Tunisie : La société civile pointe les insuffisances dans le nouveau code de l’environnement

21-09-2022

C’est en 2019 que les premières équipes ont commencé a élaborer le Code de l’Environnement. Ce n’est finalement que trois ans plus tard que la première mouture a vu le jour, sans qu’elle ne soit officiellement entérinée. En effet, ce texte n’a même pas été soumis au gouvernement ni aux plénières du parlement.

En février dernier, soit deux ans après le premier jet, que le ministère de l’Environnement a décidé d’en revoir la copie. Après deux mois de réunions et de réflexions autour d’experts et d’associations, une nouvelle version a été publiée il y a de cela quelques semaines.

Le Code de l’Environnement est un cadre juridique important, pouvant mettre de l’ordre et de l’innovation dans la législation environnementale. Toutefois, plusieurs questions se posent quant au besoin d’un nouveau Code, le moment choisi, l’approche adoptée et les acteurs impliqués dans cette démarche.

Ces questionnements ont motivé le Réseau Tunisie Verte pour l’élaboration d’un rapport critique du projet de Code de l’Environnement présenté lors d’une conférence organisée ce mercredi 21 septembre à Tunis.

Les intervenants se sont penchés sur quatre thèmes en particulier qui pour eux n’ont pas été assez mis en avant ou juste survolés.

Changement mondial de la gouvernance de l’environnement

D’après eux, le Code de 2013 était déjà insuffisant. « Il faut plus qu’une actualisation. Il faut une refonte complète afin de prendre en compte les changements de la gouvernance de l’environnement au niveau mondial », a affirmé Hekma Achour, juriste et docteure en droit international .

Cette dernière a également souligné que ce texte doit être en harmonie avec la nouvelle Constitution afin qu’il soit dans l’esprit de celle-çi. « Ce texte doit être en mesure de nous dire dans quelle mesure l’Etat doit être le garant de la protection de l’environnement et de définir le rôle du citoyen dans ce domaine. Le texte de 2013 n’était pas clair a cet égard et celui de 2022 non plus », a-t-elle fait savoir.

Boubaker Houman, militant écologiste et membre historique de l’Association des amis du Belvédère a estimé quant à lui que ce nouveau texte n’est qu’une continuité de l’ancien. « Nous sentons une sorte de timidité et un manque d’audace dans le texte. Nous devons bousculer l’existant pour avoir le mieux »,a-t-il lancé à l’assistance.

Revenant sur les ressources naturelles et leur utilisation non-durable, Hekma Achour a indiqué que la question des écosystèmes a été traité dans le nouveau Code de manière déséquilibré. « Ce chapitre n’a été traité que sur une page et il renvoie au Code forestier qui est lui même archaïque. Il faut se baser sur une approche écosystémique afin de replacer l’être humain au cœur de la nature pour le rendre responsable et lui faire rendre compte de son rôle à jouer dans la préservation de l’environnement », a-t-elle dit.

Mme Achour a, par ailleurs, déploré l’approche sectorielle de ce nouveau texte rappelant que la question environnementale doit mobiliser tous les ministères.

Autre intervenant lors de cette conférence, Nidhal Attia figure emblématique du militantisme écologique en Tunisie. Il a souligné que les changements climatiques était le grand absent de la relation du code du l’environnement. « La gestion du climat doit être traitée du point de vue de la justice et de la sécurité climatique, d’autant que cette dernière notion est inscrite dans la Constitution. Or ici ce n’est pas le cas. Les populations vulnérables aux changements climatiques sont en constante augmentation », a-t-il remarqué.

Il a également déploré que les changements climatiques n’apparaissent nulle part dans le chapitre dédié aux actions. « La résilience n’est quant à elle mentionnée qu’une seule fois ».

Concernant le contrôle et les sanctions, Amel Jrad, membre du réseau Tunisie Verte a vanté quelques améliorations. Mais elle a tout de même nuancé en précisant que les sanctions infligées aux entreprises / industries polluantes ne sont pas claires, malgré des montants d’amendes très fortes.

Elle explique notamment son propos en affirmant que le nouveau texte est flou par rapport aux organismes de contrôle. « On ne peut pas sanctionner sans bien contrôler », a-t-elle affirmé.

Enfin le dernier thème abordé a été celui de la responsabilité sociétale des entreprises qui désigne la prise en compte par les entreprises, sur une base volontaire, et parfois juridique, des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités.

« Aucun chapitre n’a été dédié à cette question alors que se sont les entreprises qui sont les plus polluantes », indique a ce égard, Seif Ben Youssef, juriste. Ce dernier a fait référence au devoir de vigilance des entreprises, notion présente dans tous les Codes de l’Environnement des pays du monde, précisant que la France, par exemple, en a même fait une loi.

Wissal Ayadi