La Tunisie s’apprête à entrer dans une nouvelle étape…sombre ou lumineuse (politologue)

Le juriste et directeur de l’école politique de Tunis, Ahmed Driss, a pointé « de nombreuses contradictions » dans le discours du président Kaïs Saïed à Sidi Bouzid. « Je ne suis plus en capacité de comprendre le discours du président de la république, de l’appréhender, selon les outils d’analyses, et d’en saisir la teneur », a-t-il déclaré hier lors d’un entretien accordé au JT d’el-Wataniya, se disant « sidéré quant à l’ampleur des contradictions » dans la parole présidentielle.
Il a fait constater que « le chef de l’Etat avait mis un coup d’arrêt à la constitution, tout en affirmant qu’il y est attaché ».
Selon sa lecture, « les dispositions transitoires que Kaïs Saïed s’apprête à prendre, signifient le passage d’un point à un autre, c’est-à -dire que l’on va passer de la constitution actuelle, (en gardant éventuellement le chapitre 2 relatif aux libertés, tout en éliminant les autres dispositions constitutionnelles), à d’autres règles.
« Le sens des dispositions transitoires induit la mise en place de nouvelles règles inexistantes dans le texte actuel, ce qui signifie que l’on va mettre entre parenthèses l’étape de transition démocratique amorcée depuis dix ans, et entrer dans une nouvelle zone qui pourrait être sombre ou lumineuse », a-t-il souligné en substance.
Selon ses dires, « la constitution est devenue inapplicable tant que le chef de l’Etat considère les institutions qui y sont prévues, comme étant le péril imminent, c’est-à -dire que le président va préparer la mise en place d’autres institutions remplaçant les institutions actuelles jusqu’à ce que le péril disparaisse ».
Le politologue considère que « les professeurs de droit constitutionnel considèrent, en majorité, ces dispositions comme étant inconstitutionnelles, excepté certains qui soutiennent l’avis inverse ».
Il estime, par ailleurs, que le président n’a pas le droit de prendre ces décisions d’une manière unilatérale, en vertu de la constitution actuelle, à moins que la constitution soit suspendue.
Sur la manière dont la classe politique accueillera ces dispositions, il rétorque que « l’éventuelle acceptation de ces dispositions par les acteurs politiques donnerait lieu à un apaisement du paysage politique, qui aura à entrer, le cas échéant, dans une nouvelle étape avec de nouvelles règles et à se préparer à des élections ».
« L’élite est, néanmoins, en état d’attentisme car elle fait face non seulement au président mais aussi à ses soutiens, qui sont des votants et des voix dont les acteurs politiques tiennent compte », souligne-t-il.
Il ajoute que « les observateurs ne voient pas, actuellement le bout du tunnel face au langage dur et quasi-guerrier du président de la république, et son appel à la division au sein de la société, d’où l’affrontement entre deux clans au moins ».
« Ce qui suscite la tension et la suspicion c’est cette volonté de monopolisation de la décision », a-t-il critiqué, appelant à un accord avec au moins deux ou trois parties en vue d’une sortie de crise.
Gnetnews