pris aucune position politique! ce ne sont pas des critiques! il a fait juste un constat de la situation, car, au final, il a était le bouc émissaire victime de l'amateurisme de la troika
 
 
+2 #7 l huie sur le feu
Ecrit par ASSADIK     20-07-2012 12:29
D abord pourquoi mettre de l huile sur le feu en utilisant le terme limoger au lieu de remplacer?

Ce monsieur qui n a jamais été premier responsable de la moindre banque,a été nommé par le très sombre md ganouchi sur ordre de son patron le président de l ombre machin de machin

aujourd hui,après une dégradation de la note de la tunisie et la chute vertigineuse du dinar,le president élu en accord avec le chef du gouvernement on jugé bon de le remplacer ,car ils jugent qu il n a pas d experience en management mme s il est a d autres compétences

il fallait qu il rende son tablier sans tergiverser car çela ne pouvait que nuire à son image et à l image de son pays

c est un manque de tact d un type qui ne méritait donc pas le titre de gouverneur

son attitude d insubordination est comdamnable

entre lui et si CHEDLY AYARI,son professeur,y a pas photo de tous les points de vue
:politesse,expéience,diplomes, corection,rayonnement national et international etc..ET PUIS IL N EST PAS LE GENDRE D UN TEL
 
 
+2 #6 wait and see
Ecrit par Le Baron     20-07-2012 10:32
tout gouverneur de la banque central doit être apolitique or d’après le speech de MKN a l'ANC on remarque bien que ce dernier a dépassé toutes ses prérogatives en formulant des critiques franches contre le gouvernement actuel alors qu'il était doux comme un agneau a l’époque ou il était sous les ordre de BCE rien que ce flagrant délit d'absence de neutralité par rapport aux forces politiques en place constitue une preuve irréfutable contre lui ;un homme qui a pris des positions politiques claires et nettes ne peut pas occuper une telle fonction il en va de l’intérêt national.
 
 
+1 #5 BARDO
Ecrit par BORDOL     20-07-2012 10:19
ON ESSAYE TOUJOURS DE COMPARER LE COMPARABLE ,A BOURBON ON PENSE A L ITTERRET NATIONAL DE LA FRANCE QUELQUE SOIT LA COULEUR POLITIQUE , A BOURBON ON EST FIER DE CE QUE LES GENERATIONS PRECEDENTES ONT PU ACHEVER POUR LA FRANCE .A BOURBON IL YA LA TRANSPARENCE IL Y A DE LA CLARTE.A BOURBON C EST UN SYSTEME " STRICTEMENT" POLITIQUO-SCIENTIFIQUE.....
 
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