Du Caire à Monastir : Un réalisateur tunisien raconte son expérience dans un centre d’isolement

14-04-2020

Le réalisateur Marwen Trabelsi était parmi les 78 Tunisiens rapatriés d’Egypte le dimanche 29 mars, et qui ont parachevé dimanche dernier, la période de mise en quarantaine obligatoire, entamée dans un centre d’isolement sanitaire à Monastir.

Ce jeune réalisateur s’est rendu en Egypte pour participer au Festival du film africain Louxour (06-12 mars), avec sa dernière œuvre cinématographique « L’homme qui est devenu un musée ». Il s’est retrouvé coincé au Caire lors de la suspension de la manifestation à cause de la pandémie du coronavirus.

Changement de plan, retour au pays après trois semaines de la date prévue, confinement obligatoire. Marwen Trabelsi s’est confié à Gnetnews pour raconter le long trajet qu’il a traversé pour rejoindre, après tant d’attente son domicile et sa famille…

« Tout a commencé lorsque j’ai appris que  les délibérations autour des prix et la cérémonie de clôture étaient annulées », nous raconte-t-il. « Une contamination a été découverte au niveau du périmètre d’Assouan (Egypte). »

« Ayant acheté en avance le billet du retour de Tunisair, j’ai quitté Louxor, pour aller à l’aéroport du Caire et prendre l’avion. Je me suis retrouvé avec un groupe de Tunisiens qui viennent d’apprendre que tous les vols étaient suspendus pour motif de fermeture de l’espace aérien égyptien et que le rapatriement des Tunisiens de l’Arabie Saoudite et de la Turquie est prioritaire pour les autorités tunisiennes. ». Relate-t-il.

 « Nous étions 78 Tunisiens, ayant payé les billets de retour à des dates différentes. Nous nous sommes retrouvés bloqués au Caire jusqu’au 29 mars 2020 ! Plusieurs voyageurs n’avaient plus de quoi s’acheter un repas ou encore de quoi payer une nuit à l’hôtel…Certains ont même passé la nuit dans la rue.

Heureusement pour moi que j’avais des amis qui m’ont accueilli chez eux, sinon je subirai les mêmes conditions déplorables que mes compatriotes… ». 

Marwen Trabelsi a souligné que les 78 Tunisiens bloqués au Caire se sont adressés à l’ambassade de Tunisie en Egypte pour revendiquer leur droit de rentrer, et de quitter le territoire égyptien surtout qu’ils ont tous payé un vol de retour mais en vain. A cet égard,  l’ambassade tunisienne a répondu qu’un nouveau vol sera consacré pour le rapatriement et sera assuré par la compagnie aérienne EgyptAir.

« Nous devions donc acheter de nouveaux billets alors que la plupart de nous était à sec ! ».

Quand la situation s’est aggravée, et en mettant la pression sur les autorités tunisiennes à travers les réseaux sociaux, la chanteuse Latifa Arfaoui est intervenue. Elle a pris l’initiative de prendre en charge les 78 Tunisiens coincés en Egypte en leur fournissant hébergement et nourriture dans un hôtel au Caire.

Elle s’est même chargée d’acheter les billets d’avion (Tunisair) pour tous les passagers, nous a fait savoir Marwen Trabelsi.

Isolement sanitaire réussi dans de bonnes conditions d’hygiène

« L’avion  a atterri directement à l’aéroport de Monastir Habib Bourguiba. Les autorités ont consacré 4 bus, escortés par la police routière, pour nous transférer au centre d’isolement sanitaire à proximité.

L’objectif était de placer un minimum de personnes dans les véhicules pour maintenir la distanciation sociale entre les passagers, nous-a-t-il expliqué.

Une fois arrivés à l’hôtel, des agents spécialisés ont mesuré la température de tous les rapatriés, et nous ont fourni des bavettes et des combinaisons de protection. Puis chacun était redirigé vers une chambre individuelle, munie de toutes les commodités (frigidaire, nourriture, serviettes, savon…. Certaines familles ont choisi de résider dans une même suite ensemble. Les conditions étaient correctes. Les chambres sont propres. Les repas sont livrés à temps, ainsi que les menus étaient consistants et variés.

En parlant du respect des mesures restrictives au sein du centre de confinement, le réalisateur a souligné que bien qu’il ait été interdit de quitter sa chambre, il n’y avait personne pour surveiller si les mesures de distanciation sociale étaient respectées. « Les autorités ont compté sur la conscience des confinés… ».

Une proximité découverte dans l’éloignement

« Comme l’Homme est un être sociable, la nature l’a fait pour vivre avec ses semblables », dit-il. Pendant ces 14 jours, loin de nos familles, dépaysés et puis transférés à l’isolement, la solitude serait le facteur de trop, pour saper le moral.

 « Nous nous sommes créés différents moyens pour entrer en contact avec nos voisins de palier. A travers la fenêtre, en échangeant nos numéros de téléphone pour s’appeler et lutter contre la solitude et l’ennui. Cette période de confinement m’a démontré que l’Homme ne peut pas vivre en retrait.

L’éloignement nous a poussés à redécouvrir d’autres alternatives de proximité ».

Par ailleurs, le réalisateur Marwen Trabelsi, a fait savoir qu’il a rédigé un journal de confinement qu’il a appelé « les aventures d’un terrestre dans la planète du Covid-19″. Pour lui, cette période d’enfermement a stimulé sa créativité en tant qu’artiste. « C’était également une opportunité inestimable pour lire, et effectuer un retour profond vers soi ».

Emna Bhira