Tunisie/ Six mois de vacances : Les enfants n’en sortiront pas indemnes psychiquement !

17-07-2020

Après un confinement de trois mois, ayant donné lieu à un arrêt des cours, suivi des vacances d’été, les enfants se trouvent livrés à eux même, sans activités culturelles ou encore sportives, puisque les restrictions liées à la lutte contre la propagation de la pandémie se poursuivent jusqu’à l’heure actuelle.

Les enfants et les adolescents auront vécu durant cette année exceptionnelle 6 mois de vacances. Dans quel état vont-ils se retrouver après tant de changements dans leur rythme de vie. Retrait social, distanciation, et précautions continues, peu d’interactions avec le monde extérieur…Que faut-il faire pour les occuper, et éviter une telle période creuse, pouvant nuire à leur santé mentale et impacter leurs capacités intellectuelles.

Docteur Dhouha Becheikh Kallel, psychiatre, a tenté de répondre à nos questions en proposant des alternatives de lutte contre le « néant » que pourraient vivre les enfants et les adolescents, dans cette phase post-Covid-19.  

Psychologie de l’enfant et de l’adolescent

L’ambiance d’incertitude et de peur a engendré l’apparition des symptômes anxieux, touchant aussi bien les adolescents, les enfants que les adultes, nous-a indiqué la psychiatre. La peur d’être contaminé, et le risque croissant a installé une anxiété aiguë chez les parents, qui une fois repérée par les enfants, s’est répercutée sur leur comportement…

Ceci a fini par déclencher des crises de panique, et d’angoisse, des somatisations  au point d’avoir des maux du ventre, ou même de vomir, a-t-elle expliqué. Sans oublier les symptômes du comportement obsessionnel compulsif, lavages répétitifs des mains et du corps, crise d’angoisse à chaque fois qu’un parent rentre à la maison…Tout cela, est encaissé par l’enfant.

Inversion du rythme veille/sommeil

Ces perturbations ont généré des troubles instinctuels, a souligné Dr. Dhouha Becheikh Kallel, à commencer par les troubles de sommeil. D’une part, il s’agit d’un effet direct lié à l’anxiété. D’autre part,  une inversion du rythme veille/ sommeil s’est installée petit à petit à cause de la perte des repères spatio-temporels, à cause de l’absence des cours qui organisaient autrefois le quotidien des enfants.

Comme ils ne fréquentaient plus l’école et n’avaient plus d’occupation durant le confinement, ils passaient la journée devant leurs écrans, téléphones, tablettes ou ordinateurs, jouent à la console. Ils veillaient jusqu’au matin et s’endormaient dans la journée.

S’y ajoute le trouble du comportement alimentaire et la perturbation de l’appétit. Certains enfants se levaient pour faire du grignotage nocturne et mangeaient n’importe comment. Comme ils veillaient tard la nuit, ils faisaient des crises faim. D’autres n’avaient plus d’appétit et frôlaient l’anorexie, nous-a-t-elle expliqué.

Plusieurs enfants ont enregistré une importante prise de poids  (10 kg en deux mois). Ces troubles du comportement alimentaire sont flagrants, et concernent plus les enfants, que les adultes ayant repris leur rythme habituel, et leurs activités qui organisent naturellement leurs habitudes alimentaires.

« Cyberaddiction,le monde virtuel a pris le dessus »

En ne voyant plus leurs camarades, les enfants ont rempli ce vide avec le monde virtuel, a expliqué le psychiatre.  Ces derniers, ont surconsommé les réseaux sociaux durant le confinement, en développant ainsi une dépendance au numérique, voire une cyber-addiction.

Des maux de tête, des yeux, altération du sommeil. Au bout de quelques semaines, ils ont vécu un déclin de leurs capacités intellectuelles également, et des troubles de concentration.

Une occasion pour renforcer la discipline des parents

En effet, le fait de se placer longtemps derrière un écran crée une zone de confort, par l’évitement des contrariétés provenant du milieu social. Il est donc positif de permettre aux enfants de se reconstruire socialement. Jouer avec leurs amis ou voisins, dehors après un long enfermement est conseillé, a précisé Dr Becheikh. A condition, que ce temps de liberté soit limité et encadré par les parents. Les choses reprennent progressivement, mais il faut garder ses précautions…

Même à domicile les parents peuvent les habituer et les éduquer à être impliqués dans le quotidien. A travers l’ergothérapie, ils peuvent opter pour le travail manuel, ranger, nettoyer leurs chambres, et aider les parents dans les tâches quotidiennes. Au final, il faut les responsabiliser. Ça va leur apprendre à mieux gérer leurs affaires, en compensant le sentiment du vide.

« Il serait aussi bénéfique, de les inviter à faire de la lecture, faire des potagers, et du jardinage, voire les occuper par des activités utiles. En effet, ce temps d’arrêt doit être une occasion, pour instaurer la discipline, réorganiser la journée de l’enfant, et l’encadrer, au lieu de les laisser, livrés à eux même  », conclut-elle.

Emna Bhira