Tunisie/ Agriculture biologique : Un secteur en plein essor, Leith Tlemçani en dit plus !

31-01-2022

Les consommateurs de produits biologiques sont de plus en plus nombreux dans le monde. L’augmentation du nombre de maladies et la protection de la planète sont  les deux raisons principales qui les poussent à aller vers une alimentation plus saine. En Tunisie, cette tendance commence à faire des adeptes.

Le nombre de parcelles dédiées à l’agriculture biologique est en pleine expansion et les points de vente font florès, notamment dans la capitale, Tunis.

Afin d’avoir une vision claire de ce secteur nous avons enquêté auprès des professionnels.

La Tunisie, première nation bio en Afrique

En Tunisie, le secteur de l’agriculture biologique a connu un vrai boom. La pandémie de Covid-19 n’a pas touché ce pan de l’économie qui pourrait devenir à terme un véritable levier de croissance dans un pays essentiellement agricole.

D’après les chiffres publiés par la direction générale de l’agriculture biologique au sein du ministère de l’Agriculture, en deux ans les parcelles dédiées à l’agriculture bio ont été multipliées par 20. Ainsi, il existe sur le territoire 320.000 hectares certifiés. Quant aux intervenants dans le secteurs, ils sont 24 fois plus nombreux et atteignent aujourd’hui près de 8000, partagés entre producteurs et commerçants.

Même si ces chiffres peuvent paraître dérisoires par rapport à l’agriculture conventionnelle, le bio a contribué à la dynamisation et à la diversification de l’économie et notamment pendant la crise sanitaire.

En effet, l’agriculture biologique tunisienne a une vocation essentiellement exportatrice. Les demandes émanant de l’international sont de plus en plus importantes. La raison principale est que le Covid-19 a changé considérablement le mode de consommation de la population mondiale, les poussant vers une une alimentation plus saine et respectueuse de l’environnement.

Selon la DGAB, les exportations de produits  bio ont triplé, passant de 36.000 tonnes en 2013 à près de 90.000 tonnes en 2020, constituant 13% du total des exportations alimentaires. L’huile d’olive, les dattes, les produits maraîchers et les plantes aromatiques et médicinales étant les principaux produits exportés.

Une croissance exceptionnelle qui a permis à la Tunisie d’être classée au 30ème rang mondial et première sur le continent africain.

Un climat favorable à l’agriculture biologique

Afin de comprendre les raisons de ce succès, GnetNews s’est entretenu avec l’Union nationale des opérateurs de la filière BIO. UnoBio constitue le seul syndicat qui réunit les acteurs du secteur.

Leith Telmçani, est le président d’UnoBio. D’après lui, le premier avantage de la Tunisie demeure dans le fait qu’elle dispose d’un climat favorable au développement de l’agriculture biologique. « Le climat est sec donc nous n’avons pas beaucoup de maladies et donc pas vraiment besoin de traiter chimiquement les cultures. C’est le cas notamment des oliveraies », nous dit-il.

Selon les chiffres de la direction générale de l’agriculture, seulement 5 % des 2 millions d’hectares d’oliviers sont traités chimiquement par des pesticides. Ainsi, 95 % des oliviers pourraient donc devenir bio.

Par ailleurs, Leith Tlemçani explique que l’autre avantage, et non des moindre, est celui de l’obtention de l’équivalence du certificat tunisien avec les normes européennes. « C’est une avancée qui a été possible grâce au travail de la DGAB. Ainsi, quand une entreprise tunisienne est certifiée bio, ses produits sont compatibles avec n’importe quel certificat européen. Il est donc plus facile d’exporter », indique-t-il.

Ne pas confondre bio et naturel…

Le manque de sensibilisation auprès de la population a fait apparaître une confusion entre le bio et le naturel ou même les standards de qualité. Dans ce sens, Leïth Tlemçani tient a préciser que « le bio nécessite que la matière première n’ait subi aucun traitement phytosanitaires avec des produits chimiques non-naturels et de même pour le processus de production ».

La Tunisie dispose de 5 organismes de certification bio. Pour obtenir ce précieux label, un organisme de contrôle accrédité par le ministère effectue deux visites de contrôle, une inopinée et l’autre annoncée, afin de garantir l’application des bonne pratiques. « Pour être sur de consommer bio, il faut s’assurer que le logo du label soit bien apposé sur les produits », souligne Tlemçani.

Il faut également faire attention aux boutiques spécialisées dans les produits issus de l’agriculture biologique. En effet, depuis quelques années, ils font florès, notamment dans la capitale. « Dans les normes internationales, un magasin qui vend du bio doit également être certifié bio. Pour autant, la loi tunisienne n’est pas encore arrivée à ce stade. Donc il y a beaucoup de boutiques qui se disent bio mais les produits qu’ils vendent ne sont pas tous bio… Ils jouent sur la confusion qui règne entre le bio et le naturel », précise Leïth Tlemçani.

Une offre insuffisante sur le marché local

Si à l’export, les produits bio connaissent une expansion importante, sur le marché local, la consommation demeure encore timide. D’après une enquête de terrain effectuée auprès des points de vente bio, on observe qu’ils sont pour la plupart concentrés dans les quartiers chics de la capitale.

Sur cinq magasins visités, quatre d’entre eux se situent à La Marsa, dans la cité la plus hupée de Tunis. Selon Leïth Tlmeçani, il s’agit une raison pour laquelle il est difficile d’évaluer vraiment le marché local bio. « C’est n’est pas vraiment une clientèle locale. Ce sont pour la plupart des étrangers ou de personnes aisées ».

Les produits sont, en règle générale, 30% à 50% plus chers que les produits conventionnels. Pour s’en rendre compte, il suffit de se rendre dans les hypermarchés qui proposent des rayons spécialisés dans le bio. La majorité des articles sont de marque étrangère et donc importés depuis l’Union Européenne ou encore de la Turquie.

Pourtant, certaines marques tunisiennes essayent de se frayer un chemin. C’est le cas d’une célèbre marque de pâtes. Mais il faudra compter environ 2DT pour 500gr contre 800 millimes dans le non bio. L’huile d’olive est affichée au prix de 10DT les 500ML contre 16DT le litre pour la marque la moins cher dans le conventionnel.

Cette situation est essentiellement due à l’insuffisance de l’offre, explique le président d’UnoBio. « Ce problème est du au fait qu’il n’y pas économie d’échelle et donc pas assez de production pour faire baisser les prix. Prenons l’exemple des tomates. Il n’existe qu’un ou deux producteurs qui fournissent du bio dans les points de vente ».

Avec la crise économique que vit la Tunisie, accentuée par la crise sanitaire, le pouvoir d’achat du Tunisien moyen ne lui permet donc pas de consommer bio.

Pour autant, le syndicat UnoBio ne désespère pas et continue de sensibiliser la population mais aussi les agriculteurs. « Nous nous déplaçons dans les régions dans lesquelles, nous avons lancé des projets avec des petits producteurs en partenariat avec les Groupement de développement agricole. Nous collaborons notamment avec des femmes paysannes pour les convertir dans le bio. Par exemple, nous avons un projet dans le Sud de la Tunisie pour développer la culture de l’ail bio car parmi nos opérateurs, il y a une demande sur ce produits afin de fabriquer de l’harissa bio », conclue Leïth Tlmeçani.

La Tunisie a été sélectionnée pour abriter le prochain congrès mondial de l’agriculture biologique en 2024. Il s’agit d’un évènement organisé tous les trois ans par la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique, IFOAM. Une nouvelle qui prouve que l’agriculture biologique tunisienne à de beaux jours devant elle…

Wissal Ayadi