Tunisie/ Entreprises publiques : Après le livre blanc, une stratégie de sauvetage sur trois ans

Publié le Mercredi 08 Août 2018 à 13:45
Le gouvernement compte donner un coup d’accélérateur à la mise en œuvre de la stratégie nationale de réforme et de gouvernance des entreprises publiques. Cette stratégie vise à en améliorer la gouvernance et à en renforcer le rôle dans le développement économique et social. Elle est répartie en 19 projets et 58 sous-projets.

Une unité de gestion par objectifs vient d’être créée au sein de la présidence du gouvernement, sous l’égide du chef du gouvernement ou qui le représente, en vue de traduire dans les faits ladite stratégie.

Créée en vertu du décret n’o 618 du 26 juillet 2018, publié dans une récente édition du journal officiel, l’unité de gestion par objectifs est chargée de piloter le processus de réforme des entreprises publiques, d’en superviser les aspects administratif et financier, d’assurer le suivi de la mise en exécution des décisions issues des conseils des ministres, de coordonner entre les ministres, les partenaires sociaux, les partenaires techniques, financiers et autres parties-prenantes, de suivre les résultats de la mise en exécution de cette stratégie, d’examiner les problèmes pouvant en entraver l’application et de suggérer les mesures à même de les surmonter.

Cette unité dont la mission s’étale sur 36 mois à compter de l’entrée en vigueur de ce décret, est, de surcroît, chargée de préparer des contrats-objectifs. Le suivi et l’évaluation du travail du comité de gestion par objectifs seront assurés par un comité de pilotage, également créé à la Kasbah.

Déficit structurel, un lourd fardeau pour l'Etat

Les entreprises publiques occupent une place importante dans l’économie nationale. Au lendemain de l’indépendance, l’Etat tunisien a repris le contrôle de secteurs névralgiques de l’économie à l’instar des mines, du transport et du secteur bancaire. Les entreprises publiques avaient à l’époque un objectif de développement, mais aussi des objectifs socioéconomiques comme l’emploi. Au milieu des années 80, ces entités employaient 30 % de la main d’œuvre du secteur formel, mais avec leur faible prestation et la hausse de leur coût de gestion, la Tunisie a connu une vague de privatisations entre la fin des années 80 et le début des années 90.

Aujourd’hui, l’on compte 199 entreprises publiques qui opèrent dans plusieurs secteurs tels que le transport, l’industrie, l’énergie, les services financiers et non-financiers. Ces entités sont actives dans les secteurs concurrentiels (ciment, sucre, produits agricoles, bâtiment, équipement, travaux publics, et habitat), des secteurs non concurrentiels (raffinage, commerce de tabac et d’alcool), comme elles assurent des services publics (électricité, gaz, eau, transport, poste, et télécommunications).

Les entreprises publiques jouent toujours un rôle important dans l’économie tunisienne. En 2016, leur contribution au PIB a été de 7,7 %, contre 13 % en 2010, comme elles totalisent 4 % de la main d’œuvre active, et 12 % du volume global des salaires. La taille de ces entreprises est variable, 20 d’entre elles représentent 80 % de l’ensemble du secteur en termes de chiffre d’affaires, et de personnel.

La prestation et la rentabilité des entreprises publiques se sont dégradées depuis 2011, d’autant plus qu’elles souffraient bien avant cette date de plusieurs dysfonctionnements. Leurs résultats négatifs en ont affecté les équilibres financiers, au point que certaines d’entre elles aient failli s’arrêter, n’eut été l’appui de l’Etat qui s’est traduit par des enveloppes exceptionnelles ou des garanties. Entre 2010 et 2014, les recettes cumulées des entreprises tunisiennes ont atteint 27 %, alors que les bénéfices ont reculé de 55 %, et ce à cause des pertes élevées enregistrées en 2013, selon le livre blanc élaboré sur une période de deux ans par le gouvernement, les partenaires sociaux et les experts, et paru en Mai 2018.

De nombreuses entreprises publiques connaissent un déficit structurel, qui s’ajoute à une faible rentabilité, imputés à plusieurs facteurs dont l’augmentation exceptionnelle de la masse salariale, l’accroissement limitée des recettes (4 % en moyenne par an pendant la période en question), et la difficulté d’ajuster les prix du fait de la politique publique de compensation. Certaines entreprises publiques, notamment l’ETAP et Tunisie Télécom, continuent, néanmoins, à réaliser des bénéfices et à avoir une rentabilité économiquement acceptable.

La dette des entreprises publiques a augmenté fin 2015 à l’instar de celle de la STEG et de Tunisair. En 2015, la dette extérieure des entités ayant bénéficié de la garantie de l’Etat a atteint 12 % du PIB contre 10 % en 2013. La dette de la STEG s’est montée à plus de 50 % de leur dette cumulée, celle des banques publiques a atteint environ 50 % du PIB. Une telle situation constitue un lourd fardeau sur le budget de l’Etat, et un danger pour l’efficacité et la pérennité des services publics, outre son impact négatif sur le secteur bancaire et les caisses sociales.

La stratégie de réforme s’articule autour de quatre axes : redéfinir un régime de gouvernance globale, réformer le régime de gouvernance intérieure, encourager le dialogue social, la responsabilité sociale, et la gestion des ressources humaines, ainsi que la restructuration financière. Le but est de renforcer la compétitivité de ces entreprises, et d’en assainir la situation financière, de manière à préserver leurs intérêts, ceux de leurs employés, ainsi que les intérêts de l’Etat.
Gnet

 

Commentaires 

 
#1 C'est le peuple qui paie
Ecrit par Agatacriztiz     09-08-2018 22:44
Toutes ces entreprises lourdement déficitaires continuent à survivre grâce à nos impôts, c'est des ponctions sur l'ensemble des contributions fiscales qui les maintiennent en vie ou plutôt en survie car, pour beaucoup d'entre elles, leur état est "comateux".

Ces ponctions, prélèvements ou autre terme "technique", pour combler des déficits vertigineux de dinosaures essouflés (pour lesquels une société privée se retrouverait facilement devant les tribunaux pour faillite ou quasi-faillite) peuvent s'assimiler aux "fait du prince", car elles ne répondent à aucune mesure légale.

Ces tours de passe passe financiers avec les deniers publics se révèlent en fait aussi antidémocratiques qu'inutiles, car ils n'entretiennent que l'assistanat, le nouveau clientélisme des partis politiques qui font semblant de nous gouverner et ne permettent en aucun cas de restructurer des entreprises qui, pour certaines d'entre elles, sont encore "réparables".

Ca suffit de tirer l'ensemble des force vives de la nation "vers le bas" à cause de tas de ferraille que l'on continue à qualifier de "secteurs stratétiques" pour certaines. Il y a des décisions courageuses à prendre et il faudra les prendre que l'on veuille ou non et que celà ne plaise ou non aux syndicats.
 
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