Tunisie/ Dépression saisonnière : Origine, symptômes et guérison (Dr. Imen Berrahal Akakzia)

13-10-2021

Qui dit automne, dit aussi la dépression saisonnière ou le trouble affectif saisonnier (TAS). Coup de blues, fatigue, et irritabilité, durant cette période les conséquences des modifications hormonales sont induites par la baisse de luminosité, explique Dr. Imen Berrahal Akakzia, psychiatre, dans un entretien accordé à Gnetnews.

Cette maladie souvent banalisée par la population, peut avoir de graves conséquences sur le quotidien des personnes atteintes. Elle est très fréquente et touche en moyenne une personne sur 10.

En Tunisie, la dépression saisonnière se manifeste au mois d’octobre et novembre, marqués par un temps nuageux et un manque de luminosité, contrairement à l’occident, où le trouble affectif de l’humeur se prolifère dès le mois de septembre, durant lequel il y a 20 fois moins de lumière naturelle par rapport à l’été.

Comment repérer et prévenir ce trouble de l’humeur ? Quelles sont les personnes les plus susceptibles à subir les effets du manque de luminosité ? Ce trouble, touche-t-il les enfants aussi ?

Dr. Imen Berrahal Akakzia, une psychiatre installée à Tunis, a bien voulu répondre à nos questions.

Comment diagnostiquer un trouble affectif saisonnier ?

Quand un état dépressif est vécu durant l’automne ou l’hiver, pendant plus de 15 jours, deux années de suite durant la même période de l’année, on peut confirmer qu’il s’agit d’un trouble affectif saisonnier.

C’est aussi une dépression, mais qui ne dure qu’un épisode chaque année pendant une durée bien déterminée. Dans les cas les plus graves, la dépression saisonnière peut persister et se transformer d’un simple coup de blues à une dépression chronique, accompagnée d’idées noires ou suicidaires.

Les symptômes de la dépression saisonnière diffèrent légèrement de ceux d’une dépression. La personne atteinte du trouble affectif saisonnier souffre certes de tristesse, d’irritabilité, d’isolement et d’une dévalorisation de soi, mais aussi de somnolence, perte d’intérêt, manque de concentration, troubles du sommeil ; insomnie, hypersomnie ou clinophilie, durant laquelle le patient préfère rester alité au lieu de quitter son lit.

La prise de poids et l’hyper consommation de sucre sont aussi parmi les symptômes qui distinguent le TAS, contrairement à la dépression durant laquelle le patient perd l’appétit et maigrit.  

Quelles sont les causes responsables du déclenchement de ce trouble ?

Ce trouble est lié essentiellement au manque de la lumière durant ces deux saisons. Face à une baisse de luminosité, le taux de mélatonine, l’hormone qui provoque le sommeil augmente. Parallèlement, la diminution de la lumière entraine la baisse de la sécrétion de sérotonine, appelée aussi l’hormone du bonheur, responsable de la régulation des comportements, l’humeur, l’anxiété ou encore de l’apprentissage.

Par conséquent, la période de transition entre les saisons, perturbe l’horloge biologique du corps. En revanche, il existe des personnes plus susceptibles à subir les effets psychologiques d’une telle baisse de lumière. En général, des facteurs génétiques sont impliqués. Dans plusieurs cas, le trouble affectif saisonnier est héréditaire et touche autant les femmes que les hommes.

Existent-ils des facteurs aggravants ?

Évidemment. Les personnes qui passent leurs journées au bureau ne reçoivent pas assez de vitamine D, synthétisée sous l’action des rayonnements UVB du soleil. Les employés qui ont une surcharge de travail au bureau et au domicile, qui se reposent et dorment rarement sont susceptibles à subir les méfaits du TAS.

 Ceux qui ne pratiquent pas du sport, qui souffrent d’un dérèglement horaire à cause du manque de sommeil, sont également plus exposés à ce trouble. Il existe aussi d’autres facteurs qui précipitent l’atteinte par la dépression saisonnière, comme l’hyper consommation des graisses, les addictions aux drogues et à l’alcool.

Les troubles affectifs saisonniers touchent-ils les enfants aussi ?

 Chez l’enfant, on parle plutôt  d’un trouble de l’adaptation, qui se manifeste par une tristesse et une irritabilité, pendant pas plus de 15 jours. Si ces symptômes persistent, il doit y avoir un autre facteur sous-jacent, liée à des problèmes à l’école, au domicile ou provenant de son entourage. La dépression saisonnière concerne surtout les adultes.

Comment traiter le TAS ?

On commence par changer l’alimentation, en privilégiant les aliments riches en tryptophane, qu’on trouve dans les noix et les noix de cajou, cacahuètes et graines. Il vaut mieux consommer les aliments riches en magnésium, chocolat noir 70%, bananes, et dattes. Les repas riches en Oméga 3 sont aussi recommandés, à base de poissons bleus, huile d’olive et de tournesol, à condition qu’ils ne soient pas fris. Boire 2 Litres d’eau par jour.

Les patients TAS doivent aussi combler leur manque en vitamine D qu’on trouve dans des ampoules en pharmacie. Une marche quotidienne de 30 minutes le matin ou avant le coucher de soleil est conseillée. Dormir 8h la nuit, et profiter d’un sommeil intense entre 11h et 2h, durée pendant laquelle la mélatonine est sécrétée par l’organisme. Supprimer aussi les siestes qui durent plus de 30 minutes, pour ne pas déréguler son horloge biologique.

La luminothérapie  (s’exposer à la lumière artificielle blanche d’une lampe à large spectre) est aussi un autre traitement du TAS. Il est souvent prescrit aux personnes qui ne peuvent pas sortir, souffrant de phobies sociales.

Le TAS peut aussi être traité par une thérapie cognitive et comportementale (TCC), qui consiste à un travail sur la confiance en soi, afin que le patient soit plus apte à gérer son temps et le stress vécu au quotidien.

Le dernier recours pour les cas les plus graves, est laissé pour les médicaments antidépresseurs.

Propos recueillis par Emna Bhira