Edito: Une victoire éclatante… face à un public déserté
Kaïs Saïed a remporté l’élection présidentielle avec 90,69 % des voix, soit plus de 2,4 millions de suffrages, ce qui semble, à première vue, une victoire écrasante. Pourtant, une ombre plane sur ce succès : le taux de participation, qui s’élève à seulement 28,8 %. Ce chiffre, bien plus révélateur que les pourcentages de vote pour chaque candidat, expose une réalité troublante : une large majorité des Tunisiens a choisi de rester à l’écart de ce scrutin.
Là où la situation devient encore plus intéressante, c’est quand on se penche sur la répartition des votants. Les jeunes, qui étaient le moteur du soutien à Kaïs Saïed il y a cinq ans, semblent cette fois avoir déserté les urnes. Selon les chiffres de l’ISIE, seulement 6 % des électeurs de la tranche d’âge 18-35 ans se sont mobilisés, contre une participation de 65 % chez les 36-60 ans. Une chute spectaculaire de l’engagement des jeunes, alors même qu’ils représentaient une force motrice pour la victoire de Saïed en 2019.
Que s’est-il passé en cinq ans ? Lassitude ? Déception ? Ou simple détachement face à une élection où ils n’ont plus vu d’enjeu réel ? Le fossé entre générations devient ici visible : alors que les plus âgés continuent de participer activement, les jeunes semblent avoir décroché, préférant s’éloigner d’un processus qu’ils jugent, peut-être, vidé de sens.
Cette désaffection des jeunes n’est pas anodine. Elle soulève des questions sur l’avenir politique du pays. Si les jeunes, pourtant les plus touchés par les difficultés économiques et sociales, ne trouvent plus de raison de voter, c’est un signal d’alarme pour la démocratie tunisienne. Et pour Kaïs Saïed, la vraie bataille ne sera peut-être pas de maintenir son score impressionnant, mais de reconquérir cette jeunesse qui a choisi de rester silencieuse.
Alors, oui, la victoire de Kaïs Saïed est incontestable… sur le papier. Mais au-delà des chiffres officiels, cette élection reflète un malaise bien plus profond, celui d’une population qui, en grande majorité, a préféré se taire. Et ce silence pourrait peser bien plus lourd que tous les pourcentages affichés fièrement sur les écrans de l’ISIE.
Au final, cette victoire écrasante ressemble à un succès en solitaire. Car que vaut un triomphe lorsque l’enthousiasme n’est plus au rendez-vous ? Gagner avec une telle marge, certes, mais face à un public absent, est-ce vraiment une victoire ?
Wissal Ayadi