Tunisie : Des rapatriés témoignent des conditions de confinement dans les hôtels

11-06-2020

La quarantaine obligatoire pour les personnes rapatriées a été l’un des principaux facteurs de la  maîtrise de la propagation du Coronavirus en Tunisie. Leur confinement dans des hôtels a permis de cibler les personnes porteuses du virus grâce à des tests ciblés. Encore aujourd’hui; beaucoup de Tunisiens sont bloqués aux quatre coins du monde en attendant leur rapatriement. Si au départ, la prise en charge a été faite par l’Etat à 100%, depuis le 3 juin tout voyageur venu de l’étranger doit lui-même payer ses frais d’hébergement dans les établissements dédiés. Nous avons recueilli des témoignages de personnes confinées dans ces hôtels. Plusieurs sons de cloches nous ont été donnés.

« Nous ne sommes pas en vacances »! C’est ce que ne cessent de marteler les résidents d’un hôtel 4 étoiles situé dans la station balnéaire de Hammamet. Rapatriés la semaine dernière de plusieurs pays dans le monde, ils ont réservé des chambres comme l’a exigé le ministère de la santé. Un confinement obligatoire d’une semaine, et une autre semaine chez soi. A ce jour 3500 personnes sont en confinement obligatoire dans les hôtels du pays.

Thouraya est arrivée, il y a une semaine de Paris. L’hôtel dans lequel elle réside, elle en a fait la réservation avant même d’arriver sur le sol tunisien. Une exigence mise en place depuis le 5 juin par les autorités afin d’éviter tout problème. « Quand nous arrivons à l’enregistrement en France, on nous demande de fournir le bon de réservation, sinon impossible de monter à bord », nous explique-t-elle.

La décision de facturer aux rapatriés les frais de séjour dans le centre de quarantaine obligatoire a été annoncée le mercredi 3 juin 2020, par Lobna Jeribi, ministre chargée des Grands projets auprès de la présidence du gouvernement, et Mohamed Ali Toumi, ministre du Tourisme.

Les Tunisiens rapatriés  également passer un test Covid-19 pour pouvoir rentrer en Tunisie. Ils devront également payer leur séjour de confinement obligatoire d’une semaine avec les frais de transport compris, avait déclaré le ministre du Tourisme.

Ces frais ont été fixés à 60 dinars (HT) par jour en pension complète pour les hôtel 3 étoiles, à 80 dinars (HT) par jour pour les hôtel 4 étoiles, et à 100 dinars (HT) par jour pour les hôtel 5 étoiles.

« Nous avions eu toutes les informations de comment cela allait se passer à notre arrivée en Tunisie avant même de prendre l’avion », indique Thouraya.

A l’arrivée à l’aéroport de Tunis-Carthage, les voyageurs sont soumis à la prise de température et doivent porter des masques. Après avoir remplie les formalités de police, ils sont invités à récupérer leurs bagages.

Ce circuit est étroitement cordonné par le personnelle de l’aéroport. Ensuite, suivant l’hôtel dans lequel ils ont réservé, un bus est mis à leur disposition pour les y emmener.

De nombreuses personnes rapatriées n’ont pas hésité à réaliser une sorte de journal de confinement visible sur les réseaux sociaux, dès leur arrivée en Tunisie. C’est le cas de Inès, revenue des Etats-Unis il y a presque une semaine. Dans un post Facebook, la jeune femme a voulu mettre en avant les efforts du personnel de l’hôtel. Voici un extrait de son post.

« Los de notre arrivée, à l’accueil de l’hôtel et malgré le nombre important des personnes accueillies, chacune a eu droit à son « Marhbé Bik, Hamdellah alalslemtek » individuellement avec le sourire!

Personnel très aimable ( malgré l’agressivité de certains résidents, compréhensible suite au stress et à la fatigue due au voyage). Toujours super professionnel malgré l’aspect inhabituel et l’ampleur de la tache..

Bons réflexes adoptés par tous ( sans exception a ce que j’ai vu), désinfection automatique de toute surface support accessible au personnel et au résidents,…on a automatiquement désinfecté ma valise que  j’ai reçue plus tard sans la semaine, aucun accès extérieur à l’hôtel, prise au sérieux et traitement de mes demandes sans délai ».

Pour ce qui est de la nourriture, les deux femmes se disent satisfaites du service. « Après tout pour 80DT la nuit dans un hôtel 4* en pension complète, je trouve que c’est très satisfaisant », souligne Thouraya.

Cette dernière a pu nous communiquer quelques photos des différents repas de la journée. « Poisson, viande, légumes, laitage, dessert, nous ne manquons de rien », ajoute-t-elle.

        

En ce qui concerne l’hygiène, les draps sont changés tous les jours et des sacs poubelles sont mis à disposition des clients afin qu’ils puissent jeter les restes de leurs repas et autres déchets, qu’ils doivent ensuite déposer devant la porte pour qu’un agent d’entretien vienne le récupérer.

      

 

Pour autant, Inès admet que s’il y a certains problèmes, ils ne viennent pas du personnel de l’hôtel mais des résident eux-mêmes. En effet, la jeune femme déplore le comportement de certaines personnes. « Le soir des personnes se réunissent dans les chambres, avec de la musique forte. Ils ne prennent aucune mesure de distanciation sociale et ne portent pas de masques. Ils jettent leurs détritus à même la moquette des couloirs alors qu’il y a leur disposition des sacs poubelles », nous dit-elle.

Si l’expérience des deux femmes a été positives, d’autres personnes ont eu moins de chance. En effet, ces derniers jours, sur les réseaux sociaux un certains nombre de vidéos ont été publiées dans lesquelles les résidents déplorent un manque d’hygiène et de service de la part des hôteliers.

Photos également à l’appui, elles n’ont pas hésité à montrer la médiocrité des plats servis. Afin de faire la lumière sur cette affaire de nourriture, nous avons contacté plusieurs hôtels de trois gammes différentes.

Toutes nous ont affirmé que les plats qui étaient servis étaient partout les mêmes dans tous les hôtels dédiés au confinement du pays, quelque soit le nombre d’étoiles.

Nous avons pu aussi recueillir le témoignage de personnes qui ont été confinées le mois dernier lorsque l’Etat prenait en charge la quarantaine des rapatriés. Si au départ des nombreux problèmes ont été relevés, la situation s’est améliorée au fil des semaines.

Youssef a été confiné dans un hôtel à Sousse. Lors de son arrivée, il a été contraint de nettoyer lui même sa chambre. « On nous a donné un sceau, une serpillère et quelques produits pour nettoyer la chambre, alors qu’elle était occupée juste avant nous », nous dit-il. Il explique également que la nourriture restaient à désirer. Afin de manger convenablement, il a demandé à un restaurant de la ville de lui préparer chaque jour sa nourriture en contrepartie d’une rémunération.

En ce qui concerne le suivi médical, les personnes rapatriées seront soumises à un test Covid, 48h avant la fin de leur période de confinement. Celui-ci déterminera leur sortie ou non de l’établissement.

Dans une déclaration accordée à l’agence TAP, le directeur du confinement au ministère de la Santé, Mohamed Rebhi a affirmé que le 14 juin prochain 5000 tunisiens seront rapatriés de l’étranger et qu’ils seront également soumis à la quarantaine obligatoire dans les hôtels. Il a également annoncé l’éventualité d’une levée de cette mesure de confinement contraint à partir du 27 juin, date prévue de la réouverture des frontières. 

Wissal Ayadi