Edito: Silence, on élit !

01-10-2024

Ce dimanche 6 octobre, la Tunisie s’apprête à vivre un moment démocratique et historique… ou presque. On aurait pu s’attendre à l’effervescence d’une élection présidentielle, mais l’ambiance est à l’opposé de ce que l’on imagine. Les rues, d’ordinaire tapissées d’affiches et animées par des débats passionnés, semblent s’être accordées sur un mot d’ordre : « silence, on élit ».

Difficile de se rendre compte qu’un scrutin approche, tant l’intérêt des Tunisiens pour cet exercice démocratique semble… minimal, pour ne pas dire inexistant. Pas de foules enthousiastes, pas de candidats charismatiques criant leurs promesses sur tous les toits. Il faut dire qu’avec seulement trois candidats en lice, dont un qui fait campagne depuis sa cellule, le suspense est presque réduit à une formalité administrative. Loin sont les élections passées où une vingtaine de candidats se bousculaient pour le titre suprême. Cette fois-ci, la file est courte, et même le cÅ“ur de l’électeur semble battre au ralenti.

Ah, et ce fameux amendement de la loi électorale ! Quel feuilleton ! Changer les règles du jeu à la mi-temps, c’est sûr, ça pimente la partie. Mais pour qui joue-t-on exactement ? Pour les spectateurs que sont les citoyens, ou pour ceux qui fixent les règles dans l’ombre ? La réforme a fait du bruit, mais finalement, elle semble avoir laissé les électeurs encore plus perplexes. Pas d’explications claires, pas de décryptages, juste une confusion grandissante.

Et que dire des programmes des candidats ? On cherche, on fouille, mais on ne trouve pas grand-chose. Les questions économiques, sociales, essentielles pour une Tunisie en quête de repères, sont étrangement absentes du débat. On évoque vaguement les grandes réformes, mais les détails, eux, restent bien cachés. Peut-être sont-ils dans un tiroir, tout près des promesses de campagne… si l’on en a encore.

Quant à la jeunesse tunisienne, elle regarde ce spectacle avec lassitude. Les défis qui la concernent directement, comme l’emploi, l’éducation ou les perspectives d’avenir, semblent relégués au second plan. Pourtant, cette génération est en première ligne des difficultés du pays. Mais pourquoi se fatiguer à offrir des solutions à ceux qui n’ont même plus la force d’y croire ?

Alors, dimanche, on votera. Peut-être. Avec l’enthousiasme d’un spectateur venu assister à une pièce de théâtre déjà jouée trop de fois, dont on connaît la fin avant même le lever du rideau.

Bonne élection, Tunisie.

Wissal Ayadi