Tunisie : Extravagance et anti-conformisme, une manière d’être choisie et assumée !

28-09-2022

S’habiller, c’est est aussi impressionner, détourner les regards et se distinguer estiment les personnes qui passent des heures devant la glace, à choisir le style du jour en essayant une vingtaine de tenues avant de sortir. Sachant que les vêtements révèlent qui nous sommes, à travers un langage symbolique et non verbal, les amoureux des apparences ne se permettent aucune faille. Pour se présenter, il faut qu’ils soient sur leur 31. D’autres plus excentriques, s’offrent des pièces uniques ou rares, confectionnent des tenues sur mesure et n’hésitent pas à se démarquer, et à utiliser leurs habits comme leur identité. Ces gens sont toujours à  la recherche de l’originalité et font tout pour ne pas ressembler aux autres. D’autres anticonformistes, refusent de s’habiller comme tout le monde et cherchent à se créer un monde à part…Reportage.

Original, bizarre, marginal… être excentrique fascine et dérange

Sabrine 20 ans, elle a opté pour look « Street style » appelé SWAG, ce qui signifie s’habiller d’une manière charismatique tout en restant décontracté. Survêtement, pantalons larges, casquettes, accessoires tape à l’œil. Un look lié au rap américain, sa passion. Ecouter la musique hip hop, le rap, la danse et le basket sont ses passetemps favoris. En nous expliquant son choix vestimentaire, elle nous a confié que depuis toute petite, cette jeune fille passait inaperçue. « Au collège, je n’arrivais pas à me différencier, j’étais un enfant timide et une élève pas très sociable. Donc j’ai voulu créer mon propre style qui exprime ma personnalité. Le problème c’est que mes parents sont  dérangés par mes habits qui attirent tous les regards, en passant dans la rue. Ils s’inquiètent pour mon avenir professionnel, car ce style original peut être bizarre au boulot, et donc déranger les recruteurs », explique Sabrine. « Les gens demandent parfois de me prendre en photo ou me photographient en cachette. Cela me fait tellement plaisir d’être vue comme une célébrité. Certains n’hésitent pas à engager la discussion, pour exprimer leurs impressions, et ça m’enchante réellement, d’avoir réussi mon look excentrique », nous confie-t-elle fièrement.

Nous avons aussi contacté Rami, un quarantenaire qui dirige un espace de spectacle. Pour lui, le look est primordial dans son travail. Artiste dans l’âme, il ne met que des couleurs chatoyantes ou encore fluo. Ses chaussures doivent se distinguer également avec des textures python, dorures, des souliers artisanaux créés par des créateurs, et ces pièces sont accompagnées souvent avec des chaussettes aux imprimés de dessins animés aux tons flashy. Pour cet homme, avoir du style c’est se démarquer du lot et provoquer la surprise chez l’autre, même en se donnant en spectacle. « Les gens me font souvent des remarques sournoisement, se moquent de mon gout et me perçoivent rarement positivement. Ils pensent que je suis infantile. Certains ne me prennent pas au sérieux, mais je continue à garder confiance en moi, car c’est une question d’ouverture d’esprit et d’acceptation de soi…Je suis aussi convaincu que la société a été toujours dure dans ses jugements et accepte mal l’individualité. Tant que je n’outrepasse pas la loi, j’ai le droit d’être libre dans mes choix vestimentaires et de m’affirmer du moins. Pour moi, s’habiller est un réel plaisir, même si ça m’amène plusieurs déconvenues. Mon style a été un frein pour plusieurs femmes que j’ai rencontrées, qui appréciaient au début mon gout pour l’originalité, et qui ont honte de me présenter à leurs familles. C’est certes blessant, mais je continue à avoir la foi, que je vais trouver la perle rare, qui sera comme moi, excentrique, bizarre, et original ».

L’extravagance comme mode de vie

Par ailleurs, l’excentricité ne concerne pas seulement les vêtements. Etre anti conformiste peut aussi aller jusqu’à adopter un serpent domestique. C’est le cas de Lamia, une enseignante au secondaire. Elle élève trois serpents chez elle, qu’elle garde dans un terrarium en verre, installé au salon. « Ma passion pour les reptiles a choqué ma fille au début, et maintenant c’est elle qui leur donnent à manger. Elle a compris que mon amour pour les animaux dépasse toutes les limites. J’ai aussi des chiens, mais les gens sont souvent choqués quand ils voient ces trois bêtes sauvages en train de dormir tranquillement dans une maison au lieu de la jungle. Il faut voir aussi les réactions de mes élèves, qui viennent pour des cours particuliers en sciences naturelles. Ils adorent mon côté excentrique, surtout que je m’habille différemment également. Pour moi, chaque jour est une fête, un cadeau de dieu qu’il faut célébrer ! Chaque matin, je mets ma meilleure tenue comme si j’allais en soirée. Je superpose des hauts avec strass, swarovski, cristaux et tissus brillants…Je me rends en classe avec des escarpins en vernis, jupe à petits pois avec collants à carreaux  et je ne me sépare jamais de mon rouge à lèvre rouge sang ! C’est comme ça que je démarre ma journée en beauté… », décrit-elle avec un air jovial.

Nous avons contacté la créatrice de mode Rabaa Maamer, afin de nous expliquer l’apparition de cette tendance d’anticonformisme et d’excentrisme vestimentaire. Dans un entretien accordé à Gnetnews, elle a confirmé qu’effectivement, les clients sont à la recherche d’originalité et de distinction. D’où les modèles de robes de soirée, mariage et occasions spéciales sont de plus en plus extravagants.

Même pour les tenues de tous les jours, une bonne partie de sa clientèle aisée préfère porter du sur mesure, pour ne pas ressembler aux autres. « Elles sont fières de porter les créations de designers tunisiens, notamment quand il s’agit de pièces uniques…Il existe aussi des personnes passionnées par la mode qui essaient de créer leur propre style, en refusant de rentrer dans le moule des tendances de l’industrie de la mode. Cet engagement contre les vêtements industriels  leur offre aussi un autre style, un peu dépassé et démodé, mais excentrique également ».

La créatrice a rappelé aussi que d’habitude les gens découvrent des créations fantaisistes dans les Fashion show de créateurs internationaux, durant les festivals de cinéma, de music ou encore dans les carnavals et concerts musicaux. « Mais, les mentalités ont évolué, et chacun a envie d’être plus libre dans ses choix, loin des jugements de la société et de l’entourage. Il ne faut pas oublier aussi que les vêtements sont pour certains un moyen d’expression et une alternative pour se présenter et dire qui nous sommes, de révéler notre vision du monde, religion, croyances et appartenance socio-culturelle. Les vêtements sont donc révélateurs de la personnalité de chacun, de son humeur, et de son état d’esprit. Pour les gens excentriques, l’apparence est un moyen de s’imposer en étant marginal, différent et spécial. C’est un moyen d’attirer l’attention, sans chercher à plaire, ou à gagner la reconnaissance des autres, et donner une bonne impression. Ces derniers cherchent à s’imposer autrement, à ne pas se plier aux attentes de la société, et à se libérer du regard extérieur… ».

E.B