Dispositions exceptionnelles : La rue tunisienne favorable à la prorogation, mais ne cache pas ses inquiétudes

24-08-2021

Un mois s’est écoulé depuis l’annonce des mesures exceptionnelles par le Chef de l’Etat Kaïs Saïed, le délai que s’est fixé Kaïs Saïed pour la suspension des travaux de l’Assemblée, et la levée de l’immunité parlementaire sur ses membres. Mais, comme cela était attendu, le chef de l’Etat a décidé dans la nuit de lundi, tout juste avec l’expiration des délais, la prorogation de ces dispositions jusqu’à nouvel ordre.

A l’heure qu’il est, le locataire de Carthage occupe, seul le pouvoir exécutif, en attendant la désignation d’un nouveau chef du gouvernement.

Que pensent les Tunisiens du prolongement de ces dispositions exceptionnelles ? Font-il confiance à Kaïs Saïed ? Quels sont les scénarios, envisageables, face à cette situation qui demeure émaillée d’ambiguïtés ?

Les citoyens que nous avons rencontrés sur l’Avenue Habib Bourguiba  sont, en majorité, favorables aux les décisions du Président de la république. Certains n’ont pas néanmoins, caché  leurs inquiétudes envers le retour d’un éventuel régime dictatorial.

Pour ce poète rencontré près des arcades (Bab Bhar), ce que le pays a vécu avant le 25 juillet représentait un danger imminent pour la Tunisie. Anarchie au sein de l’ARP, mauvaise gestion des instituions de l’Etat, corruption… D’où la justesse des décisions de Kaïs Saïed.

Ce citoyen a exprimé également son inquiétude concernant l’éventualité de se retrouver avec un président en possession de tous les pouvoirs. « Au cas où le chef de l’Etat décède, qui prendra la suite ? Il faut donc avoir une vision claire et annoncer une feuille de route qui précise le régime politique que la Tunisie adoptera dans l’avenir ».

Ce dernier nous a confié également qu’il s’inquiète pour les acquis de la Tunisie depuis la Révolution, notamment les libertés individuelles.

Au sujet de la dissolution du bureau exécutif du parti Ennahdha par son leader Rached Ghannouchi, notre interlocuteur a répondu que ce dernier tente de jouer sa dernière carte. « En écartant ceux qu’il considère comme étant responsables de l’échec de son parti, il souhaite convaincre les Tunisiens de sa volonté de dialogue avec la présidence. Mais c’est trop tard, le peuple a déjà tourné la page et les islamistes ne figurent plus dans le paysage politique », lance-t-il.

Un autre Tunisien, résidant à l’étranger, nous a indiqué qu’il est pour la dissolution du parlement, et recommande un régime présidentiel.

« Le peuple doit appuyer cette vision partagée implicitement par Kaïs Saïed. Le parlement pèse lourd sur le budget de l’Etat, alors qu’il existe des citoyens qui peinent à assumer quotidiennement le coût de la vie ».

Un retraité était du même avis. « Je ne suis pas satisfait du rendement des députés. D’ailleurs, le chef de l’Etat doit lui-seul diriger le pays ».

Nombreux sont les citoyens qui souhaitent un retour du régime présidentiel avec un minimum de parti politique. « La corruption règne dans les partis politiques », a souligné un père de famille, recommandant un retour à un système de parti unique, comme c’était le cas sous le règne du feu Zine El Abidine Ben Ali.

Concernant la nomination d’un chef de gouvernement, un jeune d’une trentaine d’années estime qu’il n’est pas la peine de se presser. « Pendant 10 ans, nous avons eu des gouvernements qui ont été nommés de manière irréfléchie,  et cela n’a pas marché. Alors je suis pour que Kaïs Saïed prenne sont temps », a-t-il dit.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi