Tunisie/ Union européenne : Le mémorandum d’entente sur le partenariat global objet de critiques (Analyse d’un expert)

30-08-2023

La Tunisie a signé, le 16 juillet 2023, un accord de partenariat avec l’UE en présence du président tunisien Kais Saied, de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, et des Premiers ministres italien et néerlandais, Georgia Meloni et Mark Rutte. Si officiellement il s’agit de  d’un « partenariat stratégique » avec la Tunisie, dont l’un des principaux axes porte sur l’immigration illégale, il n’est pas moins qu’un « accord migratoire ». 

Depuis cette annonce, plusieurs Etats européens et notamment l’Allemagne ainsi que des euro-députés se sont insurgés quant au contenu de cet accord, considérant qu’il ne respecte pas les principes des droits de l’Homme, mais également qu’il ait été réalisé sans l’accord de tous les pays membres.  

Pour en savoir plus, nous nous sommes adressés à Ghazi Ben Ahmed, Président et fondateur du think tank, Mediterranean Development Initiative (MDI). 

Ghazi Ben Ahmed, Président et fondateur du think tank, Mediterranean Development Initiative

Un accord sans accords… 

L’accord entre la Tunisie et l’Union européenne continue de provoquer des remous. Ils se font sentir en Tunisie, certes, mais suscitent encore plus de mécontentement au sein de l’UE, elle-même. 

En effet, certains pays membres de l’UE ont exprimé récemment une certaine irritation quant au processus de cet accord, dont ils ont été selon eux exclus. C’est le cas notamment de l’Allemagne. « Les Allemands, par l’intermédiaire de leur ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, (écologiste), est très sensible aux questions de droits de l’homme et de démocratie », nous explique Ghazi Ben Ahmed. 

Une position expliquée par le fait que l’accord de « partenariat stratégique », ne comporte aucune clause qui garantit ces deux notions. D’autant que les images des subsahariens errant dans le désert entre la Tunisie et la Libye sans eau ni nourriture, n’ont fait qu’attiser les véhémences à l’encontre des autorités tunisiennes considérées comme responsables de cette situation. 

« La grande majorité des eurodéputés dénonce la déportation et les exactions faites aux migrants subsahariens », rapporte Ben Ahmed. 

« Il est reproché notamment à l’Italie d’agir sous couvert de la « Team Europe » sans consulter ni le Parlement européen ni les états membres dont l’Allemagne et douze autres pays », poursuit le fondateur et président du think tank MDI. 

A cet égard, les députés européens ont précisé que cette « Team Europe , n’était pas une entité officielle et ne devrait pas être représentée par deux Etats membres d’extrême droite, en l’occurrence l’Italie et les Pays Bas. 

Des objectifs de carrière sur le dos de la Tunisie

« En signant cet accord, Kais Saied devient objectivement un allié des partis d’extrême droite  en Europe qui font de l’immigration leur cheval de Troie », rajoute l’expert. 

Dans ce contexte, ce dernier ne manque pas de rappeler les ambitions des trois protagonistes de l’accord en question: Ursula Ven der Leyen, qui vise le sécréterait général de l’OTAN, Mark Rutte la présidence de la Commission européenne et Girogia Melonia qui souhaite assoir un leadership sur la question migratoire au sein de l’UE.

« Chacun prêche pour sa paroisse et il fallait que cet accord soit vite signé », relève Ben Ahmed. 

Les jeux ne sont pas faits…

D’après Ghazi Ben Ahmed, la rentrée de Septembre risque de faire encore monter la pression. En effet, les débats restent tendus au Parlement européen au sujet du mémorandum Tunisie-Union européenne. 

« Le mémorandum devra être approuvé par les états membres au Conseil européen. Déjà à la rentrée les Allemands vont se réunir afin de réviser l’accord et rajouter des clauses sur la démocratie, rendant ainsi la signature impossible par Kaïs Saïed », considère-t-il. 

« Tout ce qui est considéré comme du court terme et vu de manière sectorielle n’est pas dans l’intérêt de la Tunisie. Il nous faut un accord de long terme qui concerne à la fois la migration légale, illégale, et qui traite de la mobilité professionnelle dans son ensemble. Dans ce mémorandum, Tunis n’a rien à gagner », conclut Ben Ahmed. 

Pour rappel, ce mémorandum prévoit une enveloppe de 150 millions d’euros pour une gestion logistique des migrants et un appui budgétaire de 900 millions d’euros conditionné à  un accord avec le Fonds monétaire international ; un accord qui tarde à voir le jour depuis des mois. 

Wissal Ayadi