Tunisie/Cité de la Culture : les achoppements d’un projet mal parti |
Publié le Mardi 08 Février 2011 à 17:50 |
Zouhair Ben Jazia, directeur de l’unité de gestion par objectif pour le projet de construction de la cité de la culture depuis 2003, nous a reçus ce mardi à son bureau, et nous a raconté les péripéties d’un projet qui n’a pas cessé depuis six ans de s’embourber dans des difficultés. Ingénieur de formation et diplômé des grandes écoles, Ecole normale supérieure (ENS) Cachan Paris, Ecole Spéciale des Travaux Publics (ESTP) Paris 5ème, et Ecole préparatoires (Maths Sup et Maths spé) Paris 16ème, ce chef du projet, qui a son actif la réalisation de la prison de Mornaguia et de la Chambre des Conseillers, n’a pas cédé aux pressions, même s’il a été obligé d’obéir aux ordres. Pour la petite histoire, l’appel d’offres international du projet de la cité de la culture a été lancé en 2004. Il a été attribué à l'entreprise tchèque, Geosan, avec un financement tchèque, de la banque Komercia Banka (KB), filiale de la société générale. Le projet a été initialement approuvé à 40 millions d’euros, soit 70 millions de dinars tunisien. Attribué par la commission supérieure des marchés relevant du Premier ministère, les projets importants devraient faire l’objet de l’accord de la présidence. "En tant que ministère de l’Equipement, maître d’ouvrage délégué, et abritant la commission de dépouillement des offres, nous avons proposé une autre société, en l’occurrence une société chinoise, qui était la mieux disante en termes de financement. Mais la décision d’attribuer le marché à la société tchèque était imposée d’en haut. Pourtant, celle-ci n’était pas la mieux disante, selon une actualisation faite par la Banque Centrale de Tunisie et une méthodologie de dépouillement claire et transparente". Le démarrage du projet a eu effectivement lieu le 1er février 2006 et était théoriquement parti pour être prêt en 30 mois, soit, le 30 juillet 2008. Sauf que l’entreprise tchèque a connu des difficultés financières, étant donné les prix anormalement bas et incohérents de son offre de départ. "Elle a tenté de faire douter les autorités sur les études et sur le dossier du marché, on a alors reçu des instructions pour réétudier le marché et introduire des avenants avec des modifications des prix. On a refusé, car on était sûr que nos études et conceptions faites au départ étaient correctes et cohérentes et répondaient aux exigences et aux normes internationales en la matière", a affirmé le chef du projet". Après plusieurs tentatives, à plusieurs échelles, les tchèques ont retrouvé toutes les portes fermées, et ils se sont aperçus qu’ils étaient bernés par les gens qui les ont poussés à accepter ces études, et leur ont fait des promesses qu’ils n’ont pas tenues, selon lesquelles ces études seront modifiées. Les Tchèques n’ont jamais travaillé en Tunisie, ils ne connaissent pas le marché tunisien et les prix du marché. On s’est alors retrouvé en 2008 dans une situation grave. Il y a eu plusieurs plaintes de la part des entreprises tunisiennes, qui avaient des impayés avec l’entreprise tchèque. Cette dernière était incapable d’achever le projet dans les délais contractuels. Les Tchèques conscients qu’ils étaient induits en erreur ont changé tout leur team de management, et ont informé les autorités des difficultés financières très importantes pour faire face au projet, car ils étaient partis sur des prix anormalement bas. Les autorités ont étudié la possibilité de résilier avec les Tchèques, sauf que l’entreprise a sous-traité la totalité de ses travaux aux entreprises nationales, et celles-ci avaient des dettes très importantes auprès d’elle. Vu les préjudices importants qu’elle allait causer, l’idée de résilier le contrat avec les Tchèques a été abandonnée. A la demande du gouvernement, on était amené à étudier quels sont les prix anormalement bas par rapport aux prix courants du marché. Il a été décidé d’actualiser ces prix pour sauver les Tchèques, ce qui a induit une majoration de 7 millions de dinars hors taxe, s’ajoutant au montant initial du projet, ainsi que la prorogation du délai d’achèvement contractuel du projet de juillet 2008 à fin juin 2010. Le projet a redémarré en veillant à ce que tous les sous-traitants nationaux soient payés, en encadrant l’entreprise d’une manière étroite et stricte. Au mois de juillet 2010, l’entreprise n’a pas pu achever le projet et l’accord de crédit allait arriver à échéance en novembre 2010. On a demandé la prorogation de l’accord de crédit, seulement la banque tchèque et l’organisme d’assurance de crédit ont exigé la prorogation du délai d’achèvement des travaux, chose qu’a eu lieu à la mi-décembre 2010 suite à une décision de l’autorité supérieure (conseil ministériel). Le délai d’achèvement a été alors fixé au 30 juin 2011. En l’état actuel, l’état d’avancement matériel du projet est de 73 %, et on est à 57 % de consommation de crédit. Tout ce qui est aménagement interne et construction avancent bien, le lot le plus important qui reste à achever est celui de la scénographie, celui qui représente 20 % du montant du marché, l’entreprise tchèque doit négocier avec les banques pour pouvoir fournir les fonds nécessaires à sa réalisation. Avant la révolution du 14 janvier, il y avait une moyenne de 800 ouvriers sur le chantier, le 16 janvier les Tchèques ont rouvert le chantier. Les sous-traitants nationaux avaient du mal à reprendre le travail, et le démarrage s’est fait lentement. Maintenant, il y a 350 et 400 ouvriers sur le chantier, on espère un renforcement dans les prochains jours du nombre d’ouvriers sur les chantiers. Même si deux incidents sont survenus sur le chantier et qui en ont menacé la poursuite. Le premier s’est produit le jeudi 27 janvier alors où on était en pleine séance de travail, on a été attaqué par des ouvriers des chantiers du Lac qui sont venus et ont fait du grabuge, alors qu’ils étaient en chemin vers l’avenue Habib Bourguiba pour rejoindre les manifestations. Le deuxième incident consistait en la grève de 300 ouvriers du chantier pour demander le paiement de la semaine non travaillée. Après discussions, on est parvenu à un compromis pour donner une réponse à leurs revendications, a souligné Zouhair Ben Jazia. Autre problème, les Tchèques avaient une grande frayeur, ils avaient contacté leur siège à Prague et leur assureur, qui leur ont signifié que leur personnel expatrié, n’est pas assuré contre les guerres et les révolutions. Le samedi dernier, ils ont décidé de fermer le chantier, après des discussions avec les représentants de l’entreprise, on a réussi à les convaincre de la nécessité de reprendre le travail ; ce qui a été fait lundi, a-t-il fait savoir. Si les choses avancent normalement, le projet arriverait à son terme en juin 2011. Reste des risques, dont cette situation incertaine qui peut faire fuir l’entreprise tchèque, ainsi que les contraintes que pourront avoir les sous-traitants à envoyer leurs ouvriers de leur siège, ou leurs succursales de l’intérieur du pays à Tunis. Etant entendu que 30 entreprises nationales de sous-traitance travaillent sur le chantier, l’entreprise tchèque, elle, assure le management et est le vis-à-vis de l’administration tunisienne. H.J.
|
Commentaires
Ecrit par le technicien 21-04-2011 11:33
Ecrit par lbt 21-03-2011 01:45
Ecrit par le technicien 01-03-2011 13:16
Ecrit par beldi 11-02-2011 17:16
Ecrit par le technicien 11-02-2011 16:06