Tunisie : Immersion dans les oasis de Tozeur, face au calvaire des producteurs des dattes (Reportage)

08-11-2021

L’huile d’olive et les dattes sont les deux produits phares de la Tunisie. Notre pays est le premier pays exportateur de ces denrées au niveau mondial que cela soit dans l’agriculture traditionnelle ou biologique.

Riche en fibres, sucre, vitamines, minéraux et anti-oxydants, la datte  possède des qualités nutritionnelles incroyables qui font d’elle un véritable trésor pour la Tunisie. En ce mois de novembre, la saison de la cueillette bat son plein dans le sud Tunisien. Même si la Deglet Nour Tunisienne continue de bien s’exporter, les exploitants eux, font face à de nombreux problèmes: augmentation des matières premières, maladies, concurrence déloyale…

Ainsi, Gnetnews s’est rendu à Tozeur afin de rencontrer des producteurs de dattes. Reportage.

Nos oasis couvrent plus de 40.000 hectares et abritent environ 5 millions de palmiers dattiers. Les oasis de Gabes et Gafsa sont considérées comme traditionnelles et celles de Keblili et Tozeur comme continentales. Ces dernières représentent, à elles seules, plus de 80% de la superficie des oasis.

La variété la plus connue est bien la Deglet Nour et constitue plus de 70% de la production nationale. C’est celle qui est la plus demandée par le consommateur car elle est mielleuse. Elle est facilement reconnaissable grâce à sa chair transparente de couleur dorée.

Dattes de Tozeur

Après Kébili, le gouvernorat de Tozeur est le territoire qui produit le plus de dattes en Tunisie. En nous y rendant, nous avons pu rencontrer Mr Aref Neji, responsable régional de l’Union Nationale de l’Agriculture et de la pêche à Tozeur. Selon lui, les exploitants de dattes souffrent de nombreux problèmes de plus en plus graves. Il explique que les deux dernières saisons ont été très difficiles pour les producteurs. En effet, la pandémie de Covid-19 a ralenti les exportations de dattes, les mettant en difficulté.

Tozeur dispose de 9200 hectares de parcelles dédiées aux palmiers dattiers. « Il y a de plus en plus de parcelles qui ont été créées pour l’exportation des dattes ayant fait augmenter la production, alors que la demande ne suit pas. Sans parler des hectares de parcelles qui ne sont pas légales mais qui sont comptées dans la production », explique Aref Neji.

Parmi les autres problèmes évoqués, le syndicaliste indique qu’un palmier coute de plus en plus cher. En cause le prix des certaines matières à largement augmenté. « Le plus flagrant c’est bien sur la moustiquaire qui nous permet de préserver l’arbre des maladies et de la pluie. Elle est passé de 300 millilmes la pièce il y a quelques année à 1DT l’unité maintenant », nous dit-il.

Dattes enveloppées dans des moustiquaires pour prévenir les vers et la pluie / Tozeur

La loi qui régit actuellement la filière ne leur permet pas de fixer leurs prix ni d’exporter directement leur production à l’étranger. Ils doivent donc obligatoirement passer par des collecteurs mandatés par les exportateurs pour acheter les dattes cueillies dans les palmeraies. Aref Neji déplore les bas prix qui ne couvrent pas les coûts de production, surtout que la majorité des agriculteurs du Jérid sont des petits producteurs.

« Quand un commerçant ou un exportateur vient pour acheter des dattes, il les choisit alors qu’elles sont encore dans l’arbre au mois de juillet. Si auparavant, quand la moustiquaire était à 300 millimes nous arrivions à vendre le kilo à environ 3DT, aujourd’hui nous la vendons à 1DT », indique Aref Neji.

Ainsi, les agriculteurs n’arrivent plus vraiment à joindre les deux bouts laissant les exportateurs faire la pluie et le beau temps. « Celui qui vendait avant pour 30.000 dinars ne vend plus que pour 8000 dinars pour la même quantité », souligne-t-il.

La Pandémie de Covid-19 a également eu un effet très négatif sur les producteurs de dattes. Le gel de leurs activités a provoqué un retard dans le paiement des charges liées notamment à l’eau.

D’après Aref Neji, pour 2020, la dette est d’environ 17 milliards de dinars, auxquels ils faut ajouter les 12 milliards de 2021 correspondant au montant des charges liées aux réserves d’eau (84 en tout  à Tozeur), mis à disposition des agriculteurs pour l’irrigation des parcelles. « Il faut que l’Etat nous aide à trouver une solution auprès des opérateurs publics pour régulariser notre situation et aider les petits exploitants qui sont majoritaires dan la région ».

Travailleurs en train de trier les dattes / Tozeur

Autre fléau qui nuit à la production de ce produit, l’apparition de la maladie du « Bayoud » qui touche les palmiers. « Le prix des médicaments a largement augmenté et les quantités sont de plus en plus restreintes », nous dit le syndicaliste. Il ajoute que 30% de la production a été frappée par cette maladie.

Aref Neji appelle les pouvoirs publics à agir d’urgence pour le secteur des dattes. Selon lui, les difficultés auxquelles font face les agriculteurs poussent de plus en plus à l’abandon et à la vente de parcelles au profit su secteur de l’immobilier.

A cet égard, Néji exhorte le Groupement Interprofessionnelle des dattes (GID) a tenir son rôle de régulateur des prix. « Le GID ne fait aucun contrôle et n’a rien fait pour baisser le prix des moustiquaires et trouver une solutions pour les médicaments.

Les changements climatiques ont eu de lourdes conséquences, notamment sur la production de cette saison. « La qualité des dattes sera moindre pour cette saison », affirme le président de l’URAP Tozeur.

Pour autant, la récolte sera bonne, puisqu’elle est estimée à environ 62.000 tonnes pour Tozeur qui se taille la part du lion. Par cette quantité, 45.000 tonnes de Deglet Nour sont prévu, le reste étant constitué d’autres variétés moins prestigieuses.

Retrouvez dans la vidéo ci-dessus notre reportage vidéo dans une palmeraie de Tozeur.

Wissal Ayadi