Affrontement Iran – Israël : Adnan Limam en explique les dessous face aux dernières évolutions
Israël affirme qu’elle répondra à l’attaque massive et sans précédent menée par l’Iran dans la nuit du 13 au 14 avril dernier, malgré les appels de nombreux pays, y compris son allié américain, à éviter une escalade dans une région déjà marquée par le conflit en cours dans la bande de Gaza.
Dans le domaine obscur des relations internationales, sous la surface du discours géopolitique, se cache un conflit qui couve depuis des années : la guerre silencieuse entre l’Iran et Israël. Adnan Limam, Professeur en relations internationales à l’Université de Tunis, éclaire cette confrontation secrète et ses répercussions dans la région.
Iran/Israël : Une guerre non déclarée
Depuis des années, l’Iran et Israël se livrent à une lutte secrète, caractérisée par l’élimination ciblée de physiciens nucléaires, le sabotage d’installations clés et des opérations de renseignement sophistiquées. Cette guerre non déclarée, orchestrée principalement par les services secrets des deux nations, opère sous un ensemble de règles non écrites connues des deux parties. « Israël a infligé des coups significatifs à l’Iran, et vice versa, perpétuant un cycle de représailles et de contre-attaques », explique Adnan Limam. Ce dernier indique que l’épicentre des opérations clandestines d’Israël contre l’Iran se situe dans la région Kurdistan Irakien, notamment à Erbil, où des schémas complexes sont élaborés et exécutés sur le territoire iranien.
Cependant, l’attaque délibérée d’Israël contre le consulat iranien à Damas, dans la nuit du 13 au 14 avril dernier, violant le droit international et la Convention de Vienne de 1961 accordant l’inviolabilité des missions diplomatiques et consulaires, a été considérée par l’Iran comme une provocation inacceptable. Cette attaque a rompu les règles tacites qui régissaient les interactions entre les deux pays, rendant la riposte iranienne inévitable.
« Cette riposte était inéluctable et prévisible qu’elle soit faite à partir du territoire iranien directement contre le territoire israélien. Il s’agit d’une sanction contre la violation des règles d’accrochage et du principe sacrosaint du droit international qui est l’inviolabilité des locaux diplomatiques et consulaires », poursuit l’expert.
Faire le distinguo avec le conflit à Gaza
Adnan Limam souligne qu’il est crucial de distinguer la riposte iranienne contre Israël de l’évolution du conflit à Gaza. Bien que l’Iran se présente comme un acteur majeur de la résistance en fournissant un soutien logistique et financier aux groupes de résistances dans la région, notamment le Hamas et le Hezbollah, il est important de reconnaître que son implication dans le conflit palestinien ne découle pas nécessairement des événements récents.
« Il faut dissocier les deux sujets, même si l’Iran, de par son intervention, se pose comme étant la pierre angulaire de la résistance. En effet, l’Iran fournit les armes aux mouvements de résistance, qu’ils soient Palestiniens, Irakiens, Libanais, Syriens et Yéménites. Ce sont également dans les centres iraniens de recherche que se développent les technologies avec lesquelles sont faites les armes de cette guerre asymétrique. C’est l’Iran qui forme les combattants aux techniques de la guerre et aux stratégies de la guerre asymétrique. L’Iran finance aussi les mouvements de résistance du Hamas, le mouvement de la résistance islamique en Irak, le Hezbollah libanais. Donc l’Iran est totalement impliqué dans la guerre à Gaza et n’a donc pas besoin de cet évènement là pour intervenir en territoire palestinien », nous dit Adnan Limam.
Les conséquences en cas de riposte
Quant à une éventuelle riposte israélienne contre l’Iran, Limam estime qu’elle est à la fois improbable et possible. « Si l’on s’en tient la logique classique, il est clair qu’Israël ne peut pas mener des opérations d’une telle ampleur sans l’aval et la participation logistique des Etats-Unis. D’autant plus les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à ce que la région s’embrase au risque de se retrouver impliqués dans un conflit l’échelle régionale ».
A cet égard, Limam explique que si Israël ne riposte pas, elle essaiera de monnayer sa patience stratégique par d’autres choses, comme par exemple une offensive sur la ville de Rafah ou l’obtention de nouveaux crédits, etc…
« Avec ce gouvernement israélien composé d’extrémistes appuyé par les sionistes religieux il ne faut pas présumer que la suite logique de cette action sera d’en rester là . Le gouvernement israélien peut être tenté par une riposte sur le territoire iranien et contribuer à embraser la région et impliquer les de ce fait les Etats-Unis », poursuit-il.
Peut-on encore parler de Droit International ?
Limam souligne l’importance de respecter le droit international et dénonce l’hypocrisie occidentale, en particulier celle des États-Unis, qui, tout en prêchant le respect des normes internationales, ont souvent violé ces mêmes principes dans leurs propres actions militaires et politiques.
« Il faut donner au Droit international sa dimension réelle. Le Droit international est une illustration des rapports de forces existants. Quant à son respect, les Etats-Unis ont de tout temps violé ce droit et ont détruit l’Irak au mépris de la légalité internationale. Tout l’occident considère le droit international comme étant utile et valable. Les occidentaux et surtout les Etats-Unis, en comprenant Israël, veulent imposer le respect du droit international aux autres Etats mais ne pas être liés eux même à ce droit », conclut-il.
Wissal Ayadi