La Tunisie à la Cop 27 de Charm El Cheikh, une occasion pour solliciter l’appui des bailleurs de fonds étrangers

08-11-2022

La 27e conférence des parties à la Convention Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 27),  a ouvert ses travaux hier dimanche, 06 novembre, à Sharm El Sheikh-Egypte, et se poursuit jusqu’au 18 novembre 2022. La Tunisie est représentée par une délégation ministérielle conduite par la Cheffe du gouvernement, Najla Bouden, ainsi que des experts en climatologie et personnalités de la société civile.

Un événement devenu crucial au fil des années pour espérer un meilleur avenir pour notre planète frappée de plain fouet par les effets néfastes des changements climatiques.

De son côté, la Tunisie a toujours été un fervent participant à ce rendez-vous et aux différents accords et protocoles qui ont pu être signés en vue de réduire et combattre ces changements climatiques.

Pour en savoir plus sur les enjeux  cette COP pour la Tunisie, nous nous sommes entretenus avec Mr Zouheir Hlaoui, professeur en climatologie à l’université de Tunisie et membre de l’Association tunisienne des changements climatiques et du développement durable (2C2D), qui est présent à cette COP 27, en Egypte.

La Tunisie est un des pays les plus vulnérables aux changements climatiques

Dans un premier temps, Zouheir Hlaoui explique que cette COP intervient dans un climat géopolitique un peu délicat avec notamment la guerre russo-ukrainienne et une crise économique mondiale qui cause un certains nombre de pénuries alimentaires et des problèmes au niveau des énergies fossiles, essentiellement le gaz et le pétrole, qui sont en outre, les premiers responsables des gaz à effet de serre et donc du réchauffement climatique.

La Tunisie est très bien ancré dans le mouvement, à l’échelle internationale, de la lutte contre les changements climatique puisqu’elle est signataire de toutes les résolutions et protocoles d’accord qui ont pour but la lutte contre ces changements climatiques.

Ce qui est presque une nécessité pour la Tunisie puisque selon Mr Hlaoui, le pays appartient à une partie du monde qui est la plus touchée par les conséquences des changements climatiques. « En réalité nous ne produisons seulement que 0,07% des gaz a effets de serre à échelle mondiale. Mais puisque notre situation géographique nous a donné une position entre trois continents, en face d’une mer qui se trouve à nos frontières nord et est, nous sommes par conséquent un des pays les plus vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques », nous dit-il.

Et cette vulnérabilité nous coute cher d’abord du point de vue économique. A cet égard, l’expert nous explique que notre économie est basée essentiellement sur l’agriculture qui est le premier secteur à être affecté. « Nous avons des problèmes en terme d’accès, de gestion et de qualité de l’eau qui ont de lourdes conséquences sur notre agriculture puisqu’elle est essentiellement basée sur l’eau », poursuit l’expert.

Notre secteur économique se base également en grande partie sur le tourisme. Ici, c’est le sujet de l’érosion des côtes, suite à la montée des eaux, et l’apparition d’espèce invasives sur le littoral qui interviennent et qui doivent être discutés lors des négociations à la COP 27.

La Tunisie a besoin de financements

Le professeur Hlaoui, indique que pour remédier à tout cela, la Tunisie a besoin de savoir et de savoir-faire pour lutter contre les changements climatiques et remédier à leurs effets néfastes.

« Nous avons aussi besoin d’argent pour financer les répercussions des rejets de gaz à effet de serre que nous subissons malgré nous », affirme-t-il.

Ainsi, cette COP 27 sera l’occasion de solliciter l’appui de bailleurs de fonds étrangers. Ces derniers ont proposé des sommes très importantes, comme les Etats Unis qui ont alloué une enveloppe de 100 milliards de dollars au Fonds Vert pour le climat et le fonds d’adaptation. Mais entre temps, Zouheir Hlaoui, souligne que les bailleurs ont durci les conditions d’accès à ces financements, ce qui complique la tâche aux pays en développement ou sous développés.

« A la COP il y a une mouvance qui milite pour la mise à disposition de fonds au titre de dommages et préjudices, mais les pays développés, qui sont en majorité responsables de ces changements climatiques, ne veulent pas donner leur aval pour ces financements ».

« Ce que nous attendons de la COP 27, c’est que ces problèmes soient discutés et surtout résolus. Ils doivent débloquer plus d’argent et faciliter l’accès aux financements aux pays qui sont le plus touchés par les changements climatiques », ajoute le professeur en climatologie.

Groupes de pression

La délégation tunisienne qui participera à la COP27, regroupera des représentants de plusieurs ministères (Affaires étrangères, Environnement, Finances, Economie, Industrie, Agriculture, Santé, Tourisme, Enseignement supérieur …), en plus des organisations nationales (Utica et Ugtt), de la société civile, des experts nationaux et internationaux, et des jeunes négociateurs. Cette délégation se déplacera à Sharm El-Sheikh (Egypte) pour contribuer à la prise de décision relative à l’exécution, le suivi et l’évaluation des conventions des Nations unies sur le changement climatique.

« Il va falloir se battre contre de gros lobbys qui tirent chacun vers leur propres intérêts. Nous appartenons  à trois groupes de pression à la COP: le groupe Arabe, le groupe Afrique et le groupe 77+Chine. Nous luttons dans ces groupes pour assurer l’accès aux financements, aux savoir-faire et connaissance. Nous sommes dans l’urgence puisque les conséquences des effets des changements climatiques sont palpables. Il n’y a qu’à voir la vague de chaleur que nous avons subie jusqu’à cette automne, et le manque de pluie très critique », relève l’expert.

L’association 2C2D fait également partie du Climate Action Network Arab World. Elle associera ses efforts à d’autres associations internationales pour faire pressions sur les décideurs pour permettre  de lutter plus efficacement contre les changements climatiques. Surtout que le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), a mentionné que la Tunisie est encore loin des objectifs.

« Pour la Tunisie, nous œuvrons dans trois groupes de pressions et nous espérons que nos voix soient bien entendues. Toutefois il est important de rappeler que cette COP n’a pas pour objectif de rentrer avec des projets ou des financements, mais avec des décisions prises à l’échelle internationale qui baliseront la route pour un meilleur accès aux financements », précise Zouheir Hlaoui.

« La présidence égyptienne  a été très optimiste puisqu’elle a estimé qu’il s’agira d’une COP de réalisation de ce qui a été discuté à Glasgow à la COP 26, mais je doute fort que le contexte géopolitique mondial actuel le permette », conclut-il.

Wissal Ayadi