Grève ouverte des enseignants suppléants : Un système éducatif en détresse

06-01-2025

La Coordination nationale des enseignants suppléants a annoncé une grève ouverte à partir de ce lundi 6 janvier 2025. Ce mouvement intervient en réponse au non-paiement de leurs indemnités et marque une étape décisive dans leurs revendications. Après avoir assisté au salut du drapeau dans les établissements scolaires, les enseignants suppléants ont suspendu les cours et informé les directeurs qu’ils boycotteront les activités éducatives jusqu’à satisfaction de leurs demandes.

Une situation alarmante selon Ridha Zahrouni, président de l’ATUPE

Interrogé à ce sujet, Ridha Zahrouni, président de l’Association tunisienne des parents et des élèves (ATUPE), a exprimé ses inquiétudes quant aux répercussions de cette crise sur le système éducatif. « Ce problème de ressources humaines est une véritable épine dans la colonne vertébrale de notre école. Chaque année, nous faisons face aux mêmes tensions avec des enseignants qui menacent de faire grève, de boycotter les examens ou de ne pas rendre les notes Â», a-t-il déclaré.

Zahrouni a souligné les conséquences graves de ces mouvements sur le déroulement de l’année scolaire, notamment la perturbation des élèves et des parents, ainsi que l’impact négatif sur les résultats académiques et la qualité de l’enseignement.

Un paradoxe dans la gestion des ressources humaines

Selon Zahrouni, malgré une amélioration constante des indicateurs relatifs aux ressources humaines – tels que des ratios enseignants/élèves au même niveau que les standards internationaux – le système éducatif tunisien continue de souffrir de problèmes structurels. « Bien que les indicateurs relatifs aux ressources humaines (OCDE) se soient améliorés ces dernières décennies, avec un ratio de 15 élèves par enseignant au secondaire et 16 au primaire, le système continue de souffrir d’une mauvaise gestion Â», explique M. Zahrouni.

La stratégie actuelle, consistant à recourir aux enseignants suppléants pour pallier les contraintes budgétaires, est jugée inadéquate par les experts. Ces enseignants, souvent sous-payés et privés de droits sociaux, sont démotivés et peinent à assurer un enseignement de qualité.

En parallèle, Zahrouni rappelle que la baisse du taux de natalité en Tunisie, illustrée par une diminution significative des naissances ces dix dernières années, aurait du permettre une meilleure anticipation des besoins éducatifs. En effet, un indicateur conjoncturel de fécondité tombé à 1,6 enfant par femme en 2023, doit permettre une meilleure planification des besoins en enseignants.

Pourtant, selon M. Zahrouni, ces données ne sont pas suffisamment prises en compte pour réformer le système et planifier les ressources de manière efficace.

Urgence d’une réforme globale

Ridha Zahrouni appelle à une réforme globale du système éducatif : « Nous avons besoin d’un plan clair, basé sur les données prévisionnelles des effectifs scolaires, pour éviter ces crises répétées. L’élévation de la qualité de l’enseignement repose sur des enseignants motivés, disposant de conditions de travail décentes et de tous leurs droits. Â»

Il recommande par ailleurs une meilleure gestion du temps scolaire et des ressources. « Avec une année scolaire plus longue et une charge horaire plus importante pour les enseignants, il serait possible de réduire le nombre de suppléants et d’améliorer les conditions de travail de l’ensemble des enseignants. Or, nous gaspillons inutilement 10 % du temps scolaire, alors qu’une simple réorganisation permettrait d’optimiser les ressources humaines et financières Â», ajoute-t-il.

Le président de l’ATUPE a également souligné l’impact des taux de redoublement élevés sur l’organisation des établissements scolaires. « En moyenne, un élève tunisien passe trois ans de plus dans le cursus scolaire à cause des échecs répétés, ce qui affecte le rendement global du système Â», a-t-il ajouté.

Les parents en première ligne

Face à cette grève, les parents sont confrontés à des solutions alternatives coûteuses, comme les cours particuliers ou le passage à l’enseignement privé, ce qui accentue les inégalités entre élèves. « Malheureusement, pour les familles qui n’ont pas les moyens, cette situation devient un drame silencieux, renforçant l’échec scolaire et creusant les écarts sociaux Â», a conclu Zahrouni.

Cette grève met en avant une fois de plus la fragilité du système éducatif tunisien. Alors que les enseignants suppléants réclament leurs droits, c’est toute la structure éducative qui semble avoir besoin d’une refonte en profondeur. Les revendications des suppléants ne sont que la partie émergée d’un iceberg de problèmes systémiques. Sans une action rapide et décisive, les conséquences sur les élèves, les enseignants et l’avenir du pays risquent d’être irréversibles.

Wissal Ayadi