Tunisie : Quels rapports entre l’exécutif et le législatif ? |
| Publié le Lundi 06 Décembre 2010 à 22:50 |
Bis repetita. Aussitôt la Chambre des députés a bouclé l’examen du projet de budget de l’exercice 2011, que la Chambre des Conseillers prend le relais pour mener un débat quasi analogue. Qu’apporteront les conseillers de plus que les députés dans leurs appréciations, critiques, et évaluations des projets du budget des différents ministères pour le prochain exercice ? Le bicaméralisme est plus ou moins récent en Tunisie, mais il a fini par s’inscrire dans nos mœurs politiques. Depuis lors, tout projet de loi doit passer par ce qu’on appelle sous d’autres systèmes politiques, l’assemblée nationale, et le sénat ; la chambre haute et la chambre basse. Le marathon budgétaire ne fait pas l’exception, et se déroule successivement dans les deux Chambres, à une cadence chronométrée, contrairement à naguère à l’époque de la seule Chambre, où les débats avaient tendance à s'éterniser. Pour la présente session, les débats à la Chambre des députés ont pris à peine une semaine ; ils doivent durer autant à la Chambre des Conseillers. Après la déclaration du gouvernement présentée ce lundi par le Premier ministre qui trace les règles générales, place aux différents membres du gouvernement qui vont se relayer à la tribune de l’enceinte législative pour présenter bilan et perspectives de l’action de leurs départements respectifs. ![]() Ces marronniers de fin d’année, que sont les débats budgétaires pour les médias, font l'objet de la couverture d’usage ; à l’image de ce qui était le cas, les années précédentes. Même si certains compte rendus s’apparentent à des PV, où des informations importantes passent inaperçues, faute d’être mises en exergue, il faut savoir les lire attentivement pour être informé sur les dits et les non-dits de la politique gouvernementale pour le tout futur exercice. Cette année, les débats budgétaires donnent l’impression, du moins pour certains ministères, de déjà vu et de déjà entendu. Ceux qui ont suivi les tribunes de dialogue entamées depuis juin dernier, qu'une quinzaine de nos ministres ont déjà animées en répondant aux questions des citoyens, le confirment. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui ont relevé la ressemblance entre ces rendez-vous télévisuels et les interventions des ministres au sein de l’hémicycle , avec des chiffres, programmes, stratégies, etc., présentés parfois d’une manière assez docte, qui ne sied guère à des émissions grand public. Mais, passons, lesdites émissions sont d’ores et déjà suspendues, sans préavis en fidélité à nos traditions, elles reprendront, selon toute vraisemblance, sitôt l’exécutif termine ses discussions avec le législatif. Avec toutes ces occasions présentées à nos ministres pour s’exprimer, et répondre aux préoccupations des édiles de la nation d’abord, et à celles des citoyens ensuite, le débat public a-t-il gagné en lisibilité et en intelligibilité ? Pas tout à fait. Peut mieux faire. En effet, la multiplication des espaces de dialogue ne s’est pas accompagnée d’une rénovation, voire d’une mise à niveau, pour employer un terme en vogue, du discours politique. La langue de bois domine toujours les discours des ministres qui ont plus tendance à se réfugier dans la positive attitude que d’analyser les problèmes d’une manière scientifique et réaliste. Pourquoi nos ministres donnent-ils parfois l’impression d’être réticents, et dubitatifs à aller au fond des choses, se bornant, selon les circonstances, à des réponses stéréotypées, et peu convaincantes ? Ils ne manquent indéniablement pas d’habileté politique, ou de lucidité, loin s’en faut, mais peut-être, ont-ils peur de heurter les sensibilités du bon peuple, et de l'inquiéter. Sauf que ce peuple vit des difficultés au quotidien, et a des préoccupations de différents ordres, qu’il veut bien voir poser sur la table en toute transparence, et sans faux-fuyants. Autant dire que nos ministres ont besoin d'améliorer leur Com et de moderniser leur discours, pour se rapprocher des citoyens, et être en phase avec leurs soucis et tracas. En Tunisie, il y a certes beaucoup de choses qui marchent, et on s’en réjouit, mais, il y en a d’autres qui marchent moins bien, et on le regrette. L’exécutif est là pour assurer la meilleure gestion qui soit de la chose publique, le législatif, lui, doit attirer l’attention sur les travers et les dysfonctionnements, appeler à les redresser et demander des comptes à l’exécutif. Ces rapports de subordination entre les deux pouvoirs doivent en toute logique déboucher sur des changements concrets ressentis au quotidien par le citoyen, dont l’intérêt pour la vie publique se mesurera à l’aune de cette dialectique. C’est de là que dépendra l’amour ou le désamour de la politique. Un autre sujet qui a défrayé la chronique il y a peu et qui reste lié à beaucoup d’autres, telle la manière dont se déroulent les débats budgétaires au sein de nos deux Chambres. H.J.
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Commentaires
Ecrit par JSK 16-12-2010 15:58
Slts
Ecrit par Dédé 12-12-2010 15:59
Ecrit par Mahdi 08-12-2010 19:50
en tout cas, pas du peuple, mais certainement des 7 % des tunisiens qui détiennent le pouvoir politique, financier et médiatique.
Ecrit par Cinoche 08-12-2010 16:22
Pour tout constitutionaliste avisé, la Chambre des Conseillés à la sauce tunisienne ne peut être qualifiée que de « monstre institutionnel » tant sur le plan de ses prérogative que sur celui de sa composition. A ce titre, elle est loin de ce qu’on pourrait appeler un modèle démocratique.
Il est en effet patent que cette institution est loin de pouvoir jouer le rôle de contre-pouvoir qui lui est normalement dévolu et ce à l’instar de ce qui ce passe dans les autres démocraties qui ont adopté ce système (USA, France, etc.). Cette incapacité tient à mon sens aux défauts majeurs qui handicapent sa crédibilité d’une part, et l’efficacité de son action d’autre part :
Il faut savoir que cette chambre n’a pour seule prérogative que d’examiner en deuxième lecture les propositions de lois faites par l’exécutif et adoptés en première lecture par la Chambre des Députés. Sa capacité d’amendement est fortement entravée par le fait que même si elle propose des modifications, ces dernières seront soumises à l’approbation d’une commission mixte paritaire composée de membres des deux chambres. Un fait pour le moins incongru, puisque cette commission est composée sur proposition du gouvernement qui a, en outre, le droit d’assister aux débats de ladite commission et d’y prendre la parole. De ce fait tout amendement proposé ne peut être voté sans l’accord préalable de l’exécutif. Tant est si bien que si les amendements proposés par la Chambre des Conseillés ne sont pas adoptés, c’est le texte initial qui sera soumis au Président de la République pour promulgation, et les Conseillers ne disposent d’aucun pouvoir de censure sur le texte en question.
Par ailleurs, la chambre des conseillers ne dispose d’aucune prérogative lui permettant de faire des propositions de lois. Cette dernière étant du seul ressort du gouvernement ou de la Chambre des députés, qui dans ce domaine n’a jamais brillé par sa créativité.
En outre, cette chambre souffre d’un réel déficit démocratique dans le sens où la centaine de membres qui la composent ne son pas élus au suffrage universel direct. Ce qui entache lourdement sa crédibilité à pouvoir incarner une quelconque représentativité. En effet, une quarantaine de ses membres sont « désignés » directement par le Président de la République. La soixantaine qui reste sont « élus » parmi les élus locaux des collectivités régionales ou parmi les organisations professionnelles. Et les électeurs sont des députés ou les conseillers municipaux des différents gouvernorats. L’incohérence qui existe ici c’est que l’article 19 de la Constitution stipule clairement que les membres de la Chambre des Conseillers ne doivent pas être liés par des intérêts locaux ou sectoriels. Or on a du mal à concevoir qu’un élu municipal ou qu’un représentant d’une organisation professionnelle puisse être détaché de tout intérêt régional ou inhérent au secteur professionnel qu’il représente.
Ainsi, et pour éviter que cette institution ne se transforme en une sorte de « maison de retraite de luxe » pour personnalités, et qu’elle puisse pleinement jouer son rôle de chambre haute du parlement, des réformes structurelles s’imposent tant au niveau de sa composition, que de sa saisine et de ses prérogatives.
Ecrit par Bouha 07-12-2010 18:43