Tunisie/ Huile d’olive : En l’absence de pluie, la récolte revue à la baisse, et le prix du litre risque d’exploser !

17-11-2023

La saison de la récole des olives bat son plein. Les huileries tournent à plein régime afin de récolter l’or vert, principale richesse agricole de notre pays.

Une saison qui s’annonçait prometteuse, mais qui finalement le sera partiellement en raison de l’absence des pluies d’automne, qui se font toujours attendre. Le ministère de l’Agriculture avait tablé sur 200.000 tonnes, irréalisables selon les experts.

Quelles sont les raisons de ce faible rendement ? Comment organiser ce secteur hautement stratégique ?

Faouzi Zayani, expert en politique agricole, nous livre son analyse sur la question.

Faouzi Zayani / Expert en politique agricole

La production en baisse en Tunisie…et dans le monde

En septembre dernier, le ministère de l’Agriculture avait espéré une récolte supérieure à celle de l’an dernier, avec une prévision à 200.000 tonnes. Or l’absence des pluies d’automne n’ont pas permis d’atteindre ce chiffre. « C’était de toutes les façons impossible étant donné l’absence de ces pluies d’automne qui sont indispensables à la fois pour les oliviers mais aussi pour tout type de culture agricole. Cette pluie sert à améliorer le fruit (l’olive) mais aussi à préparer l’arbre à la saison d’après », nous dit Faouzi Zayani. Selon lui, dans les meilleurs cas, la Tunisie peut espérer atteindre les 170.000 tonnes.

Les changements climatiques ont affecté tout le pourtour de la Méditerranée puisque ce phénomène n’est pas seulement visible en Tunisie. En effet, la production mondiale d’huile d’olive a subi une baisse de 45% par rapport à la moyenne de la consommation mondiale. « On peut même considérer qu’en Tunisie, la culture irriguée à en, quelque sorte, sauvé la saison ». A noter que plus de 50% de la récole provient de la culture irriguée.

La production tunisienne d’huile d’olive représente entre 7% et 8% de la production mondiale, se plaçant ainsi à la 4ème place derrière l’Espagne l’Italie et la Grèce. « La Tunisie pourrait d’ici 2 ans dépasser l’Italie et  la Grèce si nous avons de bonnes pluies et un programme pour ce secteur », affirme l’expert en politique agricole.

L’explosion des prix

Pour cette saison, le prix du litre d’huile d’olive risque d’exploser sur le marché national, le prix du litre pourrait atteindre les 27 Dt, contre 17DT l’année passée. Cette situation est notamment due à la hausse sur les cours mondiaux.

L’expert rappelle, par ailleurs, que la consommation nationale reste faible en raison de la hausse des prix. Celle-ci est d’environ 35.000 tonnes par an, soit 2,45L par an/habitant. « Ainsi, le reste de la récolte sera exporté. C’est la raison pour laquelle il faut que l’Etat engage une réelle stratégie en organisant la filière exportation et une autre réservée à la consommation locale avec un volet social », nous dit-il.

Arrêter les plants d’oliviers irrigués

Jusqu’à quand allons-nous cultiver les oliviers irrigués? A-t-on assez d’eau pour irriguer les champs qui se multiplient tous les ans de manière extravagante ?

Si le développement exponentiel des cultures oléicoles irriguées  peuvent être une source d’augmentation de la production tunisienne d’huile d’olive, elle s’avère être pourtant une vraie catastrophe en terme hydrique. En effet, la situation climatique de la Tunisie, extrêmement fragile, permet-elle encore d’encourager ce genre de pratique ? Vraisemblablement non, au vu de la sécheresse qui frappe le pays depuis maintenant 4 ans.

Dans ce sens, Faouzi Zayani, explique que 98% des nouveaux plants d’oliviers sont voués à l’agriculture irriguée. « Le problème ce n’est pas l’eau potable en Tunisie, mais les 80% consommés utilisés pour l’Agriculture ». A noter que 13% des ressources en eau sont réservées à l’eau potable et 7% à l’industrie et au tourisme.

« Il faut arrêter la course à la plantation des oliviers irrigués. Nous devons investir dans la recherche afin de sélectionner les variétés adéquate à la Tunisie en fonction des régions humides et sèches, quitte à interdire la plantation d’oliviers dans les régions où il n’y  a pas d’eau », martèle l’expert.

Il ajoute également qu’il faudra très rapidement accélérer les projets de dessalement de l’eau en cours et se procurer des stations ambulantes à utiliser de suite.

Manque de  stratégie

L’Etat est propriétaire de plus d’un million de pieds d’oliviers. Par ailleurs, la taxe sur l’export d’huile d’olive a été doublée au vu du projet de loi de finances 2024, dans le but de booster l’export d’huile conditionnée. Ces deux facteurs sont donc une occasion pour les pouvoirs publics de mettre en oeuvre de réelles politiques qui permettront le développement de ce secteur hautement stratégique pour la Tunisie. Selon Faouzi Zayani, l’exportation d’huile conditionnée doit devenir une priorité.

« Il faut mettre les mécanismes pour concrétiser les ambitions. Il ne faut pas que cela reste un slogan. Pour le moment personne ne sait comment cela sera mis en place et en action », déplore-t-il.

L’expert souligne également qu’il faut toucher d’autres marchés comme ceux de l’Asie ou l’Amérique du Sud. « C’est le rôle, entre autres, de nos ambassadeurs. Il faut faire marcher la diplomatie économique qui est pour le moment inexistante », relève-t-il.

Wissal Ayadi