Edito / Fuite des cerveaux : L’appel du large pour la jeunesse tunisienne
La fuite des cerveaux, voilà un phénomène qui prend de l’ampleur en Tunisie, et ce, sans que personne ne semble vraiment s’en émouvoir. Chaque année, des centaines de jeunes talents désertent le pays, poussés par l’appel des sirènes d’un avenir prometteur ailleurs. Santé, recherche scientifique, ingénierie… tous ces secteurs cruciaux subissent une hémorragie inquiétante.
Les statistiques sont éloquentes. Selon l’Institut national de la statistique (INS), entre 2015 et 2020, ce sont pas moins de 39 000 ingénieurs et 3 300 médecins qui ont fait leurs valises. Récemment, Wajih Khelifi, président de l’ordre des architectes de Tunisie (OAT), a mis en lumière le départ de près de 300 architectes ces deux dernières années. Les destinations ? Canada, Allemagne, et pour quelques chanceux, les pays du Golfe.
Mais qu’en est-il des promesses d’un meilleur avenir dans leur patrie ? Dans un pays où 46 % des habitants songent à quitter leur terre natale, selon le dernier Arab Barometer, la situation est alarmante. En 2011, à peine 22 % des Tunisiens envisageaient un tel départ. En l’espace d’une décennie, ce chiffre a grimpé en flèche pour atteindre presque la moitié de la population. Si l’on prend en compte que 71 % des jeunes de 18 à 29 ans désirent également partir, il y a de quoi se poser des questions sur l’avenir de notre jeunesse.
L’économique, bien sûr, est au cÅ“ur de cette problématique. La majorité des candidats à l’émigration cite des raisons financières, notamment en Tunisie où 89 % des sondés pointent le manque d’opportunités comme principal motif de leur envie de départ. Étrangement, lors de son discours d’investiture, le président Kaïs Saïed, récemment réélu pour un second mandat, a érigé la jeunesse et l’emploi des jeunes en priorité absolue. Peut-être a-t-il tiré les leçons de ce scrutin où seuls 6% des moins de 35 ans se sont déplacés aux urnes…Â
Alors, qu’attend-on pour inverser cette tendance ? Difficile de blâmer les jeunes qui, face à un avenir incertain, choisissent de prendre leur envol. Mais il est grand temps de se demander pourquoi nos cerveaux, si brillants soient-ils, préfèrent s’exiler plutôt que de contribuer à l’édification de leur propre pays. L’engagement en faveur de l’emploi des jeunes ne peut plus rester un simple slogan accrocheur, il doit se traduire par des actions concrètes.
En attendant, nous continuerons à voir nos jeunes diplômés traverser les frontières, espérant trouver ailleurs ce que leur terre natale ne leur offre pas. Peut-être que l’avenir de la Tunisie se dessine au-delà de ses frontières, mais il serait grand temps de commencer à écrire cette histoire ici, avant qu’il ne soit trop tard.
Gnetnews